Bigorexie


Rédigé par Charline D. et publié le 11 septembre 2019

Multi sport sautant de l'horizon

Se dépenser, dépasser ses limites et toujours s’améliorer sont les objectifs recherchés par tout sportif, aussi bien amateurs que professionnels. Cependant, lorsque ce besoin d’activité devient compulsif et irrépressible, on parle de bigorexie. Dans cette pathologie, le sport n’est plus un plaisir, mais un véritable besoin qui fait souffrir l’individu qui en est atteint.

Définition et symptômes

Homme et femme avec équipement sportifQu’est-ce que la bigorexie ?

La bigorexie peut être définie comme la préoccupation pathologique de la minceur et de la musculature. Les individus qui en souffrent cherchent à avoir la masse grasse la plus petite possible par une pratique sportive toujours plus importante. La bigorexie est une maladie reconnue par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) depuis 2011.

Le Centre d’Etudes et de Recherche en PsychoPathologie de Toulouse définit la bigorexie comme « un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités physiques et sportives en vue d’obtenir des gratifications immédiates et ce malgré les conséquences négatives à long terme sur la santé physique, psychologique et sociale ».

À savoir ! Au même titre que l’anorexie, la bigorexie est une forme de distorsion de l’image corporelle.

Le mot « bigorexie » vient de « big » qui signifie gros ou grand en anglais et « orexie » qui est l’appétit en grec. Ce qui implique un régime riche afin de gagner en masse musculaire. Plusieurs dénominations existent pour qualifier cette pathologie : la dépendance au sport, la dépendance ou l’addiction à l’effort, la dépendance à l’activité sportive, etc.

Ce type d’addiction est classé parmi les dépendances comportementales, ou les addictions sans substances. Une dépendance est définie par la CIM-10 (10ème révision de la classification statistique internationale) comme un ensemble de phénomènes comportementaux, cognitifs et psychologiques dans lesquels la réalisation d’une activité (ou la consommation d’une substance) entraîne un désinvestissement progressif des autres activités.

Quelle est l’origine de l’addiction ?

Le rôle des endorphines a souvent été mis en avant pour expliquer la bigorexie. En effet, les endorphines sont de véritables opiacés produits par le cerveau lui-même lors d’un exercice musculaire. Les endorphines sont à l’origine d’un « bien-être » qui se traduit par une diminution des douleurs, un effet anxiolytique et euphorisant. Cet état serait celui recherché par les patients souffrant de dépendance au sport.

Quels sont les symptômes ?

D’une manière générale, les individus qui souffrent de cette addiction décrivent le même type de symptômes que les autres addictions comme au tabac ou à l’alcool :

  • Dépression en cas de sevrage ;
  • Isolement et appauvrissement social voire jusqu’à la perte d’emploi ;
  • Difficultés familiales pouvant aboutir à une séparation ou un divorce.

Le symptôme principal et très caractéristique de la bigorexie est le désir très intense voire compulsif, d’effectuer une activité sportive. Le sportif augmente progressivement le temps consacré au sport qui devient la priorité pour laquelle il délaisse sa vie personnelle et professionnelle.

Souvent un comportement obsessionnel concernant le physique, le poids et les performances est associé.

En cas d’arrêt de l’activité, le sportif ressent des signes se manque, par exemple un état dépressif, une irritabilité, etc.

Aussi, des blessures physiques graves et irréversibles peuvent survenir à force de toujours vouloir repousser ses limites.

D’autres symptômes peuvent être présents : le sentiment de ne plus pouvoir arrêter le sport, la ritualisation ou la répétition obsessionnelle de certains gestes.

Prise en charge et prévention

Médecin pour l'addiction au sportQuel diagnostic pour l’addiction au sport ?

Le diagnostic de l’addiction au sport est établi sur des critères spécifiques déterminés par des instances internationales de santé mentale. Ils sont répertoriés dans un manuel nommé « Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders » ou DSM.

Ainsi, les 11 critères diagnostic du DMS V de l’American psychiatric association sont :

  • Un besoin irrépressible et impérieux de consommer la substance ou de jouer ;
  • Une perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à l’activité physique ;
  • Beaucoup de temps consacré à la recherche de substance ou de jeu ;
  • La présence d’un syndrome de sevrage (ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal du sport) ;
  • Une incapacité à remplir des obligations importantes ;
  • Une pratique même lorsqu’il y a un risque physique ;
  • Des problèmes personnels et sociaux ;
  • Un désir ou des efforts persistants pour diminuer l’activité ;
  • Des activités réduites au profit du sport ;
  • Une poursuite de la pratique malgré les dégâts physiques ou psychologiques.

Si le patient présente 2 à 3 critères, l’addiction est considérée comme faible. Entre 4 et 5, on parle de dépendance modérée. Au-delà de 6 critères, l’addiction est sévère.

L’OMS a établi une seconde classification appelée CIM 10 (destinée aux addictions aux drogues, mais adaptable pour les comportements) :

  • Un désir puissant ou compulsif ;
  • Des difficultés à contrôler le temps dédié à l’activité ;
  • Un syndrome de sevrage physiologique quand le sujet diminue ou arrête de pratiquer le sport ;
  • La mise en évidence d’une tolérance aux effets de la pratique (le sujet a besoin de plus en plus de « drogue » pour avoir le même effet) ;
  • Un abandon progressif des autres sources de plaisir et d’intérêt au profit de la substance, et augmentation du temps passé à se procurer la substance et à la consommer ;
  • Poursuite de l’activité en dépit des effets nocifs (en précisant si le sujet était au courant de la nature et de la gravité des conséquences).

Une addiction est diagnostiquée lorsqu’au moins 3 des manifestations ci-dessus sont présentes simultanément au cours de l’année.

Quelle prise en charge pour cette addiction ?

La bigorexie est une addiction, elle se traite donc comme telle en suivant une thérapie adaptée auprès de médecins addictologues et des psychologues. L’objectif de la prise en charge n’est pas l’abstinence, mais le réajustement du comportement vis-à-vis de l’activité sportive afin de ne pas mettre son corps en danger.

Le type de prise en charge dépend des conséquences à la fois physiques, sociales et relationnelles de l’addiction. Le suivi du patient doit être assuré sur le long terme, et l’atteinte des objectifs progressive. L’approche choisie peut être individuelle, en groupe ou elle peut mixer les deux.

En général, la prise en charge médicamenteuse est réservée au traitement des conséquences psychiatriques de l’addiction, par exemple des troubles anxieux ou d’une dépression.

Parfois, une prise en charge sociale est également nécessaire lorsque la dépendance à l’effort a eu des conséquences financières ou sur l’insertion professionnelle d’un individu.

Charline D., Docteur en pharmacie

– Les dangers de la dépendance au sport. Envsn. Consulté le 3 juin 2019.
– La bigorexie : rôle du pharmacien d’officine dans sa prévention et sa détection. Thèse de docteur en pharmacie. Cocaign A. Consulté le 3 juin 2019.