Isolement social : la nouvelle épidémie ?
Le développement d’internet, des réseaux sociaux, la multiplicité des écrans et l’offre pléthorique de smartphones de plus en plus sophistiqués avaient initialement pour objectif de faciliter la communication et les échanges. Mais force est de constater que ces innovations, aussi utiles soient-elles, ont contribué à développer une forme d’isolement social risquant de fragiliser la santé mentale et globale des populations. C’est ce que révèlent plusieurs études sociologiques américaines. On fait le point sur l’ampleur de ce nouveau phénomène.

Qu’est-ce que l’isolement social ?
L’isolement social désigne le fait d’avoir peu d’interactions sociales, d’endosser peu de rôles sociaux ou d’avoir une faible appartenance à des groupes de personnes. Il se distingue de la solitude qui est vécue quant à elle comme une expérience pénible et subjective.
Ces dernières années, les sociologues ont observé un phénomène inédit : l’isolement social est désormais le fruit d’un choix délibéré et sélectif. Il se distingue de la forme d’isolement classique en ce sens que les personnes décident de maintenir certaines interactions sociales plutôt que d’autres. Ces interactions sociales se manifestent dans le cadre de leur vie familiale, de leur cercle amical proche, de leur vie professionnelle ou dans le cadre d’interactions sur les réseaux sociaux avec des personnes éloignées partageant une même passion ou une même opinion.
C’est ainsi que ce nouvel isolement social sélectif marque la disparition de certaines relations dites « intermédiaires », c’est-à-dire celles qui impliquent les personnes que nous côtoyons régulièrement sans pour autant être proches (voisinage, parents d’élèves etc).
Un phénomène amplifié par la pandémie de Covid-19
Ce nouvel isolement social est pris au sérieux par les sociologues américains. Ils constatent en effet depuis une vingtaine d’années une forte baisse des interactions sociales aux États-Unis, en particulier chez les jeunes. Ce phénomène a par la suite été amplifié par la pandémie de Covid-19.
De nombreuses données issues d’études sociologiques américaines confirment cette tendance à l’isolement social avec des activités en solo préférées à des activités de groupe :
- Baisse rapide des interactions sociales (-20 % entre 2000 et 2024), en particulier chez les adolescents (-40 %).
- Baisse de 50 % entre 1990 et 2010 du nombre d’adolescents côtoyant leurs amis après l’école.
- Augmentation du pourcentage d’Américains vivant seuls (29 % des ménages américains en 2022 contre 13 % en 1960).
- Hausse du temps moyen passé seul de 24 heures par mois entre 2003 et 2020.
- Baisse de 20 heures par mois du temps moyen passé avec des amis.
Parmi les causes identifiées de cette tendance à l’isolement, citons le développement du e-commerce, des plateformes de streaming, des réseaux sociaux et plus récemment, du télétravail. Autant de facteurs retenant les personnes à leur domicile au lieu de les inciter à sortir de chez elles.
Ce phénomène s’observe également en France où l’isolement et la solitude touchent une frange importante de la population. Selon la Fondation de France, en 2024, 12 % des Français de plus de 15 ans ressentaient un isolement social, 24 % d’entre eux souffraient d’un sentiment de solitude et 33 % d’entre eux déclaraient se sentir « abandonnés, exclus et/ou inutiles ». Les populations les plus à risque identifiées étant les chômeurs, les jeunes et les travailleurs indépendants.
Isolement social : des conséquences non négligeables sur la santé
Bien que ces nouvelles formes d’isolement émanent d’une décision volontaire, elles peuvent être à l’origine d’un sentiment de solitude, notamment chez les personnes ayant peu de proches parents. Et ce sentiment de solitude peut lui-même être source de souffrance, avec des conséquences non négligeables sur la santé mentale et physique ainsi que sur la longévité.
D’après les services sanitaires américains, la solitude et l’isolement social peuvent en effet provoquer une hausse du risque de décès prématuré, d’affection cardiaque, d’accident vasculaire cérébral, de démence, d’anxiété et de dépression. Pire, la dépression liée à l’isolement social peut elle-même conduire à l’augmentation du risque de suicide comme l’a démontré une récente étude coréenne sur le sujet.
A la lumière de ces données, les nouvelles formes d’isolement social semblent constituer un défi de taille pour nos sociétés modernes. Loin d’être anodin, le repli progressif de la population sur des cercles restreints ou des cercles virtuels l’expose à de véritables risques pour sa santé mentale et physique. Et s’il devait perdurer, ce phénomène pourrait même devenir un réel enjeu de stabilité sociale.
Déborah L., Dr en Pharmacie
– Prévalence des états anxieux chez les 18-85 ans : résultats du baromètre Santé Publique France (2017-2021). Santé publique France. . beh.santepubliquefrance.fr. Consulté le 31 août 2025.
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