Jusqu’à présent, la France n’a jamais mis en œuvre de dépistage organisé du cancer du poumon. La Haute Autorité de Santé vient de se prononcer en faveur de l’expérimentation d’un dépistage du cancer du poumon chez les personnes à risque. Zoom sur cette nouvelle prise de position.
Dépistage du cancer du poumon : un diagnostic tardif
Le cancer du poumon (ou cancer broncho-pulmonaire) représente le cancer le plus mortel sur notre territoire : plus de 33 000 français en décèdent chaque année. Il faut dire qu’il fait malheureusement souvent l’objet d’un diagnostic tardif, et que son taux de survie à 5 ans n’est que de 4 % pour une détection au stade IV de ce cancer. Première cause de décès chez les hommes âgés de 45 à 64 ans, il progresse fortement dans la population féminine. Cette maladie pourrait pourtant être évitable vu que le tabac en est à l’origine dans 80% des cas.
Jusqu’à présent, la France n’a jamais mis en œuvre de dépistage organisé du cancer du poumon. Dans un avis de 2016, la Haute Autorité de Santé estimait en effet que toutes les conditions de qualité, d’efficacité et de sécurité n’étaient pas réunies pour un tel projet. C’est sans compter la publication de nouvelles données selon lesquelles le dépistage par scanner à faible dose chez les personnes fortement exposées au tabac permettrait une réduction de la mortalité de ce cancer.
Dans ce contexte, l’instance vient de revoir son avis et se prononce désormais en faveur de la mise en place d’une expérimentation de dépistage en vie réelle chez les personnes à risque.
Les bénéfices du dépistage chez les personnes à risque
L’examen de dépistage consiste en une technique d’imagerie appelée tomodensitométrie. Il s’agit en fait d’un scanner thoracique à faible dose et sans injection. L’objectif d’un tel dépistage ? Détecter de façon précoce les personnes qui présentent un risque supérieur de contracter un cancer pulmonaire afin que les traitements ou les interventions mises en place s’avèrent plus efficaces.
À savoir ! Si une anomalie est repérée, des examens complémentaires ainsi qu’une biopsie de la tumeur peuvent être nécessaires pour confirmer le diagnostic ou mettre en place un suivi.
Selon la HAS, la mise en place d’un dépistage systématique au sein de populations fortement exposées au tabac pourrait ainsi permettre «une réduction significative de la mortalité spécifique de ce cancer, de l’ordre de 5 vies sauvées pour 1000 personnes dépistées (en fonction des modalités de dépistage)».
Ces premiers résultats soutiennent ainsi l’idée que les chances de guérison d’un cancer du poumon détecté précocement seraient bien meilleures qu’en cas de détection à un stade avancé. La Haute Autorité de Santé tient cependant à préciser que ces résultats encourageants restent à confirmer en raison de l’hétérogénéité élevée des résultats et des protocoles d’études.
Vers un dépistage généralisé des personnes à risque ?
Si certains pneumologues français soutiennent depuis plusieurs années l’intérêt d’un dépistage organisé comme celui déjà en vigueur aux Etats-Unis, ce type de stratégie présente néanmoins des risques en matière de santé publique. Parmi ces risques, celui des surdiagnostics, c’est-à-dire le diagnostic de lésions cancéreuses peu évolutives ou de lésions qui ne seraient jamais devenues symptomatiques, voire le diagnostic de faux positifs. Les surdiagnostics sont en effet à l’origine d’anxiété, d’examens complémentaires, et de traitements parfois lourds et inutiles pour les patients.
Dès lors, se dirige-t-on en France vers un dépistage généralisé du cancer du poumon chez les personnes à risque ? « L’état des connaissances est encore incomplet pour la mise en place d’un programme de dépistage systématique et organisé du cancer broncho-pulmonaire en France », a déclaré la Haute Autorité de Santé.
Pour l’heure, l’instance préconise que l’Institut National du Cancer mette en place un programme pilote ainsi que des études complémentaires. Car beaucoup d’éléments restent à définir comme la population cible, les modalités de la procédure de dépistage, l’efficacité, la sécurité et l’acceptabilité du dépistage, les impacts organisationnel et économique etc. L’objectif principal consistera donc à obtenir des éléments de réponse indispensables à un éventuel déploiement à grande échelle d’un programme de dépistage organisé, efficace et sûr.
Déborah L., Docteur en Pharmacie