Même si le nombre de décès liés au paludisme diminue depuis deux décennies, la survenue de résistance aux traitements conventionnels constitue désormais une grave menace. Récemment, des chercheurs canadiens ont montré que des molécules, découvertes en 2017 dans un champignon microscopique de la province du Nuvavut, limitent la croissance du parasite Plasmodium falciparum in vitro.
Le parasite et le moustique font de la résistance
Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), 217 millions de cas de paludisme et 435 000 décès (dont près de 75% concernaient les enfants de moins de 5 ans) ont été enregistrés dans 87 pays en 2017.
Depuis les années 2000, les efforts de la communauté internationale dans la lutte contre le paludisme, et notamment grâce aux interventions antivectorielles (pulvérisation d’insecticides, moustiquaires imprégnées, moustiques génétiquement modifiés, cartographie mobile pour repérer les zones impaludées), ont réussi à réduire le nombre de décès lié à cette maladie, surtout en Afrique subsaharienne.
Globalement, les actions de prévention et de soins sur le terrain ont permis une diminution de 29 % de la mortalité mondiale liée au paludisme depuis 2010 et de 35% pour les enfants.
Aujourd’hui, ces progrès sont menacés par l’apparition de résistance du moustique du genre Anopheles aux insecticides et de résistance du parasite (Plasmodium falciparum) aux médicaments antipaludiques.
En effet, la molécule à la base des thérapies antipaludiques, l’artémisinine, fait l’objet de nombreux échecs cliniques, car le parasite a développé des résistances ett notamment en Asie du Sud Est.
À savoir ! L’artémisinine est la substance active d’une plante chinoise, Artemisia annua, dont les vertus sont connues depuis plus de 2 000 ans. Son rôle antipaludique a été mis en évidence dès les années 1970 mais ce n’est qu’en 2001 que l’OMS préconise l’utilisation de cette molécule en traitement de première intention ou de prévention du paludisme sans complication étant donné que les traitements par chloroquine ou amodiaquine font preuve de résistance. L’artémisinine sera ensuite proposée sous forme de traitements combinés pour renforcer son efficacité et diminuer les risques de développement de résistance du parasit
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Des sédiments marins du Grand Nord jusqu’au laboratoire : l’itinéraire d’un champignon prometteur
Face à ce développement des résistances à l’artémisinine, les scientifiques doivent réagir et comprendre comment cette résistance émerge mais aussi, identifier quelles autres molécules pourraient contrer l’infection de l’homme par le parasite.
« Un jour, ce ne sera plus possible de traiter les personnes atteintes de la malaria parce que le parasite résiste de plus en plus aux médicaments actuels. Il faut absolument développer de nouveaux agents pour contrer la maladie » déclare Normand Voyer, professeur de chimie à l’Université Laval et chercheur ayant participé à cette nouvelle découverte publiée dans la revue scientifique Chemical Communications.
Dans ces travaux, les chercheurs ont montré qu’une nouvelle espèce de champignon microscopique découverte en 2017 dans les sédiments marins du Grand Nord Canadien (Baie de Frobisher), et appartenant au genre Mortierella, possédait des molécules dont la structure était proche de celle des molécules anti-paludiques.
Comme les chercheurs n’avaient pas une quantité importante de ces molécules, ils ont décidé de les synthétiser grâce à une technologie inédite.
Ensuite, l’équipe de Normand Voyer a sollicité Dave Richard, spécialiste du paludisme au Centre de recherche du Centre Hospitalier Universitaire de Québec-Université Laval.
En testant, in vitro, ces quatre molécules de mortiamides (A,B,C et D) sur différentes souches de Plasmodium falciparum, les chercheurs ont identifié qu’elles étaient toutes efficaces sur les souches classiques mais aussi sur celles étant multirésistantes (comme la souche 3D7).
En trois jours, trois mortiamides testés ont stoppé la croissance des deux souches du parasite. La molécule la plus efficace était notamment la mortiamide D.
Cependant, à ce stade de la recherche, on ne connait pas le mécanisme d’action de ces molécules sur le cycle du parasite incluant l’homme comme hôte.
« Pour le moment, l’efficacité antimalaria de ces molécules est modérée, mais nos résultats suggèrent qu’il est possible de créer des analogues qui, à doses plus faibles, seraient plus efficaces contre le parasite. De plus, comme on peut maintenant synthétiser ces molécules, il sera plus facile d’élucider leur mode d’action. Lorsqu’on saura pourquoi elles sont toxiques pour le parasite, on pourra développer des médicaments mieux ciblés » résume Normand Voyer dans un communiqué de presse de l’Université de Laval.
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Julie P. Journaliste scientifique
– Paludisme : la multi-résistance aux traitements devient plus alarmante que jamais. INSERM. Consulté le 19 juin 2019.