Loi Duplomb : pourquoi cette loi divise autant ?
Adoptée en juillet 2025, la loi Duplomb divise profondément. Soutenue par une partie du monde agricole et de la majorité parlementaire, elle est dénoncée par des associations environnementales, des scientifiques et une partie de l’opinion publique. Ses partisans la présentent comme une réponse nécessaire aux difficultés rencontrées par certaines filières agricoles. Ses opposants la considèrent comme un recul en matière de protection de l’environnement et de santé publique. Décryptage des principaux points de ce texte et des raisons de la controverse.

Principales dispositions de la loi Duplomb
La loi Duplomb vise officiellement à lever certaines contraintes pesant sur l’exercice du métier d’agriculteur. Elle intervient dans le prolongement de la loi d’orientation pour la souveraineté agricole adoptée en mars 2025.
Parmi ses dispositions phares, on trouve :
- Les pesticides et néonicotinoïdes : le texte ouvre la possibilité de réautoriser temporairement l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France depuis 2018 mais autorisé au niveau européen jusqu’en 2033. Cette dérogation serait accordée uniquement en cas de menace grave pour une filière agricole et en l’absence d’alternatives efficaces. Elle s’accompagne de l’obligation d’un plan de recherche et d’un suivi annuel par un conseil de surveillance.
- Les projets d’élevage et de stockage d’eau : la loi facilite la construction de grands bâtiments d’élevage et reconnaît, sous conditions, certaines retenues d’eau (bassines agricoles) comme étant d’intérêt général majeur, pour répondre aux besoins des zones en déficit hydrique.
- Les contrôles de l’Office français de la biodiversité (OFB) : leur organisation évolue afin de « pacifier » les relations avec les agriculteurs. Le préfet voit son rôle renforcé dans la planification des contrôles, et les inspecteurs devront porter des caméras individuelles.
Des décrets d’application viendront préciser les modalités concrètes d’exécution de ces différentes mesures.
Les arguments en faveur de la loi Duplomb
Pour ses promoteurs, la loi Duplomb répond à des besoins urgents du monde agricole :
- Elle offrirait une meilleure compétitivité aux filières françaises, notamment face à leurs voisines européennes qui peuvent encore recourir à certaines substances interdites en France.
- La dérogation à l’utilisation de l’acétamipride est présentée comme indispensable pour protéger des cultures, telles que la betterave ou la noisette.
- En matière de gestion de l’eau, les bassines agricoles sont considérées comme un outil nécessaire pour sécuriser la production dans un contexte de sécheresses récurrentes.
- Le renforcement du rôle du préfet dans les contrôles de l’OFB vise à apaiser le climat de défiance entre agriculteurs et institutions.
Pour les partisans du texte, il s’agit d’une loi pragmatique qui conjugue souveraineté alimentaire, viabilité économique des exploitations et accompagnement vers des alternatives.
Inscrit dans la Constitution française depuis 2005, le principe de précaution prévoit “qu’en l’absence, à un moment donné, de certitudes, due à un manque de connaissances techniques, scientifiques ou économiques, il convient malgré tout de prendre des mesures de gestion des risques afin de prévenir des dommages potentiels graves sur l’environnement et la santé.”
Il vise à protéger la population et les écosystèmes, en privilégiant l’anticipation et la prévention face aux incertitudes. C’est ce principe qui est régulièrement invoqué dans les débats autour des pesticides ou de nouvelles technologies agricoles.
Les critiques et inquiétudes sur la loi Duplomb
La loi Duplomb suscite également une opposition marquée, qui s’est traduite par une pétition rassemblant plus de 2 millions de signatures en juillet 2025.
Les principales critiques portent sur :
- Les néonicotinoïdes : plusieurs associations environnementales et scientifiques dénoncent un retour en arrière. Ces substances ont des effets nocifs sur les abeilles et les pollinisateurs, essentiels à la biodiversité. De plus en plus d’études pointent aussi des risques pour la santé humaine. Les citoyens opposés à la loi réclament l’application du principe de précaution.
- Les bassines agricoles : leurs détracteurs estiment qu’elles privilégient un modèle intensif et risquent d’aggraver les tensions autour de la ressource en eau.
- Le rôle du préfet dans les contrôles : certains craignent un affaiblissement de l’indépendance de l’OFB et une moindre efficacité des inspections environnementales.
- Le signal envoyé au public : autoriser à nouveau des substances interdites revient à remettre en cause les progrès accomplis en matière de santé et d’écologie.
Ces inquiétudes expliquent pourquoi la loi est jugée par beaucoup comme une menace pour l’environnement et la santé humaine, tout comme un frein aux transitions agricoles durables.
– Vie Publique, Proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. www.vie-publique.fr. Consulté le 28 juillet 2025.
– AVIS de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à « l’impact sur la santé humaine des substances néonicotinoïdes autorisées dans les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides ». www.anses.fr. Consulté le 28 juillet 2025.
– Institut national de la recherche scientifique, Les néonicotinoïdes pourraient altérer la production d’œstrogène chez l’humain, . inrs.ca. Consulté le 28 juillet 2025.
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