Du mauvais usage des antibiotiques au cours des dernières décennies ont émergé de nouvelles problématiques de santé, en particulier l’antibiorésistance. L’une des solutions envisagées est la délivrance à l’unité de ces médicaments. Une piste testée grandeur nature en France en 2014 et qui semble présenter plus d’un avantage !
Des antibiotiques à l’unité testés en France
Entre novembre 2014 et novembre 2015, une première expérimentation de la délivrance à l’unité de certains antibiotiques a été menée dans 4 régions de France : le Limousin, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), la Lorraine et l’Ile de France. Sur les 161 pharmacies qui se sont portées volontaires pour cette expérimentation, 100 ont été retenues : 75 d’entre elles ont été choisies pour dispenser à l’unité une liste de quatorze antibiotiques sous forme orale sèche (comprimés, gélules, poudre pour suspension buvable en sachet), tandis que 25 autres ont constitué le groupe contrôle délivrant les antibiotiques de manière traditionnelle.
La délivrance à l’unité consiste à délivrer au patient le nombre exact de comprimés, de gélules ou de sachets dont il a besoin pour suivre le traitement prescrit par le médecin. Ce mode particulier de délivrance a été systématiquement proposé à tous les patients présentant une ordonnance mentionnant l’un des antibiotiques retenus. Au final, 80 % des patients ont accepté la délivrance à l’unité.
Plusieurs équipes de recherche française ont suivi cette expérimentation, afin d’en évaluer les bénéfices, attendus ou non. Leurs résultats ont été récemment publiés dans une revue scientifique internationale, Plos one.
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Moins d’antibiotiques en circulation !
L’antibiorésistance, ou résistance bactérienne aux antibiotiques, représente un enjeu mondial de santé publique, puisque certaines bactéries sont aujourd’hui capables de résister à l’ensemble des antibiotiques disponibles. Il ne reste alors plus aucune possibilité de traitement pour les patients infectés par ces bactéries. Pour lutter contre ce phénomène, il est capital d’améliorer l’usage des antibiotiques, selon 3 axes :
- Réduire le recours aux antibiotiques ;
- Supprimer l’automédication ;
- Optimiser l’observance thérapeutique.
A savoir ! L’observance thérapeutique, encore appelée l’adhésion thérapeutique ou la compliance, correspond à la façon dont le patient suit ou ne suit pas les prescriptions médicales, et coopère ou non à son traitement.
En 2014-2015, l’étude a été menée auprès de 1 185 patients (907 avec une délivrance à l’unité et 278 avec une délivrance classique). Pour environ 60 % des patients, un déconditionnement des médicaments a été nécessaire, ce qui révèle une non-adéquation fréquente entre la prescription médicale et le conditionnement des antibiotiques. L’étude indique par ailleurs que 91,4 % des patients ont été observants contre 65,6 % dans le groupe contrôle. L’observance thérapeutique semble optimisée grâce à la délivrance à l’unité. D’autre part, 17,6 % des patients déclarent vouloir conserver les médicaments restants à la fin du traitement et 10,7 % ont admis qu’ils pourraient ultérieurement s’automédiquer avec ces médicaments. Enfin, 13,1 % des patients indiquent que généralement ils jettent les médicaments non utilisés au lieu de les ramener à la pharmacie.
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Une délivrance à l’unité à l’échelle nationale ?!
D’après les résultats de cette expérimentation, la délivrance à l’unité offre plusieurs bénéfices importants : une meilleure observance thérapeutique, mais aussi une réduction de la circulation des antibiotiques inutiles, à l’origine d’un éventuel mauvais usage ou d’une pollution environnementale. Un autre atout est la réduction de près de 10 % du nombre de comprimés délivrés par rapport à la délivrance traditionnelle, ce qui représente une économie de santé non négligeable.
La délivrance des antibiotiques à l’unité est née d’une volonté politique du Ministère de la Santé. L’expérimentation menée en 2014 a été organisée par un décret publié au Journal Officiel le 16 septembre 2014. Compte-tenu de ses avantages, les autorités de santé publique pourraient envisager d’élargir l’expérimentation dans les prochaines années.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie