Syndrome du voyageur : quand la découverte d’un nouveau pays tourne au choc psychologique

Par |Publié le : 18 août 2025|Dernière mise à jour : 31 juillet 2025|5 min de lecture|

Et si le dépaysement culturel tant recherché par les touristes pouvait tourner au choc psychologique ? Cette situation surprenante est retrouvée dans le syndrome du voyageur dont les symptômes évocateurs sont sentiment d’étrangeté, dépersonnalisation ou bouffées délirantes. Eclairage sur ce syndrome retrouvé préférentiellement à Florence, en Inde, à Paris et à Jérusalem.

femme avec une valise

La notion de choc culturel

Forgé par l’anthropologue canadien Kalervo Oberg dans les années 1960, le concept renvoie à une expérience de désorientation à la fois physique et psychique très stressante. Il s’applique en particulier aux voyageurs et aux expatriés, contraints de trouver de nouveaux repères dans un environnement nouveau et non familier. Les repères culturels sont mis à rude épreuve.

Quatre phases sont distinguées : la lune de miel avec un haut sentiment de bien-être puis une confrontation mettant à rude épreuve l’équilibre psychologique et nécessitant mimétisme, attaque ou fuite. C’est dans cette phase de confrontation que le syndrome du voyageur peut apparaitre. Ensuite, on observe la phase d’ajustement marquée par des comportements adaptatifs puis l’aisance biculturelle avec un sentiment de bien-être revenu à l’équilibre.

Le choc esthétique ou syndrome de Florence

Également appelé « syndrome de Stendhal », il se manifeste chez des personnes qui, exposées à une abondance d’œuvres d’art, se retrouvent face à la grandeur physique et morale des œuvres. C’est en sorte une forme de choc esthétique et d’extase face au « beau ». Il a été décrit par Stendhal qui le premier, en 1817, dans ses Carnets de voyage, a fait la description de ce que lui-même a ressenti en sortant de la basilique Santa Croce à Florence.

« J’étais dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux-Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »

Malgré les années, les hôpitaux de Florence reçoivent toujours des patients présentant de tels états psychologiques et le terme de « syndrome de Stendhal » fut consacré par une étude publiée en 1992 par la psychiatre Graziella Magherini. Elle y explique que la majeure partie des individus touchés sont des Européens, loin devant les Américains et Japonais. Même si le caractère pathologique du syndrome de Florence est contesté par la communauté médicale, il faut s’avouer que l’expérience esthétique extraordinaire peut en effet  impacter l’équilibre psychologique.

Syndrome de Jérusalem  

Au-delà des œuvres d’art, le syndrome du voyageur peut aussi être initié par une expérience religieuse extraordinaire. C’est le cas du syndrome de Jérusalem diagnostiqué pour la première fois en 1993 et caractérise par une décompensation psychologique provoquée par ce lieu emblématique de la Terre Sainte.  Il peut être lié à un sentiment de déception ou de dépassement religieux.

On distingue trois principaux types de patients atteints du syndrome de Jérusalem : le syndrome se superposant à une maladie psychotique antérieure, se superposant et se compliquant par des idéations (formation et enchainement d’idées) soumis aux facteurs extérieurs (type le plus observé). Et enfin, le dernier type atteignant des personnes sans difficulté psychologique.

Chaque année, une centaine de touristes en souffrent dont une cinquantaine doit être hospitalisée à Jérusalem. La plupart d’entre eux n’ont aucun antécédent psychiatrique. Tous types confondus, 66 % sont de confession juive, 33 % chrétiens et le 1 % restant sans religion.

Syndrome de Paris et syndrome de l’Inde : quand le voyage désenchante

Le syndrome de Paris ou Pari shōkōgun toucherait plus particulièrement les touristes japonais en proie à la déception et aux désillusions. En effet, leur choc culturel se produit lors de l’affrontement de leur vision idéalisée de Paris avec la réalité de la ville  (pollution, insécurité ou insalubrité dans certains endroits).

Décrit en 1991 par le psychiatre Hiroaki Ōta du centre hospitalier Sainte-Anne à Paris, le syndrome de Paris s’explique par le décalage entre l’image que se font les Japonais de la France et la réalité. Le psychiatre souligne notamment qu’au-delà de la ville en elle-même, les Japonais sont excédés par les comportements de certains Français qui sont trop revendicatifs et trop entreprenants.

De 1988 à 2004, 63 patients ont été hospitalisés dans le service du docteur Ōta : 29 hommes et 34 femmes, la moitié entre 20 et 30 ans. Sur ces 63 patients, 48 présentaient des troubles schizophréniques ou psychotiques, 15 présentaient des troubles de l’humeur.

En inde, le choc culturel peut provoquer aussi un vacillement psychologique propice à l’éclosion du syndrome du voyageur. Tous les repères sont mis à mal dans cette société où règnent foule, bruit, odeurs, climats excessifs et omniprésence de la mort et de rites mystiques.

Plusieurs médecins ont décrit de forts phénomènes de désorientation des étrangers occidentaux séjournant en Inde, allant de la confusion à des états maniaques et des délires psychotiques.

Sources
– Quand le voyage rend fou : ces étranges syndromes qui affectent les touristes. France Culture. . www.radiofrance.fr. Consulté le 18 juillet 2025.

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Julie P.
Journaliste scientifique
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