Quels sont les effets du travail de nuit sur l’organisme ?

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Rédigé par Julie P. et publié le 2 juin 2018

Exercer un travail de nuit et dormir la journée entraine une désynchronisation de l’organisme synonyme d’un risque accru de survenue de maladies cardiovasculaires, de diabète ou de dépressions. Pour explorer minutieusement la physiologie des personnes travaillant en heures décalées, des chercheurs américains de l’université du Colorado Boulder ont suivi l’évolution de plus de 100 protéines sanguines chez six volontaires vivant en heures décalées pendant une semaine. Zoom sur les principales observations de ces travaux publiés dans la revue PNAS.

travail de nuit chez une femme médecin

Un métabolisme du glucose et une fonction immunitaire sans repère

L’étude est la première à examiner comment les taux de protéines dans le sang humain fluctuent sur une période de 24 heures et comment le décalage du sommeil en journée et la prise de repas la nuit affecte cette expression.

La protéomique est un champ de recherche très prometteur pour la compréhension de la physiologie humaine, le développement de biomarqueurs de santé et la médecine de précision.

À savoir ! Un « protéome » représente le statut de toutes les protéines exprimées par les gènes dans un organisme à un moment donné. La protéomique, l’étude de ces protéines, est un outil puissant pour comprendre l’état de santé de chaque individu.

Pour mener à bien cette étude clinique, les chercheurs ont fait appel à six jeunes hommes en bonne santé pour passer six jours au centre de recherche clinique de l’université du Colorado.

Leur repas, sommeil, niveau d’activité et exposition à la lumière étaient minutieusement contrôlés.

Pendant les deux premiers jours, les volontaires ont suivi leur rythme circadien en étant actif le jour et en dormant la nuit.

À savoir ! Notre organisme est physiologiquement conçu pour vivre le jour et dormir la nuit car l’homme est un être vivant diurne. Ainsi, notre horloge biologique interne qui se situe dans le cerveau est responsable d’une activité fonctionnant par cycle de 23h30 à 24h30, ce qui constitue le rythme circadien. La désynchronisation ou la resynchronisation de cette horloge biologique interne est fortement influencé par la lumière.

Puis, progressivement, leur rythme a évolué vers celui d’un travail de nuit caractérisé par huit heures de sommeil en journée et une activité physique la nuit (rester en position debout la plupart du temps) ponctuée par des repas.

En prélevant un échantillon de sang toutes les 4 heures et en l’analysant avec une nouvelle technologie de pointe, les chercheurs ont découvert qu’une trentaine de protéines, sur 1 129 protéines analysées au total, ont modifié leur cycle d’expression lors du passage à un rythme de vie décalé.

« Au deuxième jour de transition, nous avons déjà commencé à voir des protéines qui atteignaient un pic la nuit au lieu du jour et vice versa » souligne Christopher Depner qui a participé à ces travaux.

Les protéines ayant changé leur rythme d’expression sont :

  • Le glucagon, une protéine impliquée dans la régulation de la glycémie (taux de sucre dans le sang) qui atteignait un pic la nuit au lieu du jour incitant ainsi le foie à décharger plus de sucre dans la circulation sanguine et favorisant la survenue de diabète ;
  • Le facteur de croissance fibroblastique 19 impliqué dans la stimulation de la dépense calorique et dont la dérégulation est responsable d’une prise de poids plus aisée ;
  • Des protéines impliquées dans la fonction immunitaire (système de défense de l’organisme) et les mécanismes cellulaires induisant l’apparition de certains cancers.

Lire aussiRythme circadien : une horloge dans le cerveau

Vers une mise en pratique de ces données ?

Tout d’abord, ces données montrent qu’un décalage dans le rythme jour/nuit entraine immédiatement la survenue de déséquilibre dans l’expression de certaines protéines.

Cette découverte renvoie donc à s’interroger également sur les conséquences sur la santé et le bien-être qu’entrainent :

  • Un décalage horaire (jet lag) ;
  • Une nuit blanche (fêtes, concerts, ou pratique de jeux-vidéos) ;
  • Une tendance à veiller très tardivement le week-end et à dormir plus longuement en journée.

Avant d’élaborer de nouveaux traitements pour les travailleurs de nuit (représentant d’ailleurs 20% des travailleurs dans le monde) pour préserver leur santé, d’autres études sont cependant encore nécessaires.

Ces connaissances pourraient aussi permettre aux médecins de planifier avec précision l’administration de certains médicaments, de vaccins et de tests de diagnostic autour de l’horloge circadienne et répondre aux enjeux de la chronopharmacologie (étude de l’influence du moment d’administration d’un médicament sur son efficacité d’action).

« Si nous connaissons les protéines que l’horloge régule, nous pouvons ajuster le calendrier des traitements pour être en ligne avec ces protéines et optimiser ainsi l’efficacité des thérapies » conclut Christopher Depner.

Les chercheurs espèrent pouvoir recommencer prochainement cette expérience sur les personnes exerçant un travail de nuit et pouvoir mettre ces nouvelles connaissances en pratique.

Lire aussiChrononutrition : s’alimenter en suivant son horloge biologique

Julie P., Journaliste scientifique

– Eating at night, sleeping by day swiftly alters key blood proteins. medicalxpress.com. Le 31 mai 2018.
– Mistimed food intake and sleep alters 24-hour time-of-day patterns of the human plasma proteome. C.M. Depner et al. www.pnas.org. Consulté le 31 mai 2018.
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