Maladies rares : un impact psychologique encore trop sous-estimé

Par |Publié le : 24 novembre 2025|Dernière mise à jour : 20 novembre 2025|4 min de lecture|

Derrière les symptômes physiques, les maladies rares affectent aussi la santé mentale et la vie familiale. Entre errance diagnostique, solitude et perte de repères, le parcours est souvent épuisant. Pour le Pr Arnold Munnich, généticien et cofondateur de l’Institut Imagine, la médecine doit accorder autant d’importance au psychologique qu’au médical.

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Les maladies rares touchent près de trois millions de personnes en France. Souvent d’origine génétique, elles peuvent être détectées dès la grossesse ou se révéler dans l’enfance. Si la recherche progresse, le quotidien des familles reste marqué par des parcours de soins longs, complexes et éprouvants. « Nommer le mal, c’est déjà le traiter un peu, c’est donner la possibilité de se le représenter et de le surmonter par la pensée », explique le Pr Munnich.

Le choc de l’annonce

L’annonce d’une maladie rare, qu’elle soit posée avant la naissance ou plusieurs années après, reste un moment d’une extrême violence pour les parents. « Le premier mot qui me vient à l’esprit pour l’évoquer, c’est celui de sidération. Elle s’empare du couple et beaucoup de leurs rêves vacillent », confie-t-il. Cette sidération s’accompagne souvent d’un sentiment de vide et de culpabilité. Les parents cherchent à comprendre, à donner du sens, parfois à trouver une cause à ce qu’ils vivent. Selon le généticien, le moment où le diagnostic est enfin posé marque un tournant : « Nommer la maladie, c’est déjà le début du traitement. » Loin d’être une sentence, le diagnostic devient une étape de reconstruction : « Les parents savent qu’il y a un problème. En parler, le nommer, c’est déjà une libération. »

Avant que survienne cette libération, beaucoup de familles traversent une longue période d’incertitude. Les démarches se multiplient, les examens s’enchaînent, sans réponse claire. « Les gens sont impatients de comprendre ce qui leur arrive, mais l’hôpital ne répond plus à leurs attentes comme avant », souligne le professeur. Il évoque une chaîne où le maillon le plus fragile est souvent la logistique : délais d’attente, manque de coordination, pénurie de spécialistes. Cette lenteur, ajoute-t-il, nourrit la détresse : « Le vrai progrès, ce n’est pas le progrès pour quelques-uns, c’est le partage du progrès. » Les inégalités d’accès aux soins renforcent le sentiment d’abandon. Les familles les mieux informées ou les plus proches d’un centre expert obtiennent un suivi plus rapide ; d’autres, plus isolées, restent sans réponse pendant des mois.

Redonner du temps et de l’écoute

Pour le Pr Munnich, la consultation en génétique doit rester une médecine lente. « Il faut savoir donner ce qu’on a de plus précieux : du temps, pour laisser émerger une parole faite de questions, d’émotions et parfois de colère », estime-t-il. Ce temps d’écoute permet de retisser la confiance. Trop souvent, le manque de disponibilité ou de formation à la communication rend les échanges plus difficiles. « On nous pardonne nos erreurs diagnostiques, mais rarement nos erreurs pronostiques. Le doute, c’est le tribut dû à l’espoir », confie-t-il. Au-delà des progrès technologiques, il plaide pour une médecine où la relation humaine garde toute sa place : « Toujours plus de technicité appelle toujours plus d’humanité. »

Des répercussions sur toute la famille

La maladie rare n’affecte pas seulement la personne atteinte : elle bouleverse l’ensemble de la famille. « Quand un enfant est malade, c’est toute la famille qui vacille. Souvent, un des parents s’arrête de travailler, parfois l’un d’eux craque, la vie quotidienne devient un défi permanent. » L’organisation domestique, la vie professionnelle et le couple sont mis à l’épreuve. Certains parents deviennent des aidants à plein temps, d’autres se heurtent à la solitude ou à la précarité. L’épuisement moral s’ajoute à la charge émotionnelle. Dans ce contexte, les associations de patients jouent un rôle essentiel : elles offrent écoute, partage d’expérience et orientation. Mais pour le Pr Munnich, l’accompagnement psychologique doit aussi être intégré au parcours de soins : « La double écoute du corps et du cœur doit redevenir une réalité. »

Soutenir et comprendre les familles autrement

Pendant trente ans, des consultations en binôme entre généticiens et psychologues ont permis de soutenir et de rassurer des générations de familles. Ces dispositifs tendent aujourd’hui à disparaître, faute de moyens, alors même que les besoins restent immenses. Le Pr Munnich se réjouit de voir émerger de nouvelles initiatives de recherche pour évaluer et améliorer ces pratiques : « Les sciences humaines et sociales ont toute leur place dans la compréhension du vécu des patients et de leurs proches. » Mieux former les soignants à l’écoute et à la communication, c’est aussi renforcer la qualité du soin. Pour lui, la recherche qualitative et la médecine de la relation doivent être reconnues comme des disciplines à part entière : « Ce n’est pas une science mineure, c’est une condition de progrès. »

Sources
– Maladies rares : une douloureuse errance diagnostique. www.france-assos-sante.org. Consulté le 5 novembre 2025.
– Les maladies rares. fondation-maladiesrares.org. Consulté le 5 novembre 2025.

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Peggy Cardin
Peggy Cardin
Journaliste spécialisée en santé
Peggy Cardin-Changizi Journaliste spécialisée en santé depuis plus de vingt ans. Elle traite des sujets de prévention, de santé publique et de médecine au quotidien, avec pour objectif de rendre l'information médicale claire, fiable et accessible à tous. Rédige un contenu scientifique fiable avec des sources vérifiées en respect de notre charte HIC.