Depuis 1987 et la première greffe pulmonaire en France, plus de 5 000 patients ont pu bénéficier de ce type de greffe, dernier espoir de traitement de leur maladie respiratoire. Pourtant, chaque année, des patients décèdent faute d’organes compatibles pour la greffe. Des scientifiques ont réussi à transformer un poumon d’un donneur de type A en poumon transplantable quel que soit le groupe sanguin ABO. Un formidable espoir pour les patients en attente de greffe pulmonaire.
Greffe pulmonaire et compatibilité sanguine
La transplantation pulmonaire est une intervention chirurgicale lourde et complexe, réservée à des patients en état d’insuffisance respiratoire sévère mettant en jeu le pronostic vital dans les mois à venir. Le processus pour parvenir à la greffe est long et dépend notamment de la compatibilité sanguine entre le donneur et le receveur. Cette compatibilité sanguine repose sur les groupes sanguins, dont le plus connu est le groupe ABO.
Le groupe sanguin ABO définit quatre catégories de personnes, les personnes de groupe O, les personnes de groupe A, les personnes de groupe B et les personnes de groupe AB. Ces groupes sanguins correspondent à la présence ou l’absence de certains antigènes exprimés à la surface des globules rouges et de toutes les cellules. En pratique, dans le cadre d’une greffe, les organes des donneurs de groupe O peuvent être transplantés à tous les groupes sanguins, mais inversement les personnes de groupe O ne peuvent être transplantées qu’avec des organes issus d’un donneur de groupe O. Cette situation explique la très forte demande de greffons pulmonaires de groupe O.
Un poumon transplantable à tous les groupes sanguins
Dans ce contexte, deux équipes médicales ont uni leurs efforts pour tenter de développer un greffon pulmonaire « universel », c’est-à-dire transplantable à tous les groupes sanguins ABO. Pour parvenir à une telle prouesse, les chercheurs se sont intéressés à certaines enzymes intestinales, capables d’éliminer spécifiquement les antigènes des globules rouges de groupe A, B ou AB, les transformant ainsi en globules rouges de type O. Ils ont utilisé deux enzymes intestinales sur des poumons issus de donneurs de groupe sanguin A lors d’une incubation de plusieurs heures dans une machine capable de maintenir les poumons en vie une fois prélevés sur le corps humain. Après quatre heures d’incubation, 97 % des antigènes A présents à la surface des cellules pulmonaires avaient disparu et 99 % des antigènes A présents à la surface des globules rouges, suite à l’action des enzymes. Cette durée correspond au temps de conservation habituellement admis des poumons ex vivo, classiquement de 4 à 5 heures.
Pour aller plus loin, les chercheurs ont isolé les poumons droits et gauches de trois donneurs de groupe sanguin A. Les poumons droits ont été exposés à l’action des enzymes intestinales, tandis que les poumons gauches ont été laissés tels quels. Après une durée de quatre heures, les poumons droits et gauches ont été mis en présence de plasma de type O. Les poumons droits ont alors conservé une fonction respiratoire normale, tandis que les poumons gauches ont révélé des signes de rejet hyperaigu.
Bientôt un essai clinique chez l’homme
Ces résultats semblent indiquer que l’action d’enzymes intestinales spécifiques durant la phase de conservation des poumons, entre le prélèvement et la transplantation, pourrait convertir des poumons de type A en poumon de type O, transplantables à tous les groupes sanguins ABO. Une découverte qui pourrait considérablement faciliter les transplantations de poumons mais aussi d’autres organes, voire peut-être même les transfusions sanguines.
Il reste pour l’instant à valider ces résultats lors d’une étude clinique chez l’homme, notamment pour évaluer l’effet des enzymes intestinales sur la santé du receveur. D’autres questions restent en suspens et doivent être étudiées, comme la faisabilité clinique d’une telle expérience ou la tolérance à moyen terme de l’organe de type A transformé en type O. Reste que cette étude ouvre une perspective prometteuse pour les progrès de la transplantation et de la transfusion, toutes les deux très contraintes par la compatibilité sanguine.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Creating universal blood-type organs for transplant. uhn.ca. Consulté le 19 février 2022.