Demain, les antibiotiques seront-ils impuissants face aux infections courantes et aux petites blessures ?

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Rédigé par Julie P. et publié le 25 novembre 2018

Suite à la semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques, l’Organisation mondiale de la Santé a mis en garde les populations contre la menace de l’inefficacité grandissante des antibiotiques. En parallèle, Santé Publique France publie,  en collaboration avec l’ANSM, l’Anses, l’Assurance Maladie et l’INSERM, un dossier de synthèse  faisant l’état des lieux de la consommation de celui-ci et de l’antibiorésistance en France. Retour sur les éléments clefs.

Des antibiotiques

Comprendre l’émergence de la résistance aux antibiotiques

Tuberculose, méningite, pneumonie… toutes ces maladies ont été combattues grâce à l’émergence, dès les années 1920, des antibiotiques, ces molécules dirigées contre les bactéries.

Cependant, au fil du temps, notre consommation importante d’antibiotiques dans la santé humaine, mais aussi dans la santé animale, a entrainé une sélection et une modification des bactéries qui a entrainé l’émergence de souches résistantes aux antibiotiques.

À savoir ! Une pression de sélection sur un organisme vivant lui permet de contourner une menace. Pour ce faire, l’organisme acquiert des gènes de résistance par mutation ou assimilation d’éléments génétiques mobiles.

Selon l’OMS, « la résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement ».

Plusieurs causes viennent expliquer la montée en puissance des bactéries résistantes aux antibiotiques :

    • La surconsommation ;
    • Le mésusage (ne pas terminer son traitement ou utiliser des molécules de qualité inférieure) ;
    • La présence importante dans l’environnement (sols, eau, champs, mers).

    À savoir ! Les antibiotiques se retrouvent dans l’environnement à travers plusieurs activités d’origine humaine ou animale. Ainsi, les effluents hospitaliers, de l’industrie pharmaceutique ou ceux des villes sont largués dans la nature après leur traitement dans les stations d’épuration. Comme les technologies de traitement d’eau ne sont pas optimales, des antibiotiques ou leurs produits de dégradation se retrouvent dans les eaux traitées qui sont relarguées dans les rivières pour atteindre ensuite les nappes phréatiques et les sols.

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    Des répercussions alarmantes pour la santé humaine

    Selon le rapport de l’OMS, la perte d’efficacité des antibiotiques entraîne de nombreuses difficultés pour soigner des infections bactériennes comme la pneumonie, la tuberculose, la septicémie, la gonorrhée ou les infections bactériennes d’origine alimentaire.

    « En l’absence d’antibiotiques efficaces et d’autres antimicrobiens, nous allons perdre notre capacité à traiter des infections répandues comme la pneumonie «  avertit Suzanne Hill de l’OMS.

    Globalement, en France, la lutte contre la résistance aux antibiotiques voit récemment apparaitre quelques petites réussites, mais la vigilance doit être renforcée.

    En se basant sur les données de la région de Bourgogne Franche-Comté, les chercheurs ont pu analyser la progression de la résistance aux antibiotiques entre 2007 et 2017.

    Comme le rappelle Santé publique France, « Le nombre d’infections à bactérie multirésistantes a été estimé à 125 000 en France en 2015, avec plus de 5 000 décès attribuables ».

    En médecine de ville, on assiste à un recul de la résistance des souches d’Escherichia Coli (responsables d’infections urinaires, en particulier) aux antibiotiques de type céphalosporine de troisième génération (C3G) suite à une diminution de 40% de leur utilisation depuis 2015. Par contre, dans les établissements de santé, cette résistance est à la hausse passant de 2 % en 2007 à 10,2% en 2017.

    La résistance à la pénicilline des pneumocoques à l’origine notamment des otites, pneumonies ou méningites est encore très haute, dépassant les 25 %.

    Une autre résistance inquiète tout particulièrement les professionnels des établissements de santé (hôpitaux, cliniques, EHPAD) : celle aux C3G par la bactérie Klebsiella pneumoniae, souvent associés aux infections nosocomiales (infections pulmonaires et urinaires). Cette résistance est passée de 10 % à 28,8 % entre 2007 et 2017. La bactérie E.coli réussit également à devenir insensible aux C3G puisqu’en 2017 10,2% de ces entérobactéries étaient résistantes contre 2%  en 2007.

    Lire aussiInfections nosocomiales : 1 patient hospitalisé sur 20 concerné

    Les solutions pour faire reculer l’antibiorésistance

    « Nous devons ralentir le développement et la propagation de la résistance afin que les antibiotiques dont nous disposons continuent à être efficaces le plus longtemps possible », souligne Marc Sprenger, Directeur du secrétariat de l’OMS chargé de la résistance aux antimicrobiens.

    Plusieurs conseils sont prodigués auprès des citoyens et des professionnels de santé :

    • Prévenir la survenue des infections (vaccination, lavage des mains, bonne hygiène alimentaire, rapport sexuel protégé, éviter les contacts inutiles avec les malades) ;
    • Poursuivre un traitement antibiotique prescrit jusqu’à sa fin même si on se sent mieux et ne pas faire de l’automédication de celui-ci ;
    • Réaliser automatiquement un test de diagnostic rapide angine pour déterminer si elle est d’origine virale ou bactérienne ;
    • Elargir la possibilité pour chaque médecin prescripteur d’antibiotiques de se référer à un infectiologue ou autre référent en antibiothérapie en cas de difficultés face au diagnostic ou au traitement d’une infection ;
    • Evaluer précisément les nécessités d’administrer des antibiotiques au moment d’une intervention chirurgicale (antibioprophylaxie chirurgicale) ;
    • Renforcer le rôle des vétérinaires référents en antibiothérapie ;
    • Rapporter les antibiotiques périmés ou non utilisés chez votre pharmacien et ne pas les jeter dans les poubelles ou toilettes.

    Mercredi 14 novembre, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, a annoncé que la lutte contre la résistance à l’antibiotique bénéficiera de 40 millions d’euros d’investissement. Dans ce programme, coordonné par l’Inserm, il sera question de mieux comprendre la diffusion de l’antibiorésistance et découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques.

    Lire aussiUn staphylocoque résistant à tous les antibiotiques ?!

    Julie P., Journaliste scientifique

    – L’OMS craint une « ère post-antibiotique » où les infections courantes sont à nouveau mortelles. Science et Avenir avec AFP. Consulté le 21 novembre 2018.
    – Consommation d’antibiotiques et résistance aux antibiotiques en France : une infection évitée, c’est un antibiotique préservé ! Santé Publique France. Maugat S, Berger-Carbonne A et al. Consulté le 21 novembre 2018.
    – Antibiorésistance : en 10 ans, des antibiotiques plus prescrits, mais mieux utilisés. Le Quotidien du Médecin. D.Coulomb. Consulté le 21 novembre 2018.
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