Néonicotinoïdes : risques sanitaires et environnementaux
Longtemps utilisés en agriculture pour lutter contre les insectes ravageurs, les néonicotinoïdes suscitent aujourd’hui des inquiétudes croissantes quant à leurs effets sur les pollinisateurs, la biodiversité et potentiellement la santé humaine. Comment agissent-ils ? Quels impacts ont-ils sur l’environnement et les organismes vivants ? Et que révèlent les études sur les risques des néonicotinoïdes pour la santé humaine ? Cet article fait le point sur l’état des connaissances.
Que sont les néonicotinoïdes et comment agissent-ils ?
Les néonicotinoïdes sont une classe d’insecticides systémiques, c’est-à-dire qu’ils se diffusent dans toute la plante après application. Ils agissent sur le système nerveux central des insectes, provoquant leur paralysie puis leur mort. Ils sont souvent utilisés en enrobage de semences, en pulvérisation ou en granulés.
Parmi les substances les plus connues figurent l’imidaclopride, le thiaméthoxame, la clothianidine, l’acétamipride et le thiaclopride. Outre leur usage agricole, ces substances sont aussi présentes dans certains médicaments vétérinaires (antipuces) et produits biocides (traitement des bâtiments d’élevage, appâts domestiques).
Quels sont les effets de ces pesticides sur l’environnement ?
Les néonicotinoïdes sont fortement critiqués pour leurs effets sur les pollinisateurs. Leur toxicité neurocomportementale impacte les abeilles domestiques et sauvages, en perturbant leur orientation, leur capacité à butiner ou à retrouver la ruche. Ces effets peuvent s’observer même à faibles doses, en cas d’exposition chronique.
D’autres impacts ont été documentés sur la faune non ciblée : oiseaux granivores, vers de terre, poissons et amphibiens peuvent également être affectés par ces résidus persistants. Leur longue demi-vie et leur solubilité favorisent leur présence dans les sols, les cours d’eau et même dans le nectar et le pollen des plantes non traitées.
Des analyses ont détecté des résidus dans 75 % des échantillons de miel testés à l’échelle mondiale, jusqu’à 86 % en Amérique du Nord. Bien que les concentrations soient souvent inférieures aux seuils réglementaires, leur omniprésence interroge.
Quels sont les risques des néonicotinoïdes pour la santé humaine ?
Les effets des néonicotinoïdes sur la santé humaine restent moins bien documentés que leurs impacts environnementaux. Toutefois, plusieurs études récentes ont soulevé des signaux d’alerte.
Une recherche de l’INRS (Canada), publiée dans Environmental Health Perspectives en 2018, a démontré pour la première fois in vitro que certains néonicotinoïdes peuvent altérer l’expression du gène de l’aromatase, une enzyme clé dans la production des œstrogènes. L’étude, menée sur des cellules de cancer du sein, montre une augmentation de l’activité de cette enzyme, un profil associé à certains mécanismes hormonodépendants. Bien qu’il ne soit pas possible d’en déduire un lien direct avec le développement de cancers, les résultats suggèrent un potentiel effet perturbateur endocrinien.
D’autres effets sont suspectés :
- Troubles du développement neurologique : retard cognitif, autisme, anencéphalie chez les enfants exposés in utero.
- Troubles cognitifs chez l’adulte : pertes de mémoire, tremblements en cas d’exposition prolongée.
Ils doivent encore être confirmés par des études épidémiologiques de grande ampleur. Toutefois, les agences sanitaires s’accordent sur la nécessité d’appliquer le principe de précaution en raison de leur présence généralisée dans l’eau potable et les aliments dans certaines zones agricoles, notamment au Québec.
Les néonicotinoïdes sont interdits en agriculture en France depuis 2018, avec une fin des dérogations actée en 2023 après une décision de la justice européenne.
Une proposition de loi adoptée par le Sénat en janvier 2025 prévoit toutefois de réintroduire l’acétamipride par dérogation, notamment pour la filière betterave, sous conditions.
Les alternatives évaluées par l’Anses incluent :
Des substances chimiques (souvent issues d’autres familles, comme les pyréthrinoïdes)
Des méthodes non chimiques (paillage, filets, rotations, traitements mécaniques)
Longtemps utilisés pour leur efficacité contre les ravageurs, les néonicotinoïdes sont aujourd’hui encadrés, voire interdits dans de nombreux pays, en raison de leurs effets néfastes sur les pollinisateurs et des suspicions de risques pour la santé humaine. Dans ce contexte, la lutte intégrée, combinant pratiques agronomiques et solutions alternatives, apparaît comme une voie de transition essentielle pour préserver à la fois les rendements agricoles et l’environnement.
– Institut national de santé publique du Québec, Pesticides : le cas des néonicotinoïdes, . www.inspq.qc.ca. Consulté le 24 juin 2025.
– Institut national de la recherche scientifique, Les néonicotinoïdes pourraient altérer la production d’œstrogène chez l’humain, . inrs.ca. Consulté le 24 juin 2025.
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