Substitution aux opiacés : un nouveau consensus européen

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Rédigé par Estelle B. et publié le 27 janvier 2018

En France, près de 150 000 personnes suivent un traitement de substitution aux opiacés. À quels patients s’adressent ces traitements ? Quelles sont les différences entre la méthadone et la buprénorphine ? Comment sont prescrits ces médicaments ? Autant de questions auxquelles des experts européens apportent des réponses consensuelles, basées sur les dernières données de la littérature et leur pratique clinique quotidienne.

substitution aux opiacés

La substitution aux opiacés

Les opiacés, ou opioïdes, correspondent à une famille de substances naturelles et/ou synthétiques dérivées de l’opium, un produit sédatif issu de la culture de pavot. Parmi les opiacés, se retrouvent à la fois des drogues consommées de manière illicite (héroïne), mais aussi des substances médicamenteuses prescrites contre les douleurs modérées à intenses (codéine, morphine). Les opiacés présentent entre autres une caractéristique majeure : la capacité à induire une dépendance psychique et physique.

Chez les personnes devenues dépendantes à un ou plusieurs opiacés, une prise en charge médicale et psychosociale est mise en place. Sur le plan médicamenteux, elle repose sur un traitement de substitution aux opiacés, qui utilise principalement deux opiacés aux propriétés particulières : la buprénorphine et la méthadone.

Récemment, des experts européens ont publié un consensus sur les bonnes pratiques d’utilisation de ces deux traitements de substitution à partir de :

  • L’analyse de l’ensemble des recommandations publiées sur le sujet entre 2014 et 2017 ;
  • L’opinion des experts fondée sur leur pratique clinique quotidienne.

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À chaque substance ses recommandations

Pour la méthadone, les experts ont formulé différentes recommandations :

  • Une posologie initiale inférieure à 30 mg/jour, augmentée progressivement pour contrôler l’état de manque ;
  • Une posologie optimale entre 60 et 120 mg/jour, à adapter selon les caractéristiques du patient (autres médications, état des fonctions rénale et hépatique, statut tabagique, …) ;
  • Un repérage des effets indésirables et toxiques durant les deux premières semaines, grâce à une surveillance étroite du patient ;
  • Une surveillance renforcée des patients consommant parallèlement certains médicaments anxiolytiques (benzodiazépines), des amphétamines ou de grandes quantités d’alcool ;
  • La suppression, si possible, de toute prise concomitante de sédatifs (certains antidépresseurs ou antihistaminiques).

En ce qui concerne la buprénorphine, les experts concluent aux recommandations suivantes :

  • Une augmentation progressive de la posologie initiale (2 à 4 mg/jour) jusqu’à une posologie optimale comprise entre 8 et 24 mg/jour ;
  • L’arrêt de tous les traitements à base d’opiacés dès l’instauration du traitement de substitution ;
  • Une association avec la naloxone, en cas de risque de mésusage ou de détournement de la buprénorphine.

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Buprénorphine ou méthadone ?

La mise en place d’un traitement de substitution aux opiacés s’inscrit dans une prise en charge globale et personnalisée de chaque patient. Patient et médecin doivent ensemble fixer les objectifs d’un tel traitement, qui sont notamment :

  • Améliorer l’état de santé du patient ;
  • Réduire les conséquences économiques, sociales, individuelles et collectives de l’usage des opiacés ;
  • Atteindre, dans la mesure du possible, une abstinence complète.

Au niveau du choix du médicament de substitution, la buprénorphine présente un meilleur profil de sécurité que la méthadone pour une efficacité similaire, lorsque le traitement est adapté et correctement suivi. La buprénorphine permet en effet de limiter les risques de dépression des systèmes respiratoire et nerveux central. Les symptômes de sevrage sont également moins fréquents. De plus, un surdosage de buprénorphine n’est généralement pas fatal, au contraire d’un surdosage en méthadone.

Par ailleurs, le passage à la buprénorphine est recommandé si le patient ne parvient pas à respecter les objectifs thérapeutiques, présente des interactions médicamenteuses ou souffre d’effets secondaires gênants. Néanmoins, la méthadone reste la plus indiquée pour deux catégories de patients :

  • Les patients qui continuent à consommer des opiacés ;
  • Les patients souffrant de douleurs chroniques. Leurs douleurs peuvent être prises en charge par des antalgiques non opiacés en cas de douleurs légères ou par la morphine en cas de douleurs sévères.

En France, la buprénorphine est prescrite chez 75 % des patients, contre seulement 25 % pour la méthadone.

Chez les femmes enceintes ou allaitantes, les experts recommandent systématiquement de débuter ou de poursuivre un traitement de substitution. Ces femmes doivent bénéficier d’un suivi renforcé pendant la grossesse et après la naissance.

Ce consensus des experts européens constitue une base solide, sur laquelle les médecins pourront s’appuyer pour adapter au mieux le traitement de substitution aux opiacés de leurs patients.

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Estelle B., Docteur en Pharmacie

– Recommendations for buprenorphine and methadone therapy in opioid use disorder: a European consensus. Dematteis, M. and al. 2017. Exp Opin Pharmacoth. DOI:10.1080/14656566.2017.1409722.
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