Appendicectomie : Un risque accru de cancer colorectal ?

Dans le cadre d’une maladie chronique du côlon appelée rectocolite hémorragique, l’appendicectomie (opération qui consiste à retirer l’appendice) pourrait aider à réduire l’inflammation intestinale qui lui est associée. Cependant,  l’appendicectomie présenterait un inconvénient : celui d’augmenter le risque pour le patient de développer un cancer colorectal. C’est ce que suggèrent des chercheurs français de l’Inserm.

Appendice et immunité intestinale

L’appendice désigne une petite excroissance située au niveau du gros intestin et dont le rôle n’a pas encore été complètement éclairci. Il arrive que l’appendice soit parfois bouché par des matières fécales, des corps étrangers ou à cause d’une altération de la muqueuse intestinale. Cette obstruction favorise la croissance microbienne et provoque alors une inflammation de l’appendice appelée « appendicite » nécessitant son retrait par chirurgie (appendicectomie).

À savoir ! L’appendicite se manifeste par des douleurs abdominales croissantes près du nombril,  des troubles digestifs (nausées, vomissements ou constipation) voire de la fièvre dans certains cas.

Bien que certains scientifiques considèrent l’appendice comme « inutile », d’autres soutiennent l’hypothèse selon laquelle cette excroissance jouerait un rôle complexe dans l’immunité intestinale. Il semblerait en effet que les personnes ayant subi une appendicectomie soient protégées contre la rectocolite hémorragique. Selon des scientifiques anglais et hollandais menant actuellement une étude sur le sujet, cette intervention constitue par ailleurs une piste thérapeutique dans le traitement des patients atteints de formes résistantes de rectocolite hémorragique. Même en l’absence d’appendicite, l’appendicectomie pourrait en effet soulager les patients et leur éviter une ablation totale du côlon.

À savoir ! La rectocolite hémorragique désigne une maladie inflammatoire chronique du côlon.

Appendicectomie et risque de baisse de l’immunité anti-tumorale

C’est sans compter les réserves émises par des chercheurs français de l’Inserm. Selon eux, une appendicectomie réalisée à titre prophylactique ne serait pas anodine. Ils ont en effet étudié un modèle de souris présentant une inflammation chronique du côlon (pour mimer la rectocolite hémorragique chez l’homme). Après avoir procédé à une appendicectomie chez une partie d’entre elles, ils ont certes pu observer une réduction importante de l’inflammation intestinale. Mais en revanche, les souris opérées ont développé davantage de tumeurs colorectales que les autres (risque accru de 15 à 20 %). Il restait donc à comprendre pourquoi.

C’est là que l’analyse des cellules immunitaires est intervenue. Les chercheurs ont en effet constaté :

• Un déficit important en lymphocytes T CD3 et CD8 dans les tumeurs des souris ayant subi une appendicectomie.
• Un déficit en cellules CD3 et CD8 sur les échantillons tumoraux humains de patients atteints de rectocolite hémorragique et n’ayant plus leur appendice.

Or, il faut savoir que ces cellules CD3 et CD8 sont impliquées dans la surveillance anti-tumorale grâce à leurs propriétés de repérage et d’élimination des cellules cancéreuses. Il semblerait donc que l’appendice joue un rôle important dans l’immunité anti-tumorale dans le côlon, en favorisant localement l’entrée des lymphocytes T CD3 et CD8. Par conséquent, l’appendicectomie exacerberait le sur-risque d’une forme particulière de cancer colorectal en cas d’inflammation chronique du côlon.

À savoir ! Les auteurs de cette étude tiennent à préciser qu’il s’agit là de cancers très spécifiques, liés à une inflammation. Ces conclusions ne peuvent donc pas être élargies à la plupart des cancers colorectaux.

Forts de ce constat, les scientifiques travaillent désormais au développement de solutions capables de contrer cet effet dommageable de l’appendicectomie. En attendant, ils soulignent l’importance de communiquer ces conclusions aux chirurgiens et aux gastro-entérologues afin de les sensibiliser sur la question. Les praticiens seront alors à-mêmes d’évaluer pour chaque patient la balance bénéfice/risque d’une appendicectomie thérapeutique dans la prise en charge de la rectocolite hémorragique.

Déborah L., Docteur en Pharmacie