Antibiorésistance : La solution dans les oligonucléotides ?

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Rédigé par Deborah L. et publié le 16 mars 2020

Chaque année dans le monde, l’antibiorésistance tue. En effet 700 000 personnes meurent chaque année d’infections provoquées par des bactéries résistantes aux antibiotiques existants. Et s’il était désormais possible de rendre à des bactéries résistantes leur sensibilité à ces mêmes antibiotiques? C’est ce que suggèrent les travaux de deux équipes de chercheurs bordelais de l’Inserm qui ont développé un oligonucléotide lipidique capable de réduire in vitro la résistance d’Escherichia coli à un antibiotique de la famille des céphalosporines.

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Antibiotiques et  résistance

Le 20e siècle a permis de faire reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses de manière considérable grâce à la naissance des antibiotiques, véritable révolution scientifique. A l’origine, les antibiotiques sont des molécules naturellement synthétisées par des microorganismes pour lutter contre des bactéries concurrentes de leur environnement. Il existe aujourd’hui sur le marché plusieurs familles d’antibiotiques (naturels, semi-synthétiques ou de synthèse) qui visent spécifiquement une bactérie ou à un groupe de bactéries (comme Escherichia coli dans les voies digestives et urinaires, Haemophilus influenzae dans les voies respiratoires, les staphylocoques ou les streptocoques présents au niveau de la peau etc).

À savoir ! Les antibiotiques ne sont efficaces que sur les bactéries. Inutiles de les utiliser contre des virus ou des champignons. Les antibiotiques agissent en bloquant la croissance des bactéries ou  en bloquant certaines voies de leur métabolisme.

Cependant, l’efficacité incontestable des antibiotiques et leur utilisation massive et répétée en ville ou au sein des hôpitaux, ont favorisé l’apparition de souches de bactéries résistantes à ces médicaments.  En cause un mauvais usage des antibiotiques avec des traitements trop courts ou trop longs ainsi que des posologies parfois inadaptées. Ce phénomène de résistance est d’autant plus préoccupant que les animaux d’élevage ingèrent autant d’antibiotiques que les hommes, rendant la résistance bactérienne globale et omniprésente.

Par ailleurs, certaines souches de bactéries sont devenues multirésistantes à plusieurs antibiotiques et d’autres carrément toto-résistantes, c’est-à-dire résistantes à quasiment tous les antibiotiques existants. Ce phénomène de plus en plus fréquent rend les médecins démunis face aux infections qu’ils ne parviennent plus à traiter et pose aujourd’hui un problème majeur de santé publique. L’une des principales sources de préoccupation au niveau international sont les bactéries que l’on retrouve dans l’intestin (entérobactéries), dont les  Escherichia coli (E. coli) qui peuvent être responsables d’infections sérieuses et qui produisent des enzymes capables d’hydrolyser plusieurs antibiotiques majeurs (pénicillines, céphalosporines).

Dans ce contexte, deux équipes de chercheurs de l’Inserm ont mené des travaux visant à réduire la résistance d’Escherichia coli à un antibiotique de la famille des céphalosporines.

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Une nouvelle approche pour réduire l’antibiorésistance

Pour lutter contre les mauvaises bactéries, deux équipes de chercheurs de l’Inserm ont travaillé sur une approche alternative au développement de nouveaux médicaments antibiotiques. L’objectif affiché était de rendre de nouveau sensibles aux antibiotiques existants des bactéries devenues résistantes.

Pour ce faire, les scientifiques ont analysé le mécanisme de résistance d’Escherichia coli. Cette bactérie a pu développer sa résistance grâce à l’acquisition d’un gène codant pour une ß-lactamase à spectre élargi (BLSE). Transférée d’une bactérie à une autre, cette ß-lactamase a pu faciliter la dissémination de la résistance bactérienne.

Forts de ce constat, les chercheurs de l’Inserm ont mis au point un outil permettant de bloquer l’expression de ce gène. Ils ont ainsi  développé et breveté un oligonucléotide capable, in vitro, de bloquer l’ARN messager, transcrit à partir du gène de résistance et chargé d’assurer la production de la BLSE.

À savoir ! Un oligonucléotide désigne une courte molécule d’acide nucléique (ARN ou ADN), constituée par quelques dizaines de nucléotides qui en sont les unités de construction.

Après avoir testé plusieurs séquences d’acides nucléiques complémentaires de cet ARN, les chercheurs ont retenu 4 séquences particulièrement intéressantes pour réduire, in vitro, la résistance de la bactérie à la ceftriaxone, un antibiotique de la famille des céphalosporines.

Il restait enfin à résoudre un problème de taille : l’imperméabilité aux agents thérapeutiques de la paroi des bactéries intestinales. Les chercheurs ont donc été contraints de modifier l’oligonucléotide sur le plan physicochimique en y greffant un lipide capable de franchir cette barrière. C’est ainsi que la bactérie productrice de BLSE étudiée, est redevenue, in vitro, 26 fois moins résistante à la ceftriaxone.

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Elargir l’approche à d’autres cibles et d’autres bactéries

Si l’efficacité de cet oligonucléotide sur la levée de l’antibiorésistance de l’E.coli constitue une découverte inédite, des travaux de recherche approfondis demeurent nécessaires pour élucider entièrement les mécanismes impliqués dans la levée de l’antibiorésistance, et envisager de futurs développements précliniques et cliniques.

Prochaine étape pour le corps scientifique ? Développer cette approche sur d’autres bactéries et créer à terme une nouvelle classe d’antimicrobiens, capables de détruire directement la bactérie, sans avoir recours aux antibiotiques classiques.

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Déborah L., Docteur en Pharmacie

– Les oligonucléotides : une alternative prometteuse contre l’antibiorésistance. INSERM. Consulté le 27 février 2020.
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