Maladie du sommeil (trypanosomiase humaine africaine)


Rédigé par Estelle B. et publié le 16 octobre 2018

maladie du sommeil

La maladie du sommeil, dont le nom scientifique est la trypanosomiase humaine africaine, est due à l’infection par un parasite transmis par la mouche tsé-tsé. Cette pathologie est endémique de plus de 30 pays d’Afrique subsaharienne. Si les campagnes de lutte permettent de réduire progressivement le nombre annuel de nouveaux cas, le dépistage et le traitement de cette maladie restent complexes.

Maladie du sommeil et trypanosomiases

La maladie du sommeil est le nom courant d’une trypanosomiase, la trypanosomiase humaine africaine. Le terme trypanosomiase désigne une infection par un parasite protozoaire, le trypanosome. D’autres types de trypanosomiases existent :

  • Les trypanosomiases animales peuvent affecter les animaux sauvages ou domestiques. La trypanosomiase qui touche le bétail est appelée Nagana.
  • La trypanosomiase américaine, ou maladie de Chagas, sévit en Amérique latine et est due à une espèce de trypanosome différente de celles impliquées dans la maladie du sommeil.

La maladie du sommeil est transmise selon plusieurs modes possibles :

  • Dans la grande majorité des cas, après piqûre par une mouche tsé-tsé porteuse du parasite (cette mouche appartient au genre Glossina et est parfois appelée glossine). La mouche a été infectée initialement, soit en piquant d’autres personnes infectées, soit en piquant des animaux sauvages ou domestiques infectés (réservoirs du parasite).
  • La transmission de la mère à l’enfant, car le trypanosome est capable de franchir la barrière placentaire et d’infecter le fœtus in utero.
  • La transmission par d’autres insectes piqueurs hématophages, comme les moustiques.
  • Les rapports sexuels.
  • Les piqûres accidentelles avec des aiguilles contaminées.

La maladie du sommeil existe sous deux formes cliniques différentes, en fonction de la variété de trypanosome et de l’espèce de glossine impliquées :

  • Trypanosoma brucei gambiense est responsable de plus de 98 % des cas recensés et provoque une infection chronique. Ce parasite est présent dans 24 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Il est transmis par Glossina palpalis, qui vit dans les forêts et près des zones humides.
  • Trypanosoma brucei rhodesiense, beaucoup plus rare, est présent dans 13 pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe et se manifeste sous la forme d’une infection aigüe. Il est transmis par Glossina morsitans, qui vit préférentiellement dans les zones sèches de savanes.

Epidémiologie de la maladie du sommeil

Les pays touchés par la maladie du sommeil sont ceux dans lesquels est présente la mouche tsé-tsé, principal vecteur de transmission du trypanosome. Ainsi, cette pathologie se retrouve exclusivement dans 36 pays d’Afrique subsaharienne. Pourtant, certains pays ne recensent aucun cas de trypanosomiase humaine africaine, alors que la mouche tsé-tsé y est présente. Chaque pays est touché par l’une ou l’autre des deux formes de maladie du sommeil, hormis l’Ouganda où les deux formes peuvent se rencontrer.

Dans chaque pays, les populations les plus exposées sont les populations rurales, en raison des activités d’agriculture, d’élevage, de pêche et de chasse. D’une région à l’autre, l’intensité de la maladie est très variable.

Au fil des années, plusieurs grandes épidémies de maladie du sommeil ont frappé l’Afrique, en particulier :

  • Une épidémie entre 1896 et 1906, surtout en Ouganda et au Congo ;
  • Une épidémie en 1920 dans plusieurs pays africains ;
  • Plus récemment, une épidémie entre 1970 et la fin des années 1990.

Compte-tenu de l’importance du sous-diagnostic de la maladie, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime à 20 000 le nombre réel de cas actuels et à 65 millions le nombre de personnes exposées au parasite responsable de la pathologie. Actuellement, la grande majorité des cas répertoriés se situent en République Démocratique du Congo, tandis que d’autres pays africains ne signalent plus aucun cas depuis plus de 10 ans.

Les symptômes de la maladie du sommeil

Le site de la piqûre par la mouche tsé-tsé est souvent marqué par le développement d’une lésion cutanée, ressemblant à un chancre inflammatoire.

Suite à l’inoculation du parasite sous la peau, les trypanosomes se multiplient tout d’abord dans les tissus sous-cutanés, puis dans le système sanguin et lymphatique (phase lymphatico-sanguine de la maladie ou phase I). Cette phase, se manifeste par les signes cliniques suivants :

  • Des poussées de fièvre ;
  • Des maux de tête ;
  • Des douleurs articulaires (arthralgies) ;
  • Un prurit (démangeaisons cutanées).

Après cette première phase, les trypanosomes franchissent la barrière hémato-encéphalique et atteignent le système nerveux central (phase neurologique ou méningo-encéphalique ou phase II). Surviennent alors d’autres symptômes :

  • Des troubles du comportement ;
  • Un état confusionnel ;
  • Des troubles sensoriels ;
  • Une mauvaise coordination ;
  • Des troubles du sommeil marqués par une perturbation du cycle veille-sommeil, qui ont d’ailleurs donné leur nom à la maladie.

En l’absence d’un traitement adapté, la maladie du sommeil est généralement mortelle, même si des cas rares de porteurs sains (personnes vivant avec des trypanosomes sans développer de symptômes) ont été décrits.

Les signes cliniques de la maladie du sommeil dépendent par ailleurs de la forme clinique de la trypanosomiase :

  • La forme chronique à Trypanosoma brucei gambiense:
    • La phase lymphatico-sanguine dure de quelques jours à plusieurs années, marquée par :
      • Des épisodes anarchiques de fièvre ;
      • Des adénopathies (gonflement des ganglions lymphatiques) ;
      • Des œdèmes du visage ;
      • Des éruptions cutanées caractéristiques, appelées trypanides ;
      • Des signes cardiovasculaires (palpitations) ;
    • La phase méningo-encéphalique, caractérisée par les troubles neurologiques :
      • Des troubles sensitifs ;
      • Des douleurs musculaires et osseuses ;
      • Une disparition du rythme circadien (jour/nuit) ;
      • Des troubles psychiques ;
      • Des troubles métaboliques (impuissance, aménorrhée)
      • Des troubles moteurs ;
      • Une atteinte de la coordination des mouvements ;
  • La forme aigüe à Trypanosoma brucei rhodesiense est d’emblée plus sévère et peut évoluer vers la mort en seulement 3 à 6 mois, avec des problèmes cardiaques et hépatiques précoces. La phase méningo-encéphalique n’a généralement pas le temps de survenir.

Le diagnostic de la maladie du sommeil

Le diagnostic de la maladie du sommeil est essentiel pour mettre en place un traitement adapté. Tout signe neurologique dans un pays touché par cette pathologie doit faire suspecter un cas de trypanosomiase humaine africaine.

Le diagnostic de la maladie du sommeil repose sur plusieurs éléments :

  • Des signes cliniques évocateurs de la maladie, en particulier des épisodes de fièvre inexpliquée et l’apparition de troubles neurologiques ;
  • Un bilan sanguin et des sérologies (mise en évidence d’anticorps dirigés contre le parasite) ;
  • La mise en évidence des trypanosomes sur différents types de prélèvements :
    • Le sang ;
    • Les ganglions lymphatiques ;
    • Le liquide cérébrospinal (liquide céphalorachidien) prélevé par ponction lombaire, qui permet de déterminer à quelle phase de la maladie se situe le patient.

Confirmer la maladie du sommeil, avant le passage à la phase méningo-encéphalique est essentiel pour améliorer le pronostic du patient. Mais les difficultés diagnostiques sont nombreuses, à savoir :

  • Le faible nombre de parasites dans les prélèvements ;
  • Le manque de sensibilité des techniques utilisables sur le terrain ;
  • La difficulté de pratiquer des ponctions lombaires dans les zones reculées.

La prise en charge de la maladie du sommeil

Le traitement de la maladie du sommeil dépend de la phase de la maladie où se trouve le patient. Plus le traitement est instauré rapidement, plus le pronostic du patient est bon.

D’une manière générale, les médicaments prescrits au cours de la première phase de la maladie sont moins toxiques et plus faciles à utiliser que ceux de la seconde phase. Les médicaments de la première phase sont les suivants :

  • La pentamidine contre le Trypanosoma brucei gambiense;
  • La suramine contre le Trypanosoma brucei rhodesiense.

Dans la seconde phase de la maladie (phase méningo-encéphalique), les médicaments utilisés sont les suivants :

  • Le mélarsoprol dans les deux formes cliniques de la maladie du sommeil ;
  • Le difluorométhyl-ornithine contre le Trypanosoma brucei gambiense;
  • Le nifurtimox associé au difluorométhyl-ornithine, devenu récemment le traitement de première intention recommandé par l’OMS contre le Trypanosoma brucei gambiense.

Ces médicaments, en particulier la mélarsoprol, qui est un dérivé d’arsenic, présentent des effets indésirables graves, parfois mortels. Souvent difficiles à utiliser, ces traitements doivent être dispensés par des équipes médicales spécialisées.

Une fois le traitement adapté mis en place, les patients doivent être suivis sur une période minimale de 24 mois, avec des analyses répétées notamment sur le liquide cérébrospinal. Des parasites peuvent en effet survivre et entraîner une récidive de la maladie après l’arrêt des médicaments. Parallèlement, des cas de résistance aux traitements commencent à se développer.

Les moyens de lutte contre la maladie du sommeil

Le contrôle des épidémies de maladie du sommeil requiert une surveillance continue et un dépistage renforcés. Grâce aux efforts de lutte des différents pays concernés et de l’OMS, le nombre annuel de cas ne cesse de diminuer depuis le début des années 2000, avec une baisse de plus de 70 % entre 2000 et 2012.

Plusieurs paramètres peuvent constituer des facteurs de risque d’épidémies de maladie du sommeil, notamment :

  • Le manque d’accès aux soins dans les régions rurales reculées ;
  • Les mouvements migratoires de populations ;
  • Les conflits ;
  • La pauvreté.

Pour lutter contre la maladie du sommeil, plusieurs dispositifs ont été mis en place par des organisations gouvernementales et non gouvernementales :

  • Des programmes nationaux de lutte dans les pays touchés, soutenus par l’OMS ;
  • Un réseau de coordination de la lutte contre la maladie du sommeil, sous l’égide de l’OMS ;
  • La fourniture gratuite de médicaments par l’OMS, en partenariat avec les laboratoires pharmaceutiques fabricant les traitements.

Tous les acteurs impliqués dans la lutte contre la maladie du sommeil utilisent plusieurs moyens de protection contre les épidémies, à savoir :

  • Une surveillance épidémiologique de la maladie dans tous les pays africains concernés ;
  • Un dépistage renforcé ;
  • Le traitement de tous les nouveaux cas recensés, pour limiter le risque de transmission ;
  • La lutte contre les mouches tsé-tsé, avec des pièges et des écrans de couleur bleue ou noire imprégnés de produits insecticides.

Des recherches sont également menées pour mettre au point un vaccin contre la maladie du sommeil.

Estelle B. / Docteur en Pharmacie

– Trypanosomose Humaine Africaine (Maladie du sommeil). Association Française des Enseignants de Parasitologie et Mycologie (ANOFEL). 2014.
– Trypanosomiase humaine africaine (maladie du sommeil). OMS. 16 février 2018.

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