Prévention du cancer : les médicaments efficaces selon l’étude DRUGPREV
Chaque année, près de 20 millions de personnes dans le monde sont diagnostiquées d’un cancer. Peut-on prévenir certains d’entre eux grâce à des médicaments ? C’est la question qu’a explorée l’étude européenne DRUGPREV, présentée au congrès 2025 de l’European Society for Medical Oncology (ESMO). Quels traitements se révèlent efficaces ? Et pourquoi la prévention médicamenteuse reste-t-elle encore si peu développée ?

DRUGPREV : quarante ans d’essais passés au crible
Menée par la Task Force « Early Detection and Prevention » de l’ESMO, l’étude DRUGPREV est la première analyse rétrospective d’envergure consacrée à la prévention médicamenteuse du cancer. Les chercheurs ont examiné quatre décennies d’essais cliniques afin d’identifier les molécules capables de prévenir l’apparition de tumeurs ou de lésions précancéreuses.
Sur plus de 700 000 patients inclus dans 93 essais, seule la moitié des molécules médicamenteuses a montré un effet préventif significatif. Les chercheurs soulignent que moins de 0,3 % de tous les essais en oncologie portent sur la prévention, contre une immense majorité consacrée aux traitements curatifs.
Très peu de médicaments ont été développés dans le but de prévenir le cancer. Ces résultats montrent l’urgence de développer la recherche dans ce domaine.
Vaccins, hormones et anti-inflammatoires : les stratégies les plus prometteuses
Les résultats confirment l’efficacité de plusieurs approches de chimioprévention :
- Le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) reste la stratégie la plus solide, avec une réduction majeure du risque de cancers liés au virus (col de l’utérus, oropharynx, anus).
- Les traitements hormonaux, comme le tamoxifène, réduisent le risque de cancer du sein chez les femmes à haut risque, tandis que certaines thérapies endocriniennes se montrent efficaces contre le cancer de la prostate.
- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) limitent la formation de polypes colorectaux, précurseurs de cancers digestifs. Mais leur usage prolongé est problématique, en raison du risque cardiovasculaire ou hémorragique.
- Enfin, certains agents anti-infectieux ont démontré un intérêt pour réduire le risque de cancer de l’estomac.
En revanche, les vitamines et compléments alimentaires n’ont pas montré d’efficacité. Sur 38 essais analysés, plus de 75 % se sont révélés négatifs, et plusieurs ont mis en évidence des effets indésirables. Le bêta-carotène était même associé à une augmentation du risque de cancer du poumon, et la vitamine E à celui du cancer de la prostate.
Mieux structurer la recherche pour faire de la prévention un levier réel
Malgré ces résultats positifs, très peu d’essais ont débouché sur une application clinique. En dehors du vaccin HPV, aucun médicament préventif n’est aujourd’hui recommandé en routine dans l’Union européenne.
Les chercheurs de DRUGPREV insistent sur plusieurs leviers d’amélioration :
- Concevoir des molécules spécifiquement dédiées à la prévention, plutôt que de repositionner des traitements existants.
- Renforcer la qualité des données précliniques avant tout essai.
- Favoriser les essais internationaux de grande ampleur.
- Mettre en place un cadre méthodologique harmonisé pour évaluer la balance bénéfice/risque à long terme.
Pour les experts, la prévention médicamenteuse du cancer représente un champ encore sous-exploré, mais porteur d’espoir, en complément des stratégies de dépistage et de réduction des facteurs de risque.
L’étude DRUGPREV confirme que la prévention du cancer par voie médicamenteuse est envisageable, bien que son utilisation demeure limitée. Les résultats les plus probants concernent les vaccins, les thérapies hormonales et certains anti-inflammatoires. Pour qu’elle trouve pleinement sa place dans la pratique clinique, cette stratégie devra s’appuyer sur des preuves scientifiques robustes, des protocoles harmonisés et une intégration renforcée des approches préventives au sein des politiques de santé publique.
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