Propriétés immunitaires, « deuxième cerveau », implications dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ou le diabète, liens avec le développement de certains cancers… Chaque jour, les biologistes du monde entier mettent à jour de nouvelles données sur notre flore intestinale. Récemment des chercheurs américains de l’université Vanderbilt ont montré que le profil de certaines bactéries contenues dans notre intestin est corrélé à l’origine ethnique (Microbiote intestinal ). Quelles sont les implications de cette découverte ? Retour sur ces travaux récents publiés dans la revue Plos Biology.
Une flore intestinale en relation avec le profil ethnique
Avant de pouvoir modifier le microbiote intestinal pour lutter contre certaines maladies, les chercheurs s’attachent à comprendre sa composition (quels sont les microorganismes présents ? en quelle quantité ? ) et son fonctionnement (influence de certains facteurs sur son équilibre, interactions entre les différents types de bactéries).
À savoir ! Le tube digestif abrite 10 12 à 10 14 micro-organismes, soit 2 à 10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent notre corps. C’est l’équivalent de deux kilogrammes de micro-organismes. Cet ensemble de bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes constitue le microbiote intestinal ou flore intestinale. 1000 espèces différentes seraient présentes dans notre flore intestinale.
Dans cette étude, les biologistes supervisés par Seth Bordenstein de l’université Vanderbilt de Nashville, dans le Tennessee, ont étudié la flore intestinale de 1 700 Américains en bonne santé de différents sexes, âges, poids et ethnies.
Ces données ont été recueillies dans le cadre du projet américain intitulé « Gut ans Human Microbiome ».
En se concentrant sur l’analyse de 12 taxons bactériens présents dans l’intestin, ils se sont rendus compte que les différences entre ethnies (afro-américain, asiatiques, hispaniques, caucasiens) étaient le facteur le plus constant. Et ceci, comparativement aux facteurs de l’âge, du sexe ou de l’Indice de Masse Corporelle (IMC).
À savoir ! On désigne par IMC l’indicateur permettant d’estimer la corpulence d’une personne. Il correspond au rapport du poids (kg) sur la taille (en m) au carré. L’interprétation de l’IMC est applicable chez l’adulte de 18 à 65 ans. On désigne par « poids santé » un poids « normal » qui correspond à un IMC compris entre 18,5 et 24,9.
En comparant les différences entre les groupes ethniques déclarés par les patients, les chercheurs ont trouvé des caractéristiques stables et cohérentes concernant les bactéries présentes dans l’intestin.
Par exemple, le genre Odoribacter forme un ensemble de bactéries produisant du butyrate dans l’intestin et leur présence a été négativement associée à des formes graves de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse. Dans cette étude, on voit que les insulaires asiatiques du Pacifique possèdent nettement moins de ce genre de bactéries que les Hispaniques et les Caucasiens.
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Les implications de cette découverte
« Les génomes humains sont identiques à 99,9% entre deux personnes. Ce qui nous intéresse donc, c’est ce qui explique les fortes variations des microbiomes intestinaux entre les personnes », a déclaré Seth Bordenstein, professeur agrégé de sciences biologiques et responsable de cette étude.
Selon les chercheurs, comme l’origine ethnique englobe de nombreux facteurs (régime alimentaire, génétique, hygiène de vie, milieu socio-économique, traitement médicamenteux), il est encore difficile de cerner les causes expliquant que les personnes d’une même origine ethnique présentent des profils bactériens très proches.
Pour ce faire, des études cliniques sur le long terme sont nécessaires.
Cependant, c’est en comprenant ces différences entre les microbiote intestinal et les ethnies que des traitements microbiens personnalisés (prébiotiques et probiotiques) pourront être développés.
À savoir ! Les probiotiques sont les microorganismes vivants tandis que les prébiotiques sont les aliments spécifiques (comme des sucres complexes) qui seront utilisés par les micrororganismes de la flore intestinale. Les autres moyens thérapeutiques permettant de modifier le déséquilibre de la flore intestinale sont : l’alimentation, le traitement antibiotique, les symbiotiques (combinant prébiotiques et probiotiques) et la transplantation fécale.
Par ailleurs, cette étude souligne la nécessité de prendre en compte la diversité ethnique dans la recherche et le traitement des pathologies pouvant être liées au microbiote (MICI, diabète, obésité, certaines maladies neuropsychiatriques, cancers).
« Avec ce type de recherche, nous pouvons nous concentrer sur les différences et les doses pertinentes de bactéries qui pourront faire régresser la maladie ou l’empêcher de se développer en premier lieu » conclut Seth Bordenstein.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Gut microbiota diversity across ethnicities in the United States. PLOS Biology. A.W. Brooks et al. Consulté le 19 décembre 2018.