Insomnies : les origines neurobiologiques de la mauvaise perception du sommeil

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Rédigé par Julie P. et publié le 13 avril 2018

Une personne sur 5 en France souffre d’insomnies, un trouble du sommeil caractérisé, entre autres, par des difficultés à s’endormir, des réveils nocturnes et la sensation, au petit matin, d’avoir traversé une nuit non reposante. Quand le trouble est chronique, les insomnies ont des conséquences très graves sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Une partie de ces femmes et de ces hommes présentent des insomnies qualifiées de « mauvaise perception du sommeil » et vous diront qu’ils n’ont pas fermé l’œil de la nuit alors que vous les avez entendu ronfler ! Pour comprendre cette contradiction, une équipe de psychologues américains a mené l’enquête. Focus sur les résultats de ces travaux parus dans la revue Sleep.

couple allongé dans un lit insomnies

Immersion dans le cerveau d’insomniaques

En collectant de nombreux témoignages de personnes dormant auprès d’individus insomniaques, les scientifiques se sont rendu compte qu’une grande partie d’entre-elles traversait des phases de sommeil sans s’en rendre compte.

Ces personnes sont atteintes d’insomnies primaires (ou insomnies intrinsèques) et les cliniciens et chercheurs ont déjà identifié ce phénomène en le qualifiant de « perception erronée du sommeil ».

Pour comprendre ce phénomène intriguant, Daniel Kay de l’université Brigham Young de Provo, dans l’Utah, et ses collègues, ont analysé le sommeil de 32 personnes souffrant d’insomnies de ce type et de 30 autres individus considérés comme des « bons dormeurs ».

Afin d’évaluer au mieux la qualité de sommeil de chacun de ces volontaires, les chercheurs ont récolté des données issues de:

  • La polysomnographie ;
  • L’imagerie par scanner pour détecter les zones cérébrales actives pendant le sommeil ;
  • Un questionnaire pour les interroger sur leurs expériences de sommeil.

À savoir ! La polysomnographie est un enregistrement du sommeil qui se déroule pendant toute la nuit et parfois au cours de la journée suivante (pour les tests d’exploration de la vigilance par exemple). Cet examen médical complet intègre l’enregistrement du rythme respiratoire et cardiaque, ainsi que l’encéphalogramme (enregistrement de l’activité électrique du cerveau) et l’électromyogramme des muscles des bras et des jambes. La personne est également filmée.

Les résultats ?

Les personnes souffrant d’insomnies qui déclaraient avoir été éveillées, en dépit d’un examen de polysomnographie indiquant le contraire, avaient une activité importante dans les zones cérébrales associées à la conscience pendant la phase de sommeil sans mouvement oculaire rapide. Une activité neuronale qui a d’ailleurs pu être suivie grâce au traçage de la consommation de glucose dans leur cerveau.

À savoir ! La phase de sommeil sans mouvement oculaire rapide, appelée également sommeil Non-REM (rapid eye Movement) comprend trois phases : l’endormissement, le sommeil léger et le sommeil profond. Chacune de ces phases est caractérisée par un modèle d’ondes cérébrales spécifiques. Au fil des phases, l’activité du cerveau se ralentit et les muscles se détendent. A contrario, la phase REM (caractérisée par des mouvements oculaires rapides) est qualifiée de sommeil paradoxal, un sommeil caractérisé par une activité cérébrale très intense proche de celle de l’éveil. La phase REM termine le cycle du sommeil.

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Insomnies : un problème de conscience

Ces résultats suggèrent que les personnes insomniaques peuvent avoir l’impression ou la sensation d’être éveillées jusqu’à ce que leur cerveau subisse une plus grande activité inhibitrice dans certaines régions du cerveau impliquées dans la conscience.

Les chercheurs avancent également l’hypothèse qu’une activité inhibitrice accrue dans ces mêmes zones cérébrales liées à la conscience pourrait expliquer pourquoi les dormeurs normaux ont l’impression de s’être endormis avant leur entrée dans le sommeil constatée par la polysomnographie.

Cette étude permet donc de mieux comprendre les mécanismes en jeu dans l’insomnie et de dissocier, une fois de plus, ce qui est du ressort de la neurobiologie ou de la psychologie.

« Chez les patients souffrant d’insomnie, les processus impliqués dans la réduction de la conscience pendant le sommeil peuvent être altérés […] L’une des stratégies pour cibler ces processus peut être la méditation de pleine conscience » souligne Daniel Kay dans un communiqué de presse.

Reste désormais à mettre en place des protocoles d’études cliniques qui vont permettre de mesurer le bénéfice de traitements cognitivo- comportementaux (TCC) en y associant la méditation pleine conscience.

À savoir ! Les thérapies comportementales et cognitives visent à prendre en charge la souffrance psychique grâce à une méthodologie issue de la méthode expérimentale appliquée au cas particulier d’une personne. L’hypothèse de base des TCC considère qu’un comportement inadapté [par exemple une phobie] est la résultante d’apprentissages initiaux maintenus par les contingences d’un environnement donné. Grâce à un nouvel apprentissage, le comportement inadapté sera remplacé par un comportement plus adapté correspondant aux attentes du patient. Pour le traitement des insomnies, les TCC sont plus efficaces que les médicaments sur le long terme.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Insomnia: Why your brain may sleep without even knowing it. Medical News Today. A. Sandoiu. Consulté le 10 avril 2018.
– Subjective–Objective Sleep Discrepancy Is Associated With Alterations in Regional Glucose Metabolism in Patients With Insomnia and Good Sleeper Controls. SLEEP. D.B. Kay et al. Consulté le 10 avril 2018.
– Insomnie. INSERM. Consulté le 11 avril 2018.
– Thérapies comportementales et cognitives. AFTCC. Consulté le 11 avril 2018.