Nocive pour la santé respiratoire et cardiovasculaire, la pollution de l’air l’est également pour le système nerveux central en entraînant le développement de maladies neurodégénératives. Et si la pollution de l’air avait également un impact sur les processus neurodégénératifs au niveau oculaire ? C’est ce que suggère une récente étude bordelaise selon laquelle la pollution atmosphérique augmenterait le risque de glaucome. Zoom sur les conclusions de cette étude.
Impact de la pollution de l’air sur le système nerveux central
Les effets nocifs des polluants atmosphériques sur les fonctions respiratoires et cardiovasculaires sont aujourd’hui bien connus. A l’heure actuelle, les études scientifiques tendent à démontrer que l’exposition chronique à la pollution de l’air impacte également le système nerveux central en augmentant le risque de maladies neurodégénératives chez l’adulte et de troubles du neurodéveloppement chez l’enfant.
Parmi les maladies neurodégénératives existantes, citons le glaucome qui désigne une maladie de l’œil caractérisée par la destruction progressive du nerf optique. Cette pathologie provoque l’amincissement de la couche des fibres nerveuses de la rétine qui font partie du système nerveux central.
Dans le contexte où le glaucome représente la seconde cause de cécité dans les pays développés, des chercheurs bordelais ont souhaité étudier l’effet d’une exposition aux polluants de l’air sur les processus neurodégénératifs au niveau oculaire.
Exposition aux polluants et affinement plus rapide de la rétine
Pour mener à bien leur étude, les scientifiques ont suivi pendant dix ans une cohorte bordelaise composée de 683 personnes âgées de plus de 75 ans. Pour estimer leur niveau d’exposition à la pollution atmosphérique au cours des dix années précédant l’étude, les chercheurs se sont appuyés sur l’adresse de leur lieu d’habitation ainsi que sur des cartographies détaillant précisément l’exposition annuelle à chaque polluant.
A savoir ! : Ces cartographies précises ont tenu compte de la qualité de l’air et de caractéristiques météorologiques et géographiques (proximité d’une route, densité de population, altitude…).
Les participants ont ensuite été soumis à des examens oculaires tous les deux ans entre 2009 et 2020. L’objectif consistait à mesurer l’évolution de l’épaisseur de la couche des fibres nerveuses de leur rétine.
Les chercheurs ont alors pu observer que les personnes ayant été exposées à des concentrations de particules fines élevées (25 µg/m3) présentaient au cours du temps un affinement plus rapide de la couche nerveuse rétinienne que les personnes exposées à des concentrations de 20 µg/m3.
A savoir ! : Le seuil annuel réglementaire en particules fines fixé par l’Union européenne ne doit pas dépasser 25 μg/m3, ce qui représente une concentration 5 fois plus importante que les valeurs limites recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (abaissées en 2021 à 5 μg/m3).
Un risque de glaucome accru par la pollution de l’air ?
Publiés dans la revue Environmental Research, ces résultats confirment les effets de la pollution atmosphérique sur les processus neurodégénératifs et le vieillissement neurologique. Ils suggèrent également une possible augmentation du risque de glaucome pour les personnes habitant des zones polluées aux particules fines, et ce même à des niveaux inférieurs aux seuils réglementaires actuels de l’Union européenne (25 µg/m3). Gageons qu’ils permettront de faire bouger les lignes en contribuant à faire abaisser les seuils règlementaires européens comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé.
Prochaine étape pour les chercheurs ? Approfondir les connaissances relatives aux effets de la pollution de l’air sur le vieillissement oculaire en étoffant cette étude au moyen de données issues d’autres cohortes françaises.
Déborah L., Dr en Pharmacie