Sclérose en plaques : une disparité homme/femme enfin élucidée

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Rédigé par Julie P. et publié le 9 février 2018

Les trois quarts des individus souffrant de la sclérose en plaques sont des femmes. Pour comprendre cette inégalité homme/femme face à cette maladie neurologique inflammatoire, une équipe de chercheurs de l’école de médecine Feinberg de l’université Northwestern de Chicago a mené des essais sur le modèle murin. Bilan ? La testostérone induit la sécrétion d’une molécule, l’interleukine IL-33, qui protège de la sclérose en plaques. Retour sur l’étude publiée dans la revue PNAS.

Symbole des sexes - sclérose en plaque - IL-33

La testostérone inhibe la réaction auto-immune détruisant les gaines de myéline

On sait que les femmes sont plus susceptibles de développer des maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux, la polyarthrite rhumatoïde ou la sclérose en plaques (SEP).

À savoir ! La SEP est une maladie caractérisée par des lésions au niveau des fibres nerveuses (les axones), et plus précisément, au niveau de la gaine de myéline qui les entoure. Cette myéline est une gaine protectrice permettant la conduction rapide des signaux électriques et elle apporte aussi aux axones, un support métabolique. Au fil de la progression de la maladie, on observe une démyélinisation des fibres nerveuses du système nerveux central (moelle épinière et cerveau). Ces dommages bloquent graduellement la conduction normale du signal nerveux et peuvent entraîner, à terme, de nombreux symptômes comme des troubles sensoriels, une perte de la fonction motrice et des déficits cognitifs.

Il est donc évident que les hormones sexuelles, comme les œstrogènes ou la testostérone, jouent un rôle clef dans la survenue de cette maladie.

Cependant, les mécanismes cellulaires et moléculaires qui expliquent ce lien entre hormones sexuelles et survenue de la SEP sont encore mal compris. De plus, la majorité des études, in vitro ou in vivo sur le modèle animal, s’attache à étudier les facteurs aggravants de la maladie chez les femelles et non pas les facteurs protecteurs chez les mâles.

Partant de ce constat, l’équipe américaine encadrée par le Professeur Melissa Brown, a étudié, en détail, les effets cellulaires de la testostérone chez des souris mâles atteintes de la SEP.

Leurs conclusions ?

La testostérone stimule la sécrétion d’une interleukine, IL-33 par les mastocytes.

À savoir ! Les mastocytes sont des globules blancs. L’interleukine-33 (IL-33) est une protéine de la famille des interleukines, des messagers solubles qui permettent aux cellules du système immunitaire de communiquer entre elles et qui ont un rôle majeur dans l’inflammation des tissus.

Ensuite, les chercheurs se sont rendu compte que ces interleukines inhibent, par l’intermédiaire de réactions en cascade, l’activité des lymphocytes Th-17. Des cellules immunitaires impliquées dans la lutte contre les maladies infectieuses mais également engagées dans des mécanismes cellulaires auto-immuns. Dans la SEP, ces lymphocytes s’attaquent à la gaine de myéline.

Pour aller plus loin, les chercheurs ont montré qu’en traitant, des souris femelles atteintes de SEP avec de l’interleukine IL-33, certains symptômes de la maladie ont été supprimés.

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Vers une thérapie à base d’interleukines IL-33 ?

 » Comme les niveaux de testostérone sont sept à huit fois plus bas chez les femmes adultes que chez les hommes, nous supposons qu’il n’y a pas suffisamment de testostérone chez les femmes pour activer cette voie protectrice de l’IL-33 «  souligne Melissa Brown, l’auteure qui a supervisé ces travaux, dans un communiqué de presse de l’école de médecine Feinberg.

Précédemment, deux essais cliniques chez des hommes atteints de SP, pendant une année, ont montré qu’un traitement à base de testostérone ralentit ou inverse certains symptômes en relation avec la dégénérescence de la myéline. Cependant, l’administration de testostérone, une hormone sexuelle, n’est pas un traitement viable sur le long terme pour les hommes ou les femmes compte tenu des effets secondaires indésirables.

« Les essais semblent avoir des effets bénéfiques, cependant, le traitement à long terme de la testostérone est associé à plusieurs effets secondaires. Ceux-ci incluent des problèmes cardiaques et hépatiques, des changements d’humeur. De plus, un grand nombre de femmes atteintes de SP sont en âge de procréer et la testostérone a des effets sur leur fertilité. Ce n’est donc pas une bonne thérapie à long terme pour les patients de l’un ou l’autre sexe. » précise Melissa Brown dans une interview pour Santé sur le Net.

L’utilisation d’IL-33 comme traitement, plutôt que la testostérone directement, pourrait éviter ces effets secondaires liés à l’hormone masculine.

Avant d’envisager la mise en place d’une telle thérapie à base d’interleukines, d’autres travaux sont encore nécessaires, sur l’animal et sur l’homme, pour prouver son efficacité et son innocuité.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Male-specific IL-33 expression regulates sex-dimorphic EAE susceptibility. PNAS. AE Russi et al. Le 29 janvier 2018.
– Testosterone-linked Molecule Explains Gender Differences in MS. Northwestern Medicine. M. Paul. Le 30 janvier 2018.
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