Les hypersomnies regroupent l’ensemble des maladies associées à la somnolence excessive diurne. La plus connue des hypersomnies est la narcolepsie, avec ou sans cataplexie. D’autres hypersomnies, moins connues et/ou plus rares, existent. Voici un panorama des autres hypersomnies.
Quelles sont les différentes hypersomnies ?
Les hypersomnies rassemblent les pathologies associées à une somnolence pathologique. La plus connue d’entre elles est la narcolepsie, avec ou sans cataplexie.
D’autres hypersomnies sont décrites dans les troubles du sommeil :
- L’hypersomnie idiopathique;
- L’hypersomnie récurrente ;
- L’hypersomnie liée à la prise de médicaments ou de certains produits toxiques ;
- L’hypersomnie liée à une maladie neurologique ;
- L’hypersomnie post-traumatique ;
- L’hypersomnie liée à une maladie infectieuse;
- La trypanosomiase africaine ou maladie du sommeil ;
- L’hypersomnie liée à une maladie métabolique ou endocrinienne
L’hypersomnie idiopathique
Bien que rare, le diagnostic d’hypersomnie idiopathique est le plus souvent porté en présence d’hypersomnies non liées à un syndrome d’apnées du sommeil ou à une narcolepsie.
L’hypersomnie idiopathique est une affection rare, 5 à 10 fois plus rare que la narcolepsie.
Du fait de ces critères diagnostics relativement récents et de sa rareté, aucune étude épidémiologique n’a été réalisée.
L’âge de début de la maladie est souvent avant 30 ans. Les formes familiales sont fréquentes.
On ne connaît pas encore la ou les causes de cette affection.
Peu d’études ont été réalisées sur ce sujet, il semble toutefois que cette pathologie ne soit pas liée à un hypofonctionnement des cellules hypocrétinergiques (neurones de la partie latéro-dorsale de l’hypothalamus) ni n’a de prédisposition au niveau du typage HLA.
L’hypersomnie idiopathique est caractérisée cliniquement par une somnolence diurne excessive plus ou moins permanente, le sujet se plaignant d’être rarement complètement éveillé.
On ne retrouve pas les autres symptômes typiques de la narcolepsie à savoir les cataplexies, les paralysies du sommeil, les hallucinations hypnagogiques.
La forme polysymptomatique, ou avec augmentation du temps de sommeil total, est caractérisée par :
- un sommeil de nuit anormalement long (plus de 10 heures)
- une inertie majeure au réveil du sommeil de nuit
- des siestes (marquées par une ivresse du sommeil avec une lenteur d’idéation* associée)
- une somnolence diurne excessive avec des accès de sommeil de plus de 1 heure jamais réparateur
Les accès de sommeil sont moins irrépressibles que dans la narcolepsie. Le sommeil de nuit est toujours de bonne qualité avec très peu d’éveils ou de micro-éveils intra-sommeil.
* idéation : activité mentale de formation et enchaînement des idées.
La forme monosymptomatique, ou sans augmentation du temps de sommeil total, est d’individualisation plus discutable, caractérisée par :
- un sommeil de nuit normal (entre 6 et 10 heures)
- des accès de sommeil diurne fréquents
La durée et le caractère réparateur de ces accès de sommeil de jour permettent d’envisager quelques similarités cliniques avec la narcolepsie sans cataplexie.
L’hypersomnie récurrente
Les hypersomnies récurrentes sont rares, de durée et de périodicité variables, affectant principalement les garçons dans leur deuxième décennie.
La cause reste mystérieuse mais l’hypothèse la plus probable est celle d’un dysfonctionnement hypothalamique d’origine auto-immune survenant pendant la période de maturation cérébrale.
La forme la plus classique d’hypersomnie récurrente est le syndrome de Kleine-Levin, caractérisé par des accès de sommeil récurrents, des troubles des comportements alimentaires et sexuels (inconstants) ainsi que par des troubles psychologiques pendant les épisodes d’accès de sommeil, ceci contrastant avec une vigilance et un comportement normal dans l’intervalle.
On retrouve souvent un facteur déclenchant de type viral dans les semaines précédentes les épisodes d’accès de sommeil.
Il existe des variantes cliniques du syndrome de Kleine-Levin avec notamment des formes incomplètes sans troubles du comportement alimentaire ou sexuel.
Chez la fille, on retrouve parfois l’hypersomnie périodique menstruelle.
Enfin, de rares hypersomnies récurrentes d’origine psychiatrique survenant dans le cadre de maladie bipolaire ou de dépression majeure ont été décrites.
L’évolution est le plus souvent spontanément favorable après plusieurs années de récurrence des épisodes d’accès de sommeil.
L’hypersomnie liée à des toxiques-médicaments
De nombreux médicaments sont potentiellement responsables de somnolence diurne excessive comme les hypnotiques, les anxiolytiques, certains antidépresseurs et neuroleptiques, les antihistaminiques H1 et enfin les antiépileptiques (hormis la lamotrigine) et les antiparkinsoniens.
Certains cas de sevrage aigu de stimulants comme avec les dérivés amphétaminiques notamment peuvent entraîner un net rebond de sommeil comme on peut le voir dans des cas de privations de sommeil.
Le diagnostic est facile après l’interrogatoire du patient.
L’alcool présente des effets sédatifs alternant avec des effets stimulants en fonction du type d’individu et du taux d’alcoolémie. La consommation excessive d’alcool entraîne de plus un mauvais sommeil de nuit.
La recherche de l’imputabilité de l’alcool dans la cause d’une hypersomnie devra être systématique et une substitution devra alors être proposée au patient.
L’hypersomnie liée à une maladie neurologique
De nombreuses affections neurologiques peuvent entraîner une somnolence diurne objective :
- On retrouve les tumeurs cérébrales notamment lorsqu’elles siègent au niveau du thalamus, de l’hypothalamus, du tronc cérébral ou lorsqu’il existe un effet de masse sur ces structures. Certains cas de narcolepsies symptomatiques ont été décrits lors de tumeurs cérébrales.
- Les accidents vasculaires cérébraux responsables d’infarctus thalamiques paramédians uni ou bilatéraux, ou du tronc cérébral se caractérisent souvent par un tableau d’hypersomnie.
- Les affections neurodégénératives, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, les atrophies multisystématisées, sont parfois associées à une hypersomnie objective.
Il faudra toujours au préalable éliminer un syndrome d’apnées du sommeil ainsi qu’une cause médicamenteuse à l’origine de cette somnolence. - Les maladies neuro-musculaires sont souvent liées à des troubles ventilatoires nocturnes et peuvent ainsi prédisposer à une somnolence anormale.
La maladie de Steinert peut être individualisée ici du fait de sa fréquente association à une hypersomnie, elle-même caractérisée par de fréquents endormissements en sommeil paradoxal, comme on peut le voir plus classiquement dans la narcolepsie.
L’hypersomnie post-traumatique
Il est impossible d’estimer précisément la fréquence de l’hypersomnie survenant après un traumatisme crânien. Cette hypersomnie est toutefois relativement rare, d’individualisation difficile et parfois à l’origine de problèmes médico-légaux.
Les principaux signes cliniques d’une hypersomnie post-traumatique sont :
- Une somnolence anormale objective apparaît dans les 6 à 18 mois suivant le traumatisme crânien, somnolence qualifiée ainsi d’hypersomnie post-traumatique.
- Cette hypersomnie s’apparente sur un plan clinique à une hypersomnie idiopathique.
- L’hypersomnie objective semble toutefois peu fréquente comparée à la plainte de somnolence (donc subjective) qui peut s’intégrer dans un contexte plus global associant fatigue, vertige, céphalée, troubles de l’humeur, troubles de la mémoire caractérisant le syndrome subjectif des traumatisés crâniens.
- L’évolution est très variable, fonction du siège et de l’importance des lésions cérébrales initiales.
Il existe quelques facteurs de risque de somnolence après un traumatisme crânien :
- un coma de plus de 24 heures
- une fracture du crâne
- une intervention chirurgicale précoce
- une atteinte hypothalamique
L’hypersomnie liée à une maladie infectieuse
Les infections virales comme certaines pneumonies, la mononucléose, l’HIV, les arboviroses… mais aussi le syndrome de Guillain-Barré, la maladie de Whipple… peuvent parfois être responsable de réelles hypersomnies. Plusieurs mois après la phase aiguë, le patient réalise que s’est installée une véritable somnolence dont les caractéristiques cliniques peuvent être assez proches de celle de l’hypersomnie idiopathique. Cette plainte de somnolence doit être distinguée d’une plainte d’asthénie, particulièrement fréquente au décours de toute infection sévère.
La trypanosomiase africaine ou maladie du sommeil
La trypanosomiase africaine, autrement appelée « maladie du sommeil », est une maladie parasitaire transmise par le biais de la mouche tsé-tsé. Cette maladie, fréquente en région endémique (en Afrique notamment), est mortelle. Elle associe un tableau de méningo-encéphalite, tremblement, dyskinésie, choréo-athétose et hypersomnie. Une altération du rythme circadien avec plusieurs endormissements en sommeil paradoxal caractérise cette somnolence. La prévention passe par la destruction de la mouche tsé-tsé par des insecticides. Depuis 2020, un nouveau traitement oral, efficace et de courte durée, le fexinidazole, est disponible pour traiter les deux stades de la maladie. Un autre traitement, efficace en une seule prise, fait l’objet d’essais cliniques.
L’hypersomnie liée à une maladie métabolique ou endocrinienne
Cette forme d’hypersomnie est rare, toutefois une somnolence anormale est parfois décrite lors d’une dysrégulation de la glycémie, lors de l’encéphalopathie hépatique, l’hypothyroïdie et l’acromégalie. Il faudra au préalable éliminer une anomalie ventilatoire nocturne dans la genèse de cette hypersomnie. Enfin, un syndrome de mouvements périodiques des membres parfois à l’origine d’une réelle hypersomnie peut être d’origine métabolique avec notamment une carence en fer, un diabète ou une insuffisance rénale.
Comment identifier les hypersomnies ? Le diagnostic
Pour établir le diagnostic des différentes hypersomnies, différents éléments sont pris en compte :
- Le recueil des symptômes du patient ;
- Un examen clinique ;
- Le contexte de survenue de l’hypersomnie, par exemple la prise d’un traitement ou la survenue d’un traumatisme ;
- L’enregistrement du sommeil (
- enregistrement polysomnographique)
- Une imagerie cérébrale en fonction du contexte clinique.
- Des tests de personnalité
- Des bilans sanguins, comme un typage HLA DQB1*0201 en cas de suspicion de syndrome de Kleine-Levin.
À savoir ! Il peut exister dans certains cas un lien étroit entre hypersomnie et troubles psychiatriques. L’hypersomnie liée à un trouble mental est caractérisée par une plainte de somnolence diurne avec un handicap fonctionnel précis :
- rentrant dans le cadre d’une pathologie psychiatrique avérée comme une dépression majeure ou une dysthymie (dépression chronique caractérisée par un trouble mineur mais constant de l’humeur de type dépressif)
- sans qu’un trouble spécifique du sommeil ou que la prise d’une substance ne puissent l’expliquer
Comment soigner les hypersomnies ?
Le traitement de l’hypersomnie idiopathique fait appel au modafinil en première intention, traitement qui est particulièrement efficace dans cette affection.
En cas d’échec, le mazindol ou le méthylphénidate peuvent s’avérer intéressants.
Toutefois, l’inertie du réveil demeure le plus souvent mal contrôlée.
Dans le cas du syndrome de Kleine Levin, en fonction de la répétition et de la sévérité des épisodes, un traitement préventif peut être proposé, reposant sur la carbamazépine, le valproate de sodium ou le lithium.
Dans le cas d’hypersomnie périodique menstruelle, un traitement préventif oestroprogestatif normodosé sera le plus souvent proposé.
Le traitement des accès de sommeil par le modafinil est le plus souvent inefficace.
Rédigé par Estelle B. Docteur en Pharmacie, le 11 juillet 2024.
– CENTRE DE RÉFÉRENCE HYPERSOMNIES RARES. www.chu-bordeaux.fr. Consulté le 22 mai 2024.