On sait déjà que la lumière influence notre métabolisme et notre moral, mais quel est son rôle sur nos performances cognitives ? Dans quelles mesures l’éclairage d’une pièce modifie-t-il notre cerveau et ses aptitudes ? C’est en se penchant sur cette question que des scientifiques de l’université du Michigan ont découvert que vivre ou travailler dans un environnement insuffisamment éclairé pouvait diminuer nos facultés mnésiques. Eclairage !
Faible luminosité et perte de repères
Les effets de la lumière sur les fonctions cognitives ont déjà été étudiés sur les humains, montrant notamment qu’elle pouvait améliorer les performances des écoliers, étudiants ou professionnels qui travaillent dans des environnements baignés de lumière artificielle. Cependant, les mécanismes neuronaux qui sous-tendent ces observations ne sont pas encore bien compris.
Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont analysé les aptitudes cognitives et l’anatomie cérébrale de rats (ayant le même rythme éveil/sommeil que l’homme) soumis à différentes conditions d’éclairage.
Les deux groupes était placé dans un environnement alternant phase éclairée et phase d’obscurité toutes les 12 heures. Le premier groupe bénéficiait d’une puissance lumineuse de 1000 Lux tandis que le deuxième se voyait seulement profiter d’un environnement de 50 Lux, soit l’équivalent d’une lumière tamisée.
À savoir ! Le Lux (symbole lx) est l’unité de mesure de l’éclairement lumineux caractérisée par le flux lumineux par unité de surface. L’éclairement requis dans un bureau de travail (écriture, traitement de données) est de 500 Lux, un local de travail doit voir sa puissance lumineuse osciller entre 200 à 300 Lux et enfin, un appartement bien éclairé possède un éclairement de 200 à 400 Lux.
Après 4 semaines, le groupe ayant bénéficié d’un éclairage de 50 Lux a montré une mémoire spatiale altérée tandis que l’autre groupe avait amélioré ses performances initiales.
« Quand nous avons exposé les rats à la lumière tamisée, les animaux ont montré des déficiences dans l’apprentissage spatial. C’est ce que l’on peut retrouver quand les gens ne repèrent plus leur voiture sur un parking après avoir passé quelques heures dans un centre commercial ou un cinéma » souligne Antonio Nunez, professeur de psychologie et co-auteur de l’étude.
Cependant, cette déficience a été réversible lorsque les rats ont été placés dans les conditions lumineuses du premier groupe pendant 4 autres semaines.
En plus des changements de comportement, les rats soumis à une luminosité faible ont montré, par rapport au groupe témoin, une :
- Expression réduite du facteur neurotrophique dérivé du cerveau dans l’hippocampe ;
- Réduction du nombre de connexions entre les neurones.
À savoir ! L’hippocampe est une structure présente dans chaque hémisphère cérébral et située en profondeur dans le cerveau. Il joue un rôle important dans la mémoire, l’inhibition du comportement et dans le repérage spatial. Le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF en anglais) est une protéine qui maintient les neurones en vie et participe à la croissance et à la différenciation de nouveaux neurones et synapses (jonctions entre deux neurones).
Ainsi, cette expérience montre que l’intensité lumineuse impacte les facultés de navigation spatiale et de mémoire, mais également la plasticité cérébrale.
Lire aussi – De la lumière contre la grisaille
Les applications thérapeutiques de cette découverte ?
Cependant cette découverte montre, une fois de plus, que ce n’est pas la lumière qui affecte directement l’hippocampe mais une autre partie du cerveau qui est reliée aux yeux.
L’équipe de recherche travaille d’ailleurs sur cette zone regroupant un groupe de neurones dans l’hypothalamus qui produit un neurotransmetteur (une molécule de communication entre les neurones) appelée orexine et qualifiée aussi de « peptide éveillant » car déficitaire chez les personnes narcoleptiques.
À savoir ! L’hypothalamus est un organe, de la taille d’une amande, situé en dessous du thalamus, juste au-dessus du tronc cérébral. Il intervient dans la régulation du système nerveux autonome (respiration, digestion, sudation etc…), dans les fonctions endocrines, la reproduction, la thermorégulation, le contrôle du rythme circadien ou encore la faim.
Les chercheurs s’attèlent à savoir si l’orexine administrée à des rats exposés à une luminosité faible permettra de rétablir, à la normale, leur mémoire spatiale et d’autres performances cognitives.
Si l’orexine possède un tel potentiel, alors il faudra mesurer comment cette molécule (ou une molécule proche activant les mêmes récepteurs cellulaires) pourrait être utile, en prévention ou un traitement, auprès des personnes atteintes de glaucome, de dégénérescence rétinienne ou encore auprès d’individus souffrant de certains troubles cognitifs.
Lire aussi – La lumière verte contre les douleurs chroniques
Julie P., journaliste scientifique