Grandir en France : comment les enfants de 6 à 18 ans perçoivent-ils leur vie en France ? Existe-t-il des différences en fonction des quartiers où ils grandissent ? L’UNICEF a donné à près de 22 000 enfants l’occasion de s’exprimer sur leur vie. Des résultats surprenants qui suscitent la réflexion …
La plus vaste étude française sur les enfants
Pour la 3ème fois, l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) a permis à des enfants, âgés de 6 à 18 ans, de donner leur avis sur leurs conditions de vie. Cette année, les résultats sont indiqués en fonction des lieux d’habitation des enfants, en distinguant :
- Les centres villes ;
- Les quartiers périphériques non populaires ;
- Les quartiers populaires;
- Les quartiers prioritaires (définis selon la politique de la ville).
Au total, entre octobre 2015 et juin 2016, 21 930 enfants de 68 villes à travers toute la France ont répondu à 163 questions, basées sur 4 grands axes :
- « J’ai des droits » (32 questions) ;
- « Ma vie de tous les jours » (63 questions) ;
- « Mon éducation, mes loisirs » (35 questions) ;
- « Ma santé » (33 questions).
Les données recueillies ont été analysées par le sociologue Serge Paugam et la pédiatre Catherine Dolto.
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Des résultats inattendus, bien loin des clichés
Plus de 90% des enfants consultés savent qu’ils ont des droits particuliers et plus de 85% se sentent respectés par les autres (enfants ou adultes), quelle que soit leur origine ethnique, leur religion, leur culture ou leur apparence physique (couleur de cheveux, corpulence, particularités physiques, …).
Tous quartiers confondus, les enfants se sentent en sécurité au sein de la famille. En moyenne 9 enfants sur 10 estiment que leur habitation est assez grande pour toute la famille, qu’il y fait assez chaud en hiver et qu’ils disposent d’un endroit calme pour faire leurs devoirs. Près de 90% considèrent qu’ils peuvent compter sur leur mère et 80% sur leur père. Même si près d’un enfant sur deux avoue avoir des relations parfois tendues avec l’un de ses parents.
Si le sentiment de sécurité prédomine dans le cercle familial, les résultats sont moins favorables dans le contexte scolaire. Alors que 87% des enfants se sentent en sécurité à l’école, 38% déclarent être susceptibles d’être harcelés ou ennuyés par d’autres enfants (qu’ils le soient effectivement ou non) et 28% avouent que certains adultes leur font peur. Seulement 82% des enfants estiment leur intimité respectée dans les toilettes de l’établissement scolaire. Parallèlement, 69% sont parfois angoissés de ne pas réussir suffisamment à l’école.
L’avènement du numérique n’échappe pas aux enfants : 68% ont un téléphone portable, 66% utilisent un ordinateur, un smartphone ou une tablette et 54% consultent les réseaux sociaux. Mais 10% affirment avoir déjà été agressés ou harcelés sur internet.
Plus de 8 enfants sur 10 ont un régime alimentaire relativement équilibré, réunissant 3 aspects fondamentaux : 3 repas par jour, au moins une fois par jour de la viande ou du poisson ainsi que des fruits et des légumes frais quotidiennement.
Malgré ces données rassurantes, la santé psychologique des enfants semble fragile. Plus de 70% disent qu’il leur arrive d’être tristes ou d’avoir le cafard, 48% n’ont plus goût à rien, 61% ont perdu confiance en eux et 22% ont déjà pensé au suicide. Les comportements à risque sont également inquiétants : 11% des enfants reconnaissent fumer, 15% consommer de l’alcool et avoir déjà été en état d’ivresse et 10% consommer des drogues. L’insuffisance ou l’inadaptation des campagnes de prévention est directement pointée du doigt par le rapport : seulement 57% disent avoir été sensibilisés aux dangers des drogues et 62% à ceux de la cigarette. Moins de 60% connaissent les personnes à contacter pour obtenir des informations sur le VIH et les maladies sexuellement transmissibles, et seulement la moitié déclare pouvoir se procurer facilement des préservatifs.
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Grandir en France : inégalité et solidarité dans les quartiers prioritaires
Tous lieux d’habitations confondus, malgré une santé psychologique fragile et des pratiques à risque, les résultats de l’enquête menée par l’UNICEF donnent une image relativement positive de la vie des enfants en 2016. Mais qu’en-est-il lorsque les résultats sont distingués par quartier ? Les quartiers prioritaires se démarquent notablement des 3 autres quartiers.
Les enfants des quartiers prioritaires semblent cumuler les inégalités : 54% déclarent un manque d’accès aux savoirs, 41% un manque d’activités culturelles ou de loisirs, 22% sont en situation de privation matérielle et 28% de privation d’accès aux soins. Face à cette disparité, ces enfants manquent cruellement de confiance en eux, ce qui aggrave d’autres phénomènes fréquents dans ces quartiers : discrimination ethnique ou religieuse, violence et harcèlement. Ces enfants ont ainsi un risque multiplié par 4 d’être angoissé de ne pas réussir à l’école. Deux fois plus d’enfants, habitant dans ces lieux, estiment que leurs droits ne sont pas respectés en France, par rapport aux enfants des centres villes.
Mais le tableau des quartiers prioritaires n’est pas tout noir. Lieux de vie, de partage et de solidarité, les enfants savent où trouver les ressources dans leur quartier, pour faire face aux problèmes. Ainsi 67% déclarent pouvoir trouver de l’aide en cas de besoin, 71% s’entendent bien avec leurs voisins, 44% sont valorisés par leurs amis, 67% par leur mère et 44% par leur père. Des chiffres bien supérieurs à ceux observés dans les quartiers plus aisés.
Ce rapport de l’UNICEF offre une image fidèle des sentiments ressentis par les enfants français au quotidien. Il fournit des informations précieuses pour les décideurs nationaux, régionaux et locaux. Prendre en compte le vécu et le ressenti des enfants et des adolescents d’aujourd’hui est primordial, car ils représentent les adultes de demain !
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Estelle B., Docteur en Pharmacie
Sources :
– UNICEF France. « Grandir en France », un défi pour les 6-18 ans des quartiers prioritaires. 4 décembre 2016.
– UNICEF France. Écoutons ce que les enfants ont à nous dire. Rapport de la consultation 2016. 68 pages.