Les trypanosomiases regroupent l’ensemble des infections dues aux parasites de type trypanosomes. Ces parasites sont transmis par des insectes au moment de la piqûre d’un animal ou de l’homme. Il existe donc des trypanosomiases animales et humaines. Les deux trypanosomiases humaines sont la maladie du sommeil en Afrique et la maladie de Chagas en Amérique.
Qu’est-ce qu’une trypanosomiase ?
Une trypanosomiase est une maladie vectorielle parasitaire, associée à une infection par des parasites protozoaires de type trypanosomes. Ces parasites sont hébergés par des insectes hématophages vecteurs, comme la mouche tsétsé ou le triatome. Il existe différentes espèces de trypanosomes, transmis par différentes espèces d’insectes. On distingue ainsi :
- Des trypanosomiases animales, qui touchent les animaux sauvages ou domestiques. L’une des plus connues est le nagana, qui frappe le bétail dans certaines régions d’Afrique ;
- Des trypanosomiases humaines, qui sont :
- La trypanosomiase africaine ou maladie du sommeil, transmise par la mouche tsé tsé ;
- La trypanosomiase américaine ou maladie de Chagas, transmise par le triatome.
La maladie du sommeil
La maladie du sommeil existe sous deux formes cliniques différentes, en fonction de la variété de trypanosome et de l’espèce de mouche tsé-tsé (encore appelée glossine) impliquées :
- Trypanosoma brucei gambiense est responsable de plus de 98 % des cas recensés et provoque une infection chronique. Ce parasite est présent dans 24 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Il est transmis par Glossina palpalis, qui vit dans les forêts et près des zones humides.
- Trypanosoma brucei rhodesiense, beaucoup plus rare, est présent dans 13 pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe et se manifeste sous la forme d’une infection aigüe. Il est transmis par Glossina morsitans, qui vit préférentiellement dans les zones sèches de savanes.
Comment attrape-t-on la maladie du sommeil ?
La maladie du sommeil peut être contractée dans différentes situations :
- Par piqûre d’une mouche tsé-tsé porteuse de trypanosome, c’est le cas le plus fréquent ;
- In utero de la mère à l’enfant, car le trypanosome est capable de franchir la barrière placentaire ;
- La piqûre par d’autres insectes hématophages, comme les moustiques. Les moustiques Anopheles, qui transmettent le paludisme, peuvent également être porteurs de trypanosomes ;
- La voie sexuelle ;
- Une piqûre avec une aiguille contaminée.
Quels sont les symptômes de la maladie du sommeil ?
Le site de la piqûre par la mouche tsé-tsé est souvent marqué par le développement d’une lésion cutanée, ressemblant à un chancre inflammatoire.
Suite à l’inoculation du parasite sous la peau, les trypanosomes se multiplient tout d’abord dans les tissus sous-cutanés, puis dans le système sanguin et lymphatique (phase lymphatico-sanguine de la maladie ou phase I). Cette phase, se manifeste par les signes cliniques suivants :
- Des poussées de fièvre ;
- Des maux de tête ;
- Des douleurs articulaires (arthralgies) ;
- Un prurit (démangeaisons cutanées).
Après cette première phase, les trypanosomes franchissent la barrière hémato-encéphalique et atteignent le système nerveux central (phase neurologique ou méningo-encéphalique ou phase II). Surviennent alors d’autres symptômes :
- Des troubles du comportement ;
- Un état confusionnel ;
- Des troubles sensoriels ;
- Une mauvaise coordination ;
- Des troubles du sommeil marqués par une perturbation du cycle veille-sommeil, qui ont d’ailleurs donné leur nom à la maladie.
En l’absence d’un traitement adapté, la maladie du sommeil est généralement mortelle, même si des cas rares de porteurs sains (personnes vivant avec des trypanosomes sans développer de symptômes) ont été décrits.
Les signes cliniques de la maladie du sommeil dépendent par ailleurs de la forme clinique de la trypanosomiase. Dans la forme chronique à Trypanosoma brucei gambiense, la phase lymphatico-sanguine dure de quelques jours à plusieurs années et est marquée par :
- Des épisodes anarchiques de fièvre ;
- Des adénopathies (gonflement des ganglions lymphatiques) ;
- Des œdèmes du visage ;
- Des éruptions cutanées caractéristiques, appelées trypanides ;
- Des signes cardiovasculaires (palpitations) ;
La phase méningo-encéphalique est quant à elle caractérisée par les troubles neurologiques :
- Des troubles sensitifs ;
- Des douleurs musculaires et osseuses ;
- Une disparition du rythme circadien (jour/nuit) ;
- Des troubles psychiques ;
- Des troubles métaboliques (impuissance, aménorrhée) ;
- Des troubles moteurs ;
- Une atteinte de la coordination des mouvements ;
La forme aigüe à Trypanosoma brucei rhodesiense est d’emblée plus sévère et peut évoluer vers la mort en seulement 3 à 6 mois, avec des problèmes cardiaques et hépatiques précoces. La phase méningo-encéphalique n’a généralement pas le temps de survenir.
Comment savoir si on la maladie du sommeil ? Le diagnostic
Tout signe neurologique dans un pays touché par cette pathologie doit faire suspecter un cas de trypanosomiase humaine africaine. Le diagnostic de la maladie du sommeil repose sur plusieurs éléments :
- Des signes cliniques évocateurs de la maladie, en particulier des épisodes de fièvre inexpliquée et l’apparition de troubles neurologiques ;
- Un bilan sanguin et des sérologies (mise en évidence d’anticorps dirigés contre le parasite) ;
- La mise en évidence des trypanosomes sur différents types de prélèvements :
- Le sang ;
- Les ganglions lymphatiques ;
- Le liquide cérébrospinal prélevé par ponction lombaire, qui permet de déterminer à quelle phase de la maladie se situe le patient.
Confirmer la maladie du sommeil, avant le passage à la phase méningo-encéphalique est essentiel pour améliorer le pronostic du patient. Mais faut-il que tous les patients aient accès à un diagnostic, y compris dans les zones rurales reculées …
Peut-on soigner la maladie du sommeil ?
Le traitement de la maladie du sommeil dépend de la phase de la maladie où se trouve le patient. Plus le traitement est instauré rapidement, plus le pronostic du patient est bon.
D’une manière générale, les médicaments prescrits au cours de la première phase de la maladie sont moins toxiques et plus faciles à utiliser que ceux de la seconde phase. Les médicaments de la première phase sont les suivants :
- La pentamidine contre le Trypanosoma brucei gambiense;
- La suramine contre le Trypanosoma brucei rhodesiense.
Dans la seconde phase de la maladie (phase méningo-encéphalique), les médicaments utilisés sont les suivants :
- Le mélarsoprol dans les deux formes cliniques de la maladie du sommeil ;
- Le difluorométhyl-ornithine contre le Trypanosoma brucei gambiense;
- Le nifurtimox associé au difluorométhyl-ornithine.
Ces médicaments, en particulier la mélarsoprol, qui est un dérivé d’arsenic, présentent des effets indésirables graves, parfois mortels. Souvent difficiles à utiliser, ces traitements doivent être dispensés par des équipes médicales spécialisées.
Une fois le traitement adapté mis en place, les patients doivent être suivis sur une période minimale de 24 mois, avec des analyses répétées notamment sur le liquide cérébrospinal. Des parasites peuvent en effet survivre et entraîner une récidive de la maladie après l’arrêt des médicaments. Parallèlement, des cas de résistance aux traitements commencent à se développer.
Depuis 2019, un nouveau médicament a fait son apparition, le fexinidazole, administré par voie orale. Il permet une guérison chez plus de 90 % des patients après 10 jours de traitement et dans les deux stades de la maladie.
Des recherches sont également menées pour mettre au point un vaccin contre la maladie du sommeil.
La maladie de Chagas
Sur le continent américain, plus de 100 millions de personnes seraient exposées à la maladie de Chagas. L’infection peut devenir chronique, avec le développement de lésions irréversibles, susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital. Chaque année, plus de 10 000 décès liés à cette maladie sont recensés en Amérique latine.
Comment attrape-t-on la maladie de Chagas ?
En 2020, l’OMS estimait que des zones endémiques de maladie de Chagas se trouvaient dans 21 pays d’Amérique latine. La maladie frappe du sud des Etats-Unis au sud de l’Argentine, le Brésil étant l’un des pays les plus touchés. Les populations périurbaines des favelas et les populations rurales reculées sont les plus exposées aux insectes triatomes qui transmettent la maladie. Le parasite peut également être transmis par :
- Transmission de la mère à l’enfant in utero;
- Transfusion sanguine ;
- Transplantation d’organes : ce mode de transmission est responsable de cas de la maladie de Chagas parfois très éloignés géographiquement du continent sud-américain.
À savoir ! En Europe et en France, des directives européennes imposent la recherche de trypanosomes dans les produits sanguins avant transfusion et dans les greffons avant transplantation, afin de protéger les patients du risque de contracter la maladie de Chagas
Quels sont les symptômes de la maladie de Chagas ?
Après une phase d’infection aiguë, la maladie évolue vers une forme chronique dans plus d’un cas sur trois. Mais les lésions chroniques irréversibles restent silencieuses pendant 10 à 20 ans jusqu’à ce que les conséquences – souvent graves – apparaissent :
- Des atteintes cardiaques augmentant le risque de mort subite ;
- Des atteintes digestives ;
- Des atteintes neurologiques.
Peut-on soigner la maladie de Chagas ?
Actuellement, il n’existe pas de vaccin contre la maladie de Chagas. Seuls les moyens de lutte vectorielle, ciblant le triatome, limitent le nombre d’infections. Deux traitements peuvent être administrés : le benznidazole et le nifurtimox. Administrés précocement, ils sont capables de tuer le parasite.
Des chercheurs du monde entier tentent de développer des nouveaux médicaments, plus efficaces et moins toxiques, mais aussi un vaccin contre cette maladie.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Maladie du sommeil. www.pasteur.fr. Consulté le 12 juin 2024.