Grossesse et antiépileptiques : les prescriptions évoluent, mais des risques persistent
En France, environ 8,7 millions de grossesses ont été enregistrées entre 2013 et 2021. Parmi elles, autour de 56 000 femmes enceintes ont été exposées à au moins un antiépileptique. Ces médicaments sont indispensables pour traiter l’épilepsie, mais aussi certaines douleurs, les troubles de l’humeur ou les migraines. Leur usage pendant la grossesse soulève toutefois une question sensible : le risque d’effets indésirables sur le développement du fœtus. Quelles femmes restent les plus exposées ? Et comment renforcer la prévention pour réduire les risques ?
Une évolution des prescriptions d’antiépileptiques pendant la grossesse
L’étude nationale EPI-Phare, publiée en 2025 dans la revue Neurology, montre que l’exposition prénatale aux antiépileptiques a peu diminué dans l’ensemble, mais leur répartition a évolué.
- Les molécules les plus risquées (valproate, valpromide, carbamazépine, topiramate) reculent nettement, avec une chute spectaculaire pour le valproate (-84 %) et le valpromide (-89 %).
- Les molécules considérées comme les plus sûres (lamotrigine, levetiracetam) progressent fortement, devenant aujourd’hui les plus prescrites.
- Les antiépileptiques à risque incertain (prégabaline, gabapentine, oxcarbazépine, lacosamide, zonisamide) connaissent également une hausse sensible, notamment la prégabaline (+28 %) et les nouvelles molécules (+140 %).
Ces résultats montrent une bascule encourageante vers des traitements mieux tolérés, mais aussi une montée en puissance de médicaments dont les effets restent encore mal connus.
Quels risques pour les femmes enceintes et leurs enfants ?
L’exposition aux antiépileptiques pendant la grossesse n’est pas anodine. Certains médicaments, comme le valproate, sont depuis longtemps associés à des malformations congénitales et à des troubles du développement neurologique. Les mesures de restriction et de surveillance mises en place à partir de 2015 ont permis de réduire considérablement leur utilisation.
Cependant, la situation reste contrastée :
- Les antiépileptiques à risque avéré continuent d’exposer chaque année plusieurs centaines de grossesses.
- Les molécules à risque incertain, de plus en plus utilisées, posent de nouvelles questions. Leur sécurité n’est pas encore clairement établie, faute de recul scientifique suffisant.
- Les grossesses exposées à ces traitements sont plus souvent interrompues pour raisons médicales ou volontaires, ce qui reflète la difficulté d’évaluer et d’anticiper les risques.
En parallèle, l’étude souligne que les femmes les plus défavorisées sont davantage concernées par l’exposition à ces médicaments, accentuant des inégalités déjà présentes en santé périnatale.
Comment réduire les expositions aux antiépileptiques à risque pendant la grossesse ?
Les chercheurs appellent à maintenir et renforcer les mesures de prévention :
- Informer et accompagner les femmes concernées avant la conception et durant la grossesse, afin de mieux anticiper les choix thérapeutiques.
- Encourager le recours aux molécules les mieux connues et les plus sûres, tout en poursuivant la surveillance des prescriptions.
- Renforcer les études sur les antiépileptiques récents ou à risque incertain, pour documenter leurs effets à long terme sur les enfants exposés in utero.
- Réduire les inégalités sociales dans l’accès au suivi prénatal et à l’information, car les populations précaires restent plus exposées aux traitements les plus problématiques.
Les résultats soulignent la nécessité d’un meilleur accompagnement thérapeutique et d’un suivi adapté des femmes enceintes sous antiépileptiques afin de réduire significativement les risques liés à l’exposition prénatale.
En une décennie, la France a réussi à limiter l’exposition des femmes enceintes aux antiépileptiques les plus dangereux. Mais cette avancée s’accompagne d’un report vers d’autres molécules dont les risques demeurent incertains. La vigilance reste donc de mise, avec un double enjeu : sécuriser les prescriptions et garantir un accès équitable à l’information et au suivi pour toutes les femmes enceintes.
– Neurology, Tendances de l’exposition prénatale aux médicaments antiépileptiques au cours de la dernière décennie — Une étude nationale, . www.neurology.org. Consulté le 23 septembre 2025.
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