Véritable défi de santé publique, la maladie d’Alzheimer a des origines encore mal connues et ne bénéficie à ce jour d’aucun traitement curatif. D’où l’importance de pouvoir identifier le plus tôt possible les personnes à risque. Des troubles du sommeil apparaissant bien avant que le diagnostic de la maladie d’Alzheimer n’ait été posé, des scientifiques ont souhaité savoir s’ils étaient provoqués par la maladie elle-même ou s’ils participaient au contraire à la neurodégénérescence. Ils ont alors plongé dans les secrets du sommeil paradoxal…
Maladie d’Alzheimer et troubles du sommeil : quel lien ?
Bien qu’elle touche près d’un million de personnes en France, la maladie d’Alzheimer reste une maladie aux origines encore mal connues et dont le traitement curatif s’avère inexistant. En pratique, c’est l’accumulation dans le cerveau de dépôts neurotoxiques de protéine amyloïde qui provoque la maladie. Elle se manifeste alors le plus souvent par des troubles de la mémoire.
Mais les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer peuvent également souffrir de troubles du sommeil qui apparaissent souvent bien avant la manifestation de la démence. Dès lors, des scientifiques ont souhaité savoir si les troubles du sommeil étaient provoqués par la maladie elle-même ou s’ils en constituaient au contraire un facteur de risque. Dans ce second cas, les troubles du sommeil favoriseraient-ils les dépôts neurotoxiques observés dans le cerveau ?
Pour tenter d’élucider ces questions, une équipe de scientifiques de l’Inserm a plongé dans les secrets du sommeil paradoxal de personnes âgées. Propice aux rêves, le sommeil paradoxal est une phase du sommeil qui les a particulièrement intéressés pour deux raisons :
- Le sommeil paradoxal implique des neurones qui sont précocement atteints dans la maladie d’Alzheimer.
- Des modifications du sommeil paradoxal s’observent dès les stades précoces de la maladie, avant celles qui touchent le sommeil lent.
À savoir ! Une nuit de sommeil est constituée de cycles successifs eux-mêmes structurés par une alternance entre sommeil « lent » et sommeil « paradoxal ». Pendant le sommeil paradoxal, propice aux rêves, l’activité cérébrale est proche de celle de la phase d’éveil.
Identifier les personnes à risque grâce au sommeil paradoxal ?
Pour mener à bien leurs travaux, les scientifiques ont donc analysé l’architecture du sommeil paradoxal d’une cohorte de personnes âgées ne présentant pas de troubles cognitifs ainsi que la présence de dépôts neurotoxiques dans leur cerveau. Ils ont alors pu dresser les constats suivants :
- La puissance des ondes cérébrales thêta caractérisant le sommeil paradoxal était d’autant plus faible que les dépôts amyloïdes dans le cerveau étaient nombreux. Cette corrélation n’a pu être établie avec aucune autre onde caractéristique du sommeil lent, léger ou profond.
- La diminution de la puissance des ondes cérébrales thêta s’accompagnait d’une augmentation du débit sanguin au niveau de plusieurs régions du cerveau (aires frontale et pariétale).
À savoir ! L’électricité cérébrale que l’on mesure à la surface du cuir chevelu se présente sous la forme d’ondes cérébrales. On distingue quatre principaux types d’ondes selon leur fréquence : les ondes alpha (caractéristiques de l’état de veille calme), les ondes bêta (éveil actif et sommeil), les ondes thêta (installation du sommeil) et les ondes delta (sommeil lent et profond).
Le second constat s’avère d’autant plus étonnant pour les scientifiques qu’une zone cérébrale dont l’activité est réduite devrait en toute logique avoir besoin de moins d’oxygène et donc d’un débit sanguin moindre. L’équipe de chercheurs émet alors l’hypothèse selon laquelle l’augmentation du débit sanguin dans les aires frontales et pariétales pourrait refléter un mécanisme compensatoire. Ce mécanisme transitoire contribuant à maintenir une activité neuronale normale pourrait néanmoins se révéler délétère à plus long terme et conduire à un déclin cognitif chez le patient.
Prochaine étape pour les chercheurs ? Confirmer que les troubles du sommeil ont bien une valeur prédictive d’évolution vers la maladie d’Alzheimer. Il faudra pour cela étudier chez ces mêmes volontaires l’évolution au cours du temps des troubles du sommeil, des troubles cognitifs et des dépôts amyloïdes. Les chercheurs ambitionnent également de mettre en place des études à plus grande échelle. L’objectif étant de pourvoir identifier le plus tôt possible les personnes à risque et de leur proposer des approches préventives.
Déborah L., Docteur en Pharmacie
– Rapid Eye Movement Sleep, Neurodegeneration, and Amyloid Deposition in Aging. Wiley Online Library. onlinelibrary.wiley.com. Consulté le 13 mars 2023.