Discuter du pronostic du cancer perturbe-t-il la relation médecin – patient ?

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Rédigé par Estelle B. et publié le 7 décembre 2017

La relation patient – médecin est cruciale dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer. Au cours des dernières années, un dispositif d’annonce de la maladie a été développé dans tous les établissements de santé français, pour établir un lien de confiance entre le médecin et le patient. Mais si le malade et le médecin discutent du pronostic du cancer, comment réagit le patient ? Des chercheurs américains se sont penchés sur cette question délicate…

Discussion - Pronostic du cancer - Médecin - Patient

Cancer, annonce et pronostic

L’annonce d’un cancer est une étape redoutable et redoutée à la fois pour le médecin et le patient. Dès 1998, les patients ont pointé du doigt l’importance de cette étape d’entrée dans la maladie. Dans le plan Cancer 2003-2007, une mesure prévoyait ainsi de mettre en place un dispositif d’annonce dans des conditions les plus appropriées possibles.

Ce dispositif s’articule autour de quatre temps :

  1. Un temps médical avec une ou plusieurs consultations destinées à annoncer le diagnostic du cancer, proposer une stratégie thérapeutique définie en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), présenter le projet thérapeutique et remettre au patient un programme personnalisé de soins.
  2. Un temps d’accompagnement soignant permet au patient ou à son entourage de rencontrer un ou des soignants. Ce temps est une phase d’écoute, de reformulation de l’annonce et d’information. Il donne aussi l’occasion d’orienter vers d’autres professionnels (assistant social, psychologue, etc.).
  3. L’accès à une équipe impliquée dans les soins de support est capital pour soutenir et guider le patient dans l’ensemble de ses démarches en collaboration avec les équipes médicales. Le patient, s’il le souhaite et en fonction de sa situation personnelle, peut rencontrer des professionnels spécialisés (assistant social, psychologue, kinésithérapeute, nutritionniste, …).
  4. Un temps d’articulation avec la médecine de ville est important pour établir très rapidement un lien entre l’équipe hospitalière et le médecin traitant. Tous les professionnels médicaux et paramédicaux autour du patient doivent pouvoir être en lien et se coordonner dans l’intérêt du patient.

La création de ce dispositif spécifique d’annonce vise à faciliter la démarche de l’équipe médicale et à permettre au patient de recevoir au mieux le diagnostic du cancer et ses conséquences. Il est aujourd’hui mis en pratique dans l’ensemble des services d’oncologie agréés par les autorités de santé.

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Une enquête révèle l’impression des patients

Après la mise en place du dispositif d’annonce, l’Institut National du Cancer (INCA) a lancé en 2011 une étude sur le ressenti des patients ayant bénéficié du dispositif. Dans les 53 établissements de santé tirés au sort, 908 patients ont été interrogés.

Dans l’ensemble, les patients se sont montrés satisfaits du climat de confiance instauré lors de l’annonce du cancer. Ils ont apprécié l’information apportée sur la maladie et ses traitements. Certaines catégories de malades (les femmes ou les patients franciliens par exemple) se révèlent être moins satisfaits. De plus, certains temps du dispositif d’annonce n’ont pas été clairement compris par certains patients, en particulier les patients âgés.

Par ailleurs, l’étude révèle d’importantes disparités entre les établissements de santé. Certains ne déploient pas totalement le dispositif. Chaque temps du dispositif est parfois interprété et mis en œuvre différemment selon les services. Enfin, le lien entre l’hôpital et le médecin traitant reste à développer, avec une demande forte des patients pour un suivi à domicile.

Les résultats de cette étude amènent à approfondir les réflexions sur le dispositif d’annonce du cancer, pour l’adapter à tous les publics de patients et à toutes les structures de soins.

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Le pronostic du cancer conditionne la relation entre le médecin et le patient

Dans le dispositif d’annonce, la question du pronostic est souvent incontournable, car elle correspond à une demande forte du patient. Certaines recherches ont préalablement suggéré que la discussion autour du pronostic pouvait perturber la relation entre le patient et le médecin. Le médecin devrait-il éviter ce sujet pour préserver le lien de confiance établi avec le patient ?

Une récente étude américaine a porté sur 265 patients adultes atteints d’un cancer avancé et pris en charge par 38 médecins oncologues. Les chercheurs ont déterminé l’impact de la discussion sur le pronostic sur la qualité de la relation médecin – patient.

Les résultats mettent en évidence que la relation entre l’oncologue et le patient n’est pas affectée dans le temps par une discussion autour du pronostic du cancer. Pourtant, les patients concernés par l’étude sont atteints de stades avancés de cancers, avec des pronostics souvent sombres.

Aborder une question aussi difficile que le pronostic avec le patient n’entraînerait aucun préjudice. Au contraire, cette discussion pourrait renforcer l’alliance thérapeutique entre le patient et le médecin. Une preuve de plus de l’importance d’une information claire et transparente entre médecin et patient.

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Estelle B. / Docteur en Pharmacie

– Étude sur l’annonce du diagnostic de cancer et le ressenti des malades en 2011. Institut National du Cancer. Mai 2012. 36 pages.
Impact of Prognostic Discussions on the Patient-Physician Relationship: Prospective Cohort Study. Fenton, Joshua J. and al. 2017. J Clin Oncol 35. doi.org/10.1200/JCO.2017.75.6288.

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