Avec deux fois plus de cancers en 2023 qu’en 1993 selon le dernier Panorama des Cancers de l’Institut National du Cancer, les remèdes naturels supposés agir contre le cancer ont le vent en poupe. Parmi eux, figure la vitamine B17, facilement accessible sur Internet. Mais quelle est cette nouvelle vitamine jusque-là inconnue ? Et a-t-elle vraiment une action contre le cancer ? Santé Sur le Net a enquêté sur ces questions.
Vitamine B17, amygdaline et amandes amères
La vitamine B17 correspond en réalité à l’amygdaline, une substance qui se trouve naturellement présente dans les amandes amères des noyaux d’abricots, mais aussi de pêches. Utilisées de longue date pour aromatiser les confitures d’abricots, ces amandes sont de plus en plus consommées comme remède naturel pour des propriétés anticancéreuses. Dans ces amandes, se trouve une grande quantité d’amygdaline, que certains appellent la vitamine B17. L’amygdaline peut ainsi être absorbée directement en consommant des amandes amères d’abricots, ou par le biais de compléments alimentaires. Dans certains pays, il est même proposé des injections ou des perfusions d’amygdaline !
Pourtant, l’amygdaline se décompose dans l’organisme en trois composés, le glucose, le benzaldéhyde et l’acide cyanhydrique. Le benzaldéhyde est la molécule aromatique qui donne ce parfum reconnaissable de l’amande amère. En revanche, l’acide cyanhydrique, absorbé en quantités trop importantes, peut provoquer une intoxication au cyanure, avec des conséquences parfois graves, voire mortelles. Dès 2018, les autorités de santé publique s’inquiétaient d’une hausse de la consommation des amandes amères, avec une multiplication des cas d’intoxications.
Des vertus anticancéreuses sans aucune preuve scientifique
L’ANSES recommandait de ne pas dépasser 1 à 3 amandes par jour chez les adultes, et seulement la moitié d’une amande chez les enfants. Pourtant, ça et là, circulaient sur le web des remèdes naturels contre le cancer préconisant d’ingérer quotidiennement 10 amandes par jour en préventif et 60 amandes en curatif. L’ANSES rappelait la gravité des symptômes associés à une intoxication : des convulsions, des troubles respiratoires, une diminution de la fréquence cardiaque, une perte de connaissance, voire un coma.
Face à cette levée de bouclier contre les amandes amères, l’appellation de vitamine B17 et les extraits d’amygdaline ont remplacé l’utilisation des amandes brutes. Mais le danger reste présent, puisque l’acide cyanhydrique entre toujours dans la composition. Dans une revue systématique menée en 2017, des scientifiques avaient évalué les effets anti-cancéreux de cette substance. Aucun effet bénéfique sur le développement ou l’évolution du cancer n’a pu être démontré scientifiquement. En revanche, les risques liés à l’empoisonnement au cyanure sont bel et bien réels. D’ailleurs, la FDA aux USA et la Commission Européenne en Europe ont interdit l’amygdaline, et donc la vitamine B17, dès 2015. Malheureusement, des compléments alimentaires continuent à être vendus sur Internet et certains adeptes continuent à en faire la promotion y compris dans des ouvrages.
La vitamine B17… n’est pas une vitamine !
Reste un point à clarifier. Pourquoi l’amygdaline est qualifiée de vitamine ? Rappelons déjà ce qu’est une vitamine. Une vitamine se définit comme une substance organique, sans valeur énergétique, mais indispensable à l’organisme, apportée en petite quantité par l’alimentation. Actuellement, seulement 13 substances sont reconnues comme des vitamines par l’ensemble de la communauté scientifique internationale :
- La vitamine A ;
- Les vitamines du groupe B (B1, B2, B3, B5, B6, B8, B9 et B12) ;
- La vitamine C ;
- La vitamine D ;
- La vitamine E ;
- La vitamine K.
D’autres substances, dont l’organisme a impérativement besoin, mais qu’il est capable de produire en petites quantités, sont parfois qualifiées de vitamine, comme le coenzyme Q10.
L’amygdaline n’a strictement rien à voir avec une vitamine. L’appellation « vitamine B17 » ne repose sur aucun critère nutritionnel, puisque cette substance n’est pas indispensable à l’organisme. De plus, elle a une valeur énergétique, par le glucose qu’elle contient. Cette appellation joue seulement sur le côté rassurant des vitamines pour faire valoir des effets anticancéreux ne reposant sur aucune preuve scientifique. En revanche, le risque d’être gravement intoxiqué est clairement prouvé et vérifié !
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Santé Canada rappelle aux Canadiens les risques associés à la consommation d’amandes d’abricots amères. canadiensensante.gc.ca. Consulté le 20 juillet 2023.
