Depuis une vingtaine d’années, la plasticité cérébrale agite le monde des neurosciences. Mais récemment, en étudiant l’adaptation du cerveau à une prothèse bionique, des chercheurs ont observé que la neuroplasticité serait en réalité un concept peu présent voire quasi inexistant chez les adultes. Explications.
Le concept de plasticité cérébrale
L’essor des neurosciences depuis quelques décennies a mis en avant le concept de neuroplasticité ou plasticité cérébrale. La plasticité cérébrale correspond à la capacité du cerveau à remodeler ses connexions neuronales, en fonction de l’environnement et des expériences vécues. Elle concerne le remodelage des connexions établies au cours de la vie fœtale et conservées après la naissance.
Selon le concept de plasticité cérébrale, une fois la phase d’apprentissage terminée, le cerveau ne serait pas figé, mais évoluerait tout au long de la vie, en fonction des événements. Ainsi, la destruction de certains neurones, par exemple lors d’un accident, pourrait entraîner une modification de l’organisation des neurones, pour compenser la perte occasionnée. Si ce concept suscite un vif intérêt depuis une vingtaine d’années, des données récentes suggèrent qu’il aurait moins d’importance que les scientifiques ne l’espéraient.
La plasticité cérébrale face à une prothèse bionique
Pour arriver à une telle conclusion, des chercheurs américains ont suivi trois patients ayant subi une amputation au-dessus du coude et récemment équipés d’une prothèse bionique de bras, reliée directement à leur humérus. Des électrodes reliées à la prothèse étaient implantées dans les muscles du bras pour permettre aux patients de contrôler la prothèse. D’autres électrodes étaient destinées à transmettre aux patients des signaux sensoriels à chaque geste mis en œuvre par la prothèse.
Durant l’étude, les patients ont porté la prothèse bionique pendant au moins douze heures par jour, quotidiennement et pendant une année. Les patients et les chercheurs ont observé les mouvements de la prothèse dans différentes situations de la vie courante. Mais aucun patient n’a ressenti la sensation du toucher correspondant au geste effectué.
Vers une remise en question de la neuroplasticité chez l’adulte ?
A la place de la sensation de toucher induite par le mouvement de la prothèse, les patients ressentaient l’absence du membre amputé, ce que les scientifiques appellent le membre fantôme. Ainsi, le cerveau des trois patients se révélait incapable de distinguer :
- La prothèse bionique;
- Le membre amputé.
La mise en place de la prothèse n’induisait donc pas de remodelage neuronal capable de prendre en compte la mise en place de la prothèse bionique et de la distinguer du membre amputé. Ces observations constituent une grande déception pour les scientifiques qui mettaient beaucoup d’espoir dans le concept de la plasticité cérébrale. Il semblerait en réalité que cette capacité de remodelage du cerveau soit très faible, voire inexistante à l’âge adulte. Un résultat qui pourrait remettre en cause de nombreuses recherches en neurosciences.
Estelle B., Docteur en Pharmacie