L’obésité, la consommation d’alcool ou de tabac ainsi que l’exposition à des produits toxiques sont des facteurs de risque bien connus du cancer. Pourtant, chaque année la pathologie se développe chez des personnes sans facteurs de risque et sans antécédents connus. Et si les cancers étaient finalement dus, en grande partie, au hasard ? C’est ce que suggère une récente étude publiée dans la revue Science, le 23 mars dernier.
Les cancers, des erreurs aléatoires
On le sait, les cancers sont le résultat d’une accumulation de mutations (ou modifications) sur un gène, qui a pour conséquence un « dérèglement » cellulaire entraînant une prolifération anarchique et incontrôlée des cellules.
On sait également que ces mutations peuvent être induites par des facteurs environnementaux, d’où la mise en place de vastes actions préventives. Certaines prédispositions génétiques ont aussi été démontrées. Et si finalement, ses mutations résultaient simplement d’erreurs lors de la réplication (étape de duplication) de l’ADN ? En effet, pour permettre la croissance ou le renouvellement des différents tissus constituants l’organisme, les cellules subissent ce que l’on appelle la division cellulaire. Lors de ce processus naturel, chaque cellule va donc se diviser en 2 afin de produire 2 cellules filles identiques. Les deux cellules doivent donc avoir le même matériel. Ainsi, il y a, au préalable, ce que l’on appelle une réplication de l’ADN (l’ADN de la cellule va être « copié ») afin que chacune des 2 futures cellules filles ait leur propre ADN.
A savoir ! Des erreurs dites « aléatoires » peuvent se produire au cours de la réplication de l’ADN, c’est ce que l’on appelle des mutations spontanées. Elles sont fréquentes, mais majoritairement (selon la localisation de l’erreur sur le gène) sans incidence.
Des scientifiques américains de l’université de Baltimore ont cherché à étudier la relation entre le nombre de divisions cellulaires et la survenue de 17 types de cancer. Pour cette étude, les chercheurs ont développé un modèle statistique à partir de l’analyse du génome (matériel génétique) du cancer et des données épidémiologiques récoltées. Les résultats de leur étude montrent ainsi une forte corrélation entre survenues du cancer et divisions cellulaires, et cela, quel que soit leur environnement.
Les auteurs concluent donc que les erreurs aléatoires lors de la réplication de l’ADN seraient en cause dans 2 tiers des cas de cancer. Cette hypothèse permet également d’expliquer pourquoi les cancers sont plus fréquents dans certains tissus que d’en d’autres. Donc, plus le renouvellement cellulaire va être fréquent dans un tissu, plus les risques d’erreurs aléatoires sont grands et donc plus le risque de développer un cancer va être important.
Lire aussi – Cancer : polémique sur les dépistages
Contre le cancer, un dépistage précoce
Selon les auteurs, les erreurs aléatoires lors de la réplication de l’ADN ont été négligées comme cause de cancer. Ils affirment que sur la totalité des cancers observés, seulement 5% des mutations auraient une origine génétique et 18% environnementale. Ainsi, près de 77% de ces mutations seraient dues au renouvellement cellulaire naturel (soit au hasard).
Leur hypothèse a suscité de nombreux débats, notamment suite à sa première publication en 2015, au sein de la communauté scientifique, mais également dans la population. L’objectif des auteurs est d’une part de tenter d’expliquer pourquoi certains tissus sont plus touchés par les cancers, d’autre part d’éclaircir le mécanisme d’apparition de la pathologie.
L’enjeu est donc de comprendre le mécanisme de survenue du cancer. Et pour cela, selon les auteurs, il faut arriver à saisir la dynamique existante entre les divisions cellulaires d’un tissu et sa sensibilité aux facteurs environnementaux ou génétiques. Cette nouvelle approche pourrait notamment permettre, grâce à une meilleure compréhension du cancer, d’adapter et d’améliorer les protocoles de dépistage.
Les auteurs précisent que la prévention primaire (c’est-à-dire limiter les expositions dangereuses) reste aujourd’hui le moyen le plus approprié pour réduire les risques de décès lié à un cancer. Ainsi, la reconnaissance d’un troisième facteur dans le développement de la maladie ne doit pas diminuer son importance. Cependant, c’est un fait, tous les cancers ne peuvent pas être évités particulièrement lorsque le facteur hasard entre en jeu. Dans ce cas-là, la prévention secondaire, à savoir un diagnostic et une intervention précoce, semble nécessaire.
Lire aussi – Cancer du sein et hérédité : choisir son embryon
Charline D., Pharmacienne
Stem cell divisions, somatic mutations, cancer etiology, and cancer prevention. Cristian Tomasetti, Lu Li, Bert Vogelstein. Science. Le 24 mars 2017.
New study finds that most cancer mutations are due to random DNA copying ‘mistakes’. EurekAlert. Le 23 mars 2017.