Fukushima : 5 ans après, quelles conséquences sanitaires ?

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Rédigé par Hadrien V. et publié le 11 mars 2016

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Le 11 mars 2016 a été l’occasion de revenir sur la triple catastrophe qu’a connu le Japon il y a 5 ans. Le tsunami, le séisme, et l’accident nucléaire ont emporté plus de 18 000 vies en quelques heures. Mais alors, quels retentissements aura un tel événement sur la santé?

Fukushima : Des conséquences à plusieurs niveaux

La majorité des études visant à évaluer l’impact de l’accident nucléaire sous-estiment le problème sanitaire. Il est difficile de prendre en compte l’intégralité des paramètres, notamment chiffrer les contaminations externes (exposition aux rayonnements ionisants), internes (ingestion et inhalation d’éléments radioactifs), ainsi que les répercussions écologiques et sociales.

La contamination des terres devrait peser sur les conséquences sanitaires. Le ministre de la Science avait indiqué que 30 000 km² du sol japonais étaient contaminés au césium – un élément qui sera radioactif encore 25 ans. Au cœur de cette région, une zone de 1 800 km² a été classée comme durablement inhabitable.

L’ONG Greenpeace a estimé que ces espaces seront impossibles à décontaminer, évoquant un écosystème « malade ». A titre d’exemple, une étude a montré que le taux de survie d’une quinzaine d’espèces d’oiseaux n’y dépassait pas 30%. Une autre étude précise que 90% des 57 espèces d’oiseaux ont reçu des doses de radiations suffisantes pour altérer la reproduction.

Explosion des cancers de la thyroïde chez les enfants

113 à 137 jeunes de moins de 18 ans habitant la région de Fukushima ont un cancer de la thyroïde suspecté ou confirmé. Selon une étude publiée dans Epidemiology, les enfants de la région seraient 20 à 50 fois plus touchés par le cancer de la thyroïde. Le corps médical japonais a pris la décision de suivre les 367 000 jeunes de la région.

La thyroïde est l’organe de stockage de l’iode nécessaire à la synthèse des hormones thyroïdiennes. Cette caractéristique en fait un organe particulièrement radiosensible. Même si les méthodes d’étude sont contestables (augmentation des diagnostics, faible délai des mesures), il ne fait aucun doute que la thyroïde est et sera impactée par les taux élevés en iode 131 radioactif.

Rappelons-le, les autorités sanitaires japonaises avaient pris la décision de ne pas recommander à la population la prise de comprimés d’iode chez les enfants. Le médicament réduit l’exposition de la thyroïde en la saturant d’iode stable.

Cet épisode rappelle à certains égards l’accident de Tchernobyl, où le gouvernement soviétique n’avait pas fourni aux Ukrainiens et Biélorusses le traitement préventif. Dans l’ex-Union soviétique les cancers de la thyroïde chez l’enfant ont également flambé, avec plus de 6 800 cas en 20 ans.

25 000 employés avec des radiations excessives

Selon la société Tepco®, opérateur de la centrale de Fukushima, une centaine d’employés sont susceptibles de développer un cancer lié à l’exposition aux radiations. La moitié de ces cancers devraient être mortels.

Les ONG Physicians for Social Responsibility et International Physicians for the Prevention of Nuclear War ont estimé que parmi l’ensemble des sauveteurs et des personnels de décontaminations, plus de 25 000 ont subi « des radiations à des doses excessives avec des risques importants pour leur santé ». Les Organisations estiment que 10 000 cancers supplémentaires sont à attendre dans la population japonaise.

Les statistiques sont insuffisantes pour estimer l’impact de la décontamination sur la santé des employés. Mais l’histoire du nucléaire nous a appris que les expositions aux rayonnements ionisants pouvaient entraîner diverses pathologies chez l’adulte. On trouve, de la plus rare à la plus commune, le sarcome osseux, le cancer broncho-pulmonaire, la leucémie, la radionécrose osseuse, les radiolésions des muqueuses, les radiodermites, la cataracte, la kératite, ou encore la conjonctivite.

Encore aujourd’hui, les niveaux de radioactivité au sein de la centrale peuvent atteindre 70 sieverts. Un niveau suffisant pour provoquer la mort en moins de dix minutes.

182 000 habitants toujours hors de chez eux

Les séparations familiales et communautaires entraînent une déstructuration du tissu social dans la région. Dans trois des villes où l’interdiction de séjourner à été levée, les seniors regagnent leur domicile en masse pendant que les jeunes refusent de s’installer.

Selon Reiko Hasegawa, chercheuse associée au Medialab de Sciences Po à Paris, la catastrophe a des conséquences sociales et sociétales profondes. On observe dans la région de Fukushima une augmentation des taux de suicide et de maladies générées par l’absence de soins. Une sorte de no man’s land s’installe avec le temps, avec l’impossibilité pour les personnes âgées de déménager pour des raisons culturelles et financières.

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Hadrien V. Pharmacien


Sources
« Affections provoquées par les rayonnements ionisants ». Données Sécurité Sociale. Consulté le 10/03/16
« Japon: Les enfants de Fukushima 20 à 50 fois plus touchés par le cancer de la thyroïde ». 20 minutes. 09/10/15

« Fukushima: où en est le Japon cinq ans après le tsunami et l’accident nucléaire? ». La Dépêche. 10/03/16
« Japon: Après Fukushima, 10.000 cancers supplémentaires attendus, selon des ONG ». 20 minutes. 10/03/16
« Les leçons de Fukushima et de Tchernobyl ». Les Echos. 07/03/16

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