Le mois de novembre met un coup de projecteur sur le bon usage des antibiotiques. Avec deux temps forts, la journée européenne d’information sur les antibiotiques le 18 novembre et la semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques du 18 au 24 novembre. Et l’enjeu est d’importance, avec l’essor de la résistance aux antibiotiques, qui rien qu’en France est responsable de plus de 5 000 décès chaque année. Une nouvelle campagne de sensibilisation au bon usage des antibiotiques vient d’ailleurs d’être lancée début octobre 2022.
La France, au quatrième rang européen de la consommation d’antibiotiques
En France, plus de 120 000 personnes développent chaque année une infection liée à une bactérie résistante à un ou plusieurs antibiotiques. Un enjeu majeur de santé publique au niveau national, comme mondial. Cet enjeu mêle à la fois la santé humaine et la santé animale. Car le bon usage des antibiotiques repose sur une prescription adaptée de ces médicaments à la fois chez l’homme, mais aussi chez les animaux domestiques et d’élevage.
Récemment, Santé Publique France a publié son rapport sur la consommation d’antibiotiques en secteur de ville pour la décennie 2011-2021. Un rapport qui confirme que la France reste un pays très consommateur d’antibiotiques en santé humaine. Malgré plusieurs campagnes d’information et de sensibilisation, dont l’un des messages forts était : « les antibiotiques, c’est pas automatique ». Ce rapport révèle qu’au cours de l’année 2021, environ 700 prescriptions d’antibiotiques pour 1 000 habitants ont été recensées. Ce qui revient à près d’une prescription par habitant par année, et ce rien qu’en ville.
Des Français qui croient toujours que les antibiotiques sont efficaces face aux virus
Au cours de la décennie 2011-2021, la consommation d’antibiotiques en France est restée parmi les plus élevées en Europe, en dehors de l’année 2020, fortement marquée par la pandémie de Covid-19. D’une manière générale, la consommation d’antibiotiques tend à se réduire. Mais la France occupe toujours le quatrième rang européen en termes de consommation d’antibiotiques, derrière la Grèce, la Roumanie et la Bulgarie. Si la baisse est sensible notamment chez les personnes âgées, les prescriptions d’antibiotiques restent élevées chez les jeunes enfants, en particulier pendant la saison hivernale.
Pourtant, chaque prescription d’antibiotique peut contribuer à l’essor de l’antibiorésistance, si l’antibiotique n’est pas le médicament adapté à la situation. Il est important de rappeler que les antibiotiques ne sont indiqués que pour traiter des infections bactériennes. Face aux infections virales, ils n’ont aucune efficacité. De même, l’antibiotique doit être adapté à la bactérie responsable de l’infection, à la fois pour s’assurer de son efficacité et limiter le développement des mécanismes de résistance bactérienne.
La lutte contre l’antibiorésistance passe par deux méthodes complémentaires :
- Une formation et une sensibilisation des professionnels de santé, appelés à prescrire de manière raisonnée les antibiotiques. Par exemple dans le cas d’une angine, un test d’orientation diagnostique (TROD) permet au médecin de confirmer ou non l’origine bactérienne de l’infection. Ce qui permet d’évaluer l’intérêt des antibiotiques ;
- Une information et une sensibilisation du grand public, car encore trop de personnes pensent que les antibiotiques peuvent soigner toutes les infections, y compris les infections virales. Ainsi, 53 % des Français pensent que les antibiotiques sont efficaces contre la grippe et 65 % contre la bronchiolite. Ces deux infections étant pourtant virales.
Journée européenne d’information sur les antibiotiques : le risque du retour à un monde sans antibiotiques
Le bon usage des antibiotiques est capital pour limiter l’essor de l’antibiorésistance. Les bactéries peuvent être naturellement résistantes à certains antibiotiques. Et l’usage abusif des antibiotiques contribuent au développement de nouvelles résistances et à l’émergence de bactéries multirésistantes. A l’hôpital, les professionnels de santé sont de plus en plus confrontés à des infections liées à des bactéries résistantes à plusieurs classes d’antibiotiques, parfois à toutes les classes d’antibiotiques actuellement disponibles. Si le phénomène progresse, le monde pourrait se retrouver dans la même situation qu’avant l’apparition des premiers antibiotiques. Lorsqu’une infection bactérienne banale aujourd’hui, pouvait conduire au décès d’un enfant, d’une personne âgée ou même d’un adulte en bonne santé.
Pour continuer à sensibiliser le grand public, Santé Publique France, le ministère de la Santé et de la Prévention et l’Assurance Maladie ont lancé début octobre 2022 une campagne de prévention, sur le thème « Les antibiotiques : bien se soigner, c’est d’abord bien les utiliser ». Avec des patients mieux informés, les autorités de santé publique espèrent observer une réduction de la consommation des antibiotiques dans la population générale en ville.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
