Trop d’oxytocine prescrite pendant l’accouchement ?!

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Rédigé par Estelle B. et publié le 14 janvier 2017

Oxytocine accouchement

L’oxytocine est un médicament fréquemment utilisé lors de l’accouchement pour favoriser la dilatation du col de l’utérus et accélérer le travail. Son utilisation pourrait être excessive selon les dernières recommandations du Collège National des Sages-Femmes de France et ne serait pas sans risques pour les femmes et leur bébé.

Oxytocine et accouchement

L’ocytocine est une hormone produite par l’hypothalamus (région du cerveau) et sécrétée en particulier au moment de l’accouchement et au cours de l’allaitement. Elle agit principalement sur le muscle lisse de l’utérus en stimulant les contractions utérines, ce qui facilite la dilatation du col de l’utérus et l’expulsion du fœtus. Après l’accouchement, son action permet de réduire le risque d’hémorragie post-partum (complication grave de l’accouchement, première cause de décès maternel en France).

L’oxytocine est une hormone de synthèse proche de l’ocytocine, qui a le statut de médicament depuis 1970 pour les indications suivantes :

  • L’insuffisance de contractions utérines au début ou pendant le travail (dystocie) ;
  • Au cours des chirurgies obstétricales (césarienne, interruption de grossesse, …) pour faciliter la rétraction de l’utérus (retour à la normale du volume de l’utérus) ;
  • L’absence de tonus musculaire utérin (atonie) consécutive à une hémorragie du post-partum.

A savoir ! L’ocytocine est la forme naturelle de l’hormone, tandis que l’oxytocine en est le dérivé de synthèse.

En pratique, l’oxytocine est d’usage courant dans un grand nombre d’accouchements, pour raccourcir la durée du travail et donc limiter les complications fœtales et maternelles associées à un travail prolongé. Mais l’utilisation de l’oxytocine n’est pas sans risques.

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Un usage excessif de l’oxytocine ?

Les observations menées par le Collège National des Sages-Femmes de France (CNSF) ont mis en évidence une utilisation de plus en plus courante de l’oxytocine dans l’accompagnement du travail. Ainsi, en 2010, 64% des femmes en travail en ont reçu.

Quels sont les risques potentiels de l’oxytocine ? Comme tout médicament, elle possède des effets secondaires, dont certains peuvent être graves :

  • Une hypercontractilité utérine (augmentation anormale de la capacité de contraction de l’utérus) ;
  • Un risque accru d’hémorragie grave du post-partum;
  • Des anomalies du rythme cardiaque fœtal ;
  • Des troubles chez le nouveau-né (ictère (jaunisse), troubles de la succion, troubles sanguins).

A savoir ! Des données contradictoires relient l’utilisation d’oxytocine au cours du travail avec le développement de troubles autistiques chez l’enfant, mais à jour aucune conclusion définitive n’a pu être apportée à cette question.

En France, l’accouchement est particulièrement médicalisé par rapport à d’autres pays européens, et l’administration d’oxytocine est l’un des principaux éléments de cette médicalisation. L’oxytocine serait-elle trop utilisée au cours des accouchements en France ? Des groupes de travail réunissant des sages-femmes, des gynécologues-obstétriciens, des épidémiologistes, un pédiatre et un anesthésiste ont travaillé pendant deux ans sur cette question cruciale. Leurs conclusions ont permis d’élaborer des recommandations pour les accouchements de femmes à terme de leur grossesse, portant un seul bébé, avec une présentation céphalique (tête vers le bas) et dans le cadre d’un travail spontané (non déclenché).

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Les recommandations des sages-femmes

Les groupes de travail ont montré l’importance de redéfinir les différents stades du travail, dont la dernière définition datait des années 50. Plusieurs études ont mis en évidence la nécessité de faire évoluer cette définition. Le premier stade du travail s’étend du début de la dilatation jusqu’à la dilatation complète et se divise en deux phases :

  1. La phase de latence peut être très variable selon les femmes et sa durée doit être respectée au maximum par les soignants. Le recours à l’oxytocine durant cette phase doit être limité.
  2. La phase active débute à partir de 5-6 cm de dilatation. La vitesse de dilatation est considérée comme anormale si elle est inférieure à 1cm toutes les 4h au début de la phase active ou 1cm toutes les 2h à partir de 7cm de dilatation. Il est recommandé de privilégier la rupture artificielle des membranes (amniotomie, rupture de la poche des eaux) et d’attendre 1h avant d’avoir recours à une administration d’oxytocine.

Le second stade du travail se divise également en deux phases :

  • La phase de descente du fœtus peut durer jusqu’à 2h avant que l’administration d’oxytocine devienne nécessaire, car les risques hémorragiques augmentent au-delà de ce terme.
  • La phase d’expulsion du fœtus.

Le troisième et dernier stade du travail correspond au temps écoulé entre la naissance de l’enfant et la délivrance du placenta.

Une anesthésie par péridurale ne modifie pas la synthèse naturelle d’ocytocine et ne constitue donc pas une indication pour une administration systématique d’oxytocine.

En pratique, l’utilisation de l’oxytocine doit suivre des modalités définies :

  • Selon un protocole établi au sein de chaque maternité ;
  • Après une information de la patiente ;
  • En consignant la dose dans le dossier médical ;
  • Avec un suivi continu de l’activité utérine et du rythme cardiaque fœtal.

Ces nouvelles recommandations sont relayées auprès des équipes obstétricales, des femmes enceintes et des réseaux de périnatalité. Le CNSF réalisera fin 2017 une étude auprès des réseaux de périnatalité pour déterminer si les nouvelles recommandations ont permis une évolution des pratiques concernant l’oxytocine.

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Estelle B. / Docteur en Pharmacie


Source :

Collège National des Sages-Femmes de France. Dossier de Presse. Administration de l’oxytocine lors du travail spontané : Adoptons les bons réflexes ! 2016. 16 pages.

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