Autisme : les préjugés au cœur du débat

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Rédigé par Hadrien V. et publié le 1 avril 2016

A peine sortie, la nouvelle campagne du gouvernement de sensibilisation à l’autisme fait déjà débat. Il faut le dire, le trouble du spectre autistique est un cas à part dans l’histoire de la médecine. Les mots eux-mêmes butent souvent. Tantôt différence, tantôt pathologie, l’affection divise la communauté médicale, les proches des patients et le grand public.

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Autisme et préjugés : Victimes de la science ?

Dans le dernier livre de John Donvan et Caren Zucker, In A Different Key : The Story of Autism, l’origine de l’autisme est située dans les années 1930 au fin fond du Mississippi. Du moins, il s’agit de la première fois où des parents ont engagé une démarche activiste pour la protection des enfants jugés « débiles ». Depuis cette date, une foule de psychiatres, psychologues, psychanalystes et scientifiques se sont penchés sur cette communauté longtemps ignorée.

Point historique ! Avant d’aboutir à des théories environnementales et génétiques, la communauté médicale a entrepris des conclusions pour le moins hasardeuses. Rappelons, par exemple, les théories élaborées par le pédopsychiatre Leo Kanner qui a incriminé le comportement des mères dans le développement du trouble autistique chez l’enfant.

Il faudra attendre 1964 pour que Bernard Rimland, psychologue et père d’un enfant autiste, balaye la piste maternelle pour développer une approche biologique. Différents essais thérapeutiques ont été développés et massivement utilisés, sans succès, dont les chocs électriques, jusqu’en 1987.

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Neuroarchéologie, fer de lance de la recherche

Il faudra attendre les années 2000 pour arriver à une compréhension populaire de ce trouble de la perception et du comportement. La piste génétique fut enfin abordée pour expliquer un développement altéré de certains circuits neuronaux. En effet, il était enfin possible d’observer des neurones présentant des connexions anarchiques dans certaines zones cérébrales.

Dans un récent article de The Lancet Neurology, Yehezkel Ben-Ari propose la notion de neuroarchéologie. Une théorie selon laquelle des neurones immatures seraient anormalement distribués dans le cerveau en entrainant des courants perturbateurs. Selon lui, il est impératif de comprendre comment les mutations de l’ADN peuvent aboutir à cette architecture pour produire un éventuel traitement efficace.

1% de la population est autiste

On le sait, le domaine psychiatrique a connu ses déboires le siècle dernier. A l’affut de solutions efficaces, la communauté médicale a souvent fait fi du bien-être des autistes et de leur famille. C’est finalement par l’intermédiaire d’œuvres littéraires (Theory of Mind, Le voleur de brosses à dents) et cinématographiques (Rain Man) que le grand public a eu accès au point de vue des personnes en première ligne. Ces œuvres ont notamment mis en lumière l’absence de soutien aux familles et la complexité de la relation parents-enfants.

Mais les préjugés ont la dent dure. L’autisme, ou plutôt les autismes, ont du mal à se faire comprendre. Ari Ne’eman, premier autiste à travailler pour le National Council on Disability, invite à ne pas guérir mais à accepter : « chaque autiste est unique, tout comme chaque être humain ».

La nouvelle campagne du gouvernement doit permettre, via une expérience digitale « Dis-moi Elliot », de comprendre la perception des autistes pour la journée mondiale de l’autisme, qui se déroulera demain afin de « sensibiliser et changer le regard sur l’autisme ». Le court-métrage « Elliot », réalisé par Nicolas Humbert, doit être diffusé dans les salles de cinéma à partir du 6 avril.

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Hadrien V. Pharmacien 

Sources
– L’autisme, c’est quoi ? autismeinfoservice.fr.
– John Donvan & Caren Zucker. « In A Different Key : The Story of Autism ». Consulté le 19 janvier 2016