Les effets de l’alcool après la naissance réversibles ?

Actualités Grossesse

Rédigé par Charline D. et publié le 4 août 2017

Ce n’est plus un secret, la consommation d’alcool durant la grossesse peut avoir de lourdes conséquences sur le nouveau-né, allant du décès au fameux Syndrome d’Alcoolisation Fœtale (SAF), du degré le plus anodin au plus grave. Pour la première fois, des chercheurs espèrent une réversibilité des dommages…

Alcoolisme fœtal

Deux médicaments capables d’annuler les effets de l’alcool

Une nouvelle étude américaine identifie 2 médicaments comme potentiellement capables d’annuler les troubles de l’apprentissage ou de la mémoire causés par une exposition fœtale à l’alcool lorsque ceux-ci sont donnés après la naissance.

Bien que le Syndrome d’Alcoolisme Fœtal (SAF) soit difficile à quantifier dans la population compte-tenu de la grande hétérogénéité des symptômes possibles, plusieurs études ont tout de même estimé sa fréquence de survenue entre 2,8 et 4,8 naissances sur 1000. Les scientifiques parlent de trouble fréquent, très probablement sous-estimé.

Le diagnostic du SAF repose sur 3 manifestations principales :

  1. Un retard de croissance ;
  2. Des anomalies faciales ;
  3. Un dysfonctionnement du système nerveux central.

Les anomalies de la face ont même été classées et normées. Parmi les traits anormaux, on distingue principalement : des fissures palpébrales courtes (distance entre le coin interne et externe de l’œil), un visage aplati, un nez court, un sillon naso-labial (« fente » entre le nez et la bouche) quasiment inexistant, une bouche en arceau avec une lèvre supérieure mince.

Outre l’apparence physique, l’alcool a surtout des effets dévastateurs sur le système nerveux central impliquant des troubles neuro-développementaux : microcéphalie (volume crânien rétréci), faible QI, troubles de l’apprentissage et de l’attention, retard psychomoteur, troubles de l’adaptation sociale et du comportement, etc.

Jusqu’à présent le seul moyen d’enrayer ou du moins de tenter de contrôler ce phénomène reposait sur les diverses campagnes de prévention, lancées par les pouvoirs publics, prônant le zéro alcool pour la femme enceinte. On comprend donc facilement l’enthousiasme avec lequel les scientifiques peuvent accueillir ces nouvelles découvertes.

 

Lire aussiAlcool : 8000 nouveau-nés victimes chaque année en France

La thyroxine et la metformine : un espoir

En juin dernier, des chercheurs américains de l’Université de Feinberg publiaient les résultats de leur étude conduite chez le rat dans le journal Molecular Psychiatry où ils identifiaient le mécanisme clé par lequel l’alcool nuit au développement du fœtus. Dans cette même publication, les scientifiques ciblaient deux molécules capables de supprimer les effets néfastes d’une exposition fœtale à l’alcool. Une petite révolution lorsque l’on sait qu’aucun traitement n’est à ce jour capable de traiter ces troubles parfois invalidants.

Des études précédentes avaient montré que l’alcool induisait chez le rat en gestation une diminution du taux de thyroxine (hormone produite par la glande thyroïde essentielle à la régulation de multiples fonctions cérébrales) et une augmentation du taux de sucre dans le sang (son impact néfaste sur le cerveau n’est pas encore bien compris). Ainsi, les scientifiques ont divisé les bébés rats exposés in utero à l’alcool en 2 groupes :

  1. Dans le premier groupe, les bébés recevaient de la thyroxine (hormone qui fait défaut aux mères consommant de l’alcool et aux nourrissons souffrant de SAF) ;
  2. Dans le second groupe, les bébés recevaient de la metformine (médicament utilisé afin de réduire le taux de sucre dans le sang).

Les bébés ont ainsi reçu l’un ou l’autre des traitements immédiatement après leur naissance pendant 10 jours. Les chercheurs ont ensuite attendu que les bébés grandissent pour tester leur capacité de mémorisation en comparaison avec des rats exposés in utero à l’alcool n’ayant reçu aucun traitement. Les résultats ont montré que les deux médicaments (thyroxine et metformine) ont eu une action réversible sur les troubles de la mémoire, et sur certaines modifications moléculaires induites par l’alcool.

Les chercheurs, surpris par l’efficacité de ces 2 molécules pourtant différentes, ont creusé la question. Ils ont finalement découvert que la thyroxine comme la metformine avaient une action sur les gènes codant pour une protéine (DNA methyl transferase 1) impliquée dans le développement cérébral et récemment évoquée dans l’autisme et les maladies neurodégénératives.  Afin d’être sûrs de l’implication de la protéine en question, les chercheurs ont bloqué son expression chez des rats normaux et ont pu observer l’apparition des mêmes troubles que lors d’un alcoolisme fœtal. Les scientifiques ont alors administré à ces rats de la metformine, et les signes apparentés ont disparu.

A présent, les chercheurs souhaitent prouver la validité de leurs résultats sur l’être humain. Un essai clinique devrait donc démarrer très prochainement laissant beaucoup d’espoir pour tous les enfants victimes de SAF.

Lire aussiAlcool et dépendance : causes, symptômes et prise en charge

Charline D., Pharmacien

– Reversing fetal alcohol damage after birth : Study offers hope. ScienceDaily. Le 18 Juin 2017.
– Le syndrome d’alcoolisme fœtal. Paediatric Child Health. Mars 2002.