Selon les derniers chiffres, plus de 850 000 personnes en France souffrent de la maladie d’Alzheimer. Afin de trouver de nouvelles thérapies, les chercheurs doivent d’abord élucider précisément les dysfonctionnements cellulaires et biochimiques qui sont à l’origine de cette pathologie neurodégénérative. Récemment, une équipe franco-canadienne vient de renverser une idée concernant la physiopathologie de cette maladie. Ainsi, la démence qui survient ne serait pas liée à une perte de synapses, les zones de contact entre les neurones, mais à un mauvais fonctionnement de ces dernières. Focus sur l’étude parue dans la revue Scientific Reports.
Un échantillon de tissus cérébraux exceptionnel
Pour mener à bien leur étude, l’équipe de chercheurs, dirigée par Stéphanie Daumas de l’Institut de biologie Paris-Seine de l’université de la Sorbonne et Salah El Mestikawy de l’institut universitaire en santé mentale Douglas de Montréal, ont dû avoir accès à 171 tissus cérébraux post-mortem ayant appartenu à des individus souffrant, ou non, de la maladie d’Alzheimer.
Les individus souffrant de la maladie d’Alzheimer avaient d’ailleurs des niveaux de gravité de démence différents, et diagnostiqués avec une échelle clinique divisée en 5 niveaux.
Une fois les échantillons de tissus prélevés au niveau de l’aire de Broadmann numéro 9, les chercheurs ont quantifié certaines protéines clefs présentes au niveau des synapses (zones de contact physique entre deux neurones au niveau desquels circulent les neurotransmetteurs, des molécules de communication entre les cellules nerveuses) et des neurones.
À savoir ! Les aires de Brodmann ont été initialement définies et numérotées par Korbinian Brodmann, dès 1905, sur la base de l’organisation neuronale. Une aire de Brodmann correspond à une région du cortex définie en fonction de la forme des neurones et des réseaux qui la constituent. L’aire 9 de Brodmann est située dans le cortex préfrontal dorsolatéral. Cette zone est impliquée dans de nombreuses fonctions cognitives telles que : la planification, la mémoire de travail, la régulation de l’action et des fonctions intellectuelles supérieures. Des études précédentes ont montré que cette aire est fortement affectée en cas de démence.
Après l’analyse biochimique de ces tissus cérébraux, quelles sont les principales observations ?
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Des synapses toujours présentes mais défaillantes
Le niveau d’expression de l’ensemble des différentes molécules analysées n’était pas lié au statut cognitif des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Autrement dit, l’observation de la quantité de chaque molécule ne permet pas de prédire le niveau de la gravité de la démence dont souffrait le patient.
Parmi les 8 molécules synaptiques analysées, seul le transporteur vésiculaire du glutamate (un neurotransmetteur), nommé VGLUT 1, présentait une corrélation forte entre la diminution de son expression et le niveau de gravité de la démence du patient.
Aussi, la concentration en synaptophysine, une protéine synaptique très répandue, était partiellement diminuée dans les échantillons de tissus cérébraux des personnes atteintes par le niveau de démence le plus sévère.
Ainsi, en observant des variations mineures du niveau d’expression de molécules synaptiques chez les personnes atteints de la MA, les chercheurs pensent que les synapses sont toujours présentes, en nombre important, au niveau des neurones.
De manière implicite, les chercheurs avancent donc que c’est le mode de fonctionnement des synapses qui est défaillant.
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Les perspectives de cette découverte
Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que la perte de protéines synaptiques dans les tissus cérébraux localisés au niveau de l’aire numéro 9 de Broadmann est limitée.
Cependant, ces données doivent être interprétées avec prudence puisque cette étude a analysé la matière grise totale au niveau de l’aire 9 sans prendre compte de l’apparition de changements spécifiques subtils dans les synapses composant cette aire.
Dans les études futures, les chercheurs recommandent d’évaluer ces mêmes marqueurs synaptiques dans d’autres zones du cerveau.
Autre donnée intéressante : la majorité des changements significatifs des protéines synaptiques ont été observés uniquement dans les tissus atteints de démence sévère.
Pour les chercheurs, cette observation suggère que :
- Un mécanisme biologique survient au niveau des synapses juste avant la transition vers l’état de démence le plus grave ;
- La plupart des molécules synaptiques examinées dans cette étude n’ont pas de rôle de « cause à effet » dans les stades précoces de la démence.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Moderate decline in select synaptic markers in the prefrontal cortex (BA9) of patients with Alzheimer’s disease at various cognitive stage. Nature. Scientific Reports. O. Poirel et al.Le 17 janvier 2018.
– Alzheimer’s disease: neuronal loss very limited. mcgill. Université. Consulté le 6 février 2018.
Très intéressant exposé, je suis vivement intéressée, mon mari étant atteint de cette maladie d’Alzheimer.
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