Alzheimer : on n’est jamais mieux défendu que par soi-même !

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Rédigé par Deborah L. et publié le 2 août 2017

Origines encore mal connues, essais cliniques à tâtons, il n’existe encore aujourd’hui aucun traitement curatif contre la terrible maladie d’Alzheimer. Une récente étude s’est penchée sur une hormone appelée IGF-1 et le processus d’autodéfense des neurones face à la maladie. Ses résultats surprenants ouvrent des perspectives prometteuses…

Défense contre alzheimer

La maladie d’Alzheimer et sa prise en charge

Connue depuis le début du XXe siècle grâce aux travaux du scientifique allemand A. Alzheimer, la maladie qui porte son nom est causée par la détérioration du tissu cérébral. Ce processus inflammatoire irréversible et destructeur des neurones est accompagné de multiples lésions parmi lesquelles les plaques séniles (également appelées plaques amyloïdes) formées par l’accumulation d’une protéine anormale, la protéine bêta-amyloïde dans certaines zones du cerveau.

De nos jours, il n’existe malheureusement encore aucun traitement curatif de cette maladie aux origines encore mal connues et qui touche près d’un million de personnes en France. Seuls quelques traitements visant à en atténuer les symptômes sont disponibles et permettent, en association avec de la rééducation et des activités de stimulation, de les atténuer à plus ou moins long terme. Mais ils n’empêchent en rien l’évolution de la maladie.

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Des essais cliniques à tâtons

Entre 2002 et 2016, plus de 500 essais cliniques sur la maladie d’Alzheimer ont pourtant été conduits mais n’ont pas encore permis de mettre à jour de molécule à l’efficacité suffisante. Depuis presque 10 mois, le Centre Mémoire de Ressource et de Recherche (CMRR) de Paris Nord Lariboisière teste un traitement à l’Aducanumab, un anticorps qui permettrait de réduire les plaques amyloïdes à un stade précoce de la maladie. Bien que l’essai doit durer 24 mois, les premiers résultats sont encourageants mais à prendre avec précaution.

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Les résultats surprenants d’une nouvelle étude

Dans ce contexte troublé où les espoirs de traitement de la maladie restent minces, une nouvelle étude sur une hormone d’intérêt appelée IGF-1 ouvre des perspectives nouvelles.

Car s’il est une hormone indispensable au développement de l’organisme pendant toute la vie, c’est bien l’hormone IGF-1 (Insulin-like Growth Factor). Sécrétée au niveau du foie, cette hormone est impliquée dans la croissance des os et des organes, dans la régulation du métabolisme énergétique ainsi que dans le contrôle du vieillissement.

Cette hormone a déjà été mise en lumière par Martin Holzenberger, Directeur de Recherche Inserm à l’Hôpital Saint-Antoine (Unité 983 « Centre de  recherche  Saint-Antoine » (Inserm/ UPMC)) qui en a démontré le rôle dans la longévité ainsi que dans la maladie d’Alzheimer.

Approfondissant ses recherches, l’équipe de Martin Holzenberger s’est penchée sur le rôle précis de l’IGF-1 ainsi que sur la réponse des neurones face à la dégénérescence du tissu cérébral. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces nouveaux résultats sont tout simplement surprenants ! Car ils démontrent que ce n’est pas la stimulation mais plutôt le blocage de la signalisation IGF à long terme qui améliorerait la fonction cérébrale et la protection des neurones !

L’étude de Martin Holzenberger a avant tout démontré que l’inhibition des récepteurs IGF-1 au niveau des neurones de souris, permettait une apparition beaucoup plus tardive des lésions typiques de la maladie d’Alzheimer au niveau du cerveau (plaques amyloïdes et neuroinflammation).

A savoir ! L’inhibition des récepteurs à l’IGF-1 consiste à bloquer la capacité de ces récepteurs IGF-1 à recevoir l’hormone IGF-1 à la surface des neurones, et donc à bloquer l’action de l’hormone IGF-1 sur les cellules neuronales.

Inhibition des récepteurs IGF-1 sur des neurones de sourisPlus encore que l’inhibition des récepteurs, la suppression des récepteurs IGF-1 a entraîné une cascade d’effets neuroprotecteurs impliqués dans l’allongement de la longévité.

 

 

 

Un système d’auto-défense

Ces nouveaux résultats confirment que l’on n’est jamais mieux défendu que par soi-même ! Ils mettent effectivement en lumière un système encore méconnu : celui de l’autodéfense des neurones attaqués par la maladie d’Alzheimer.

Car les gènes activés dans les neurones Alzheimer et les neurones dépourvus de récepteur IGF-1 sont assez similaires. Il en ressort qu’aux tous premiers stades de la maladie, les neurones attaqués par la maladie d’Alzheimer mettent en place un système d’auto-défense appelé « réponse endogène » en langage scientifique. Processus d'auto-défense du neurone de souris

A savoir ! Une réponse endogène est une réaction qui se développe en réponse à une agression et qui s’effectue à l’intérieur de l’organisme ou d’un organe en particulier.

 

 

 

 

 

Vers une protection efficace contre la maladie d’Alzheimer

Ce processus d’auto-défense est néanmoins loin d’être suffisant sur la durée chez un cerveau atteint par la maladie. Une protection efficace contre la maladie nécessiterait en effet de supprimer totalement les récepteurs IGF-1 de la surface des neurones.

On peut raisonnablement penser qu’à terme, ces nouveaux résultats permettront d’ouvrir de nouvelles pistes curatives et préventives face à la maladie d’Alzheimer. Martin Holzenberger insiste cependant sur l’ampleur du travail restant à fournir :

« Nous ne pouvons pas inhiber le récepteur de l’IGF-1 dans le corps entier car cette hormone est essentielle pour d’autres cellules. Par contre, cibler spécifiquement les neurones est une possibilité. Dans tous les cas, nous devons davantage apprendre comment profiter des bons effets de l’IGF tout en évitant les moins bons effets. »

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Déborah L., Docteur en Pharmacie

– ALZHEIMER : APRÈS LE SOLANEZUMAB, PLACE À L’ADECANUMAB. France Alzheimer. Le 22 Décembre 2016.
– Alzheimer : L’essentiel. EGORA. – Consulté le 25 Juillet 2017.
– Contre Alzheimer, des neurones en autodéfense. INSERM. Le 19 Juin 2017.
  • Moncef MAROUEN says:

    Pourriez-vous nous apprendre davantage sur les resultats de l’essai à l’ADUCANUMAB.

    Reply
    • Equipe Santé sur le Net says:

      Bonjour Moncef,

      Voici quelques éléments que nous pouvons vous fournir à l’heure actuelle concernant cette molécule :
      Comme vous le savez probablement, la maladie d’Alzheimer se caractérise par l’accumulation dans le cerveau de fragments de la protéine bêta-amyloïde qui empêchent la bonne communication entre les neurones. L’Aducanumab est ainsi un anticorps développé par la société pharmaceutique Biogen (Cambridge, Massachusetts) et ayant pour cible ces fragments de protéine bêta-amyloïde.

      La revue Nature a récemment publié des résultats encourageants dans la mesure où le traitement expérimental à base d’Aducanumab a permis de :
      – Ralentir, voire de stabiliser le déclin cognitif chez une partie des patients ayant pris les plus fortes doses du médicament.
      – Diminuer le taux d’amyloïde chez certains patients.
      Par ailleurs, d’autres résultats significatifs ont été constatés durant les tests de mémorisation.

      Néanmoins, ces résultats sont à prendre avec grande précaution et il serait très prématuré de parler d’un nouveau traitement pour ralentir l’évolution de la maladie d’Alzheimer car :
      • Les patients enrôlés dans l’étude étaient tous considérés comme étant « à des stades très précoces » de la maladie.
      • Les résultats ont été obtenus après administration de doses importantes. Ces doses élevées pouvant entraîner des effets secondaires indésirables (ex. des œdèmes cérébraux).
      • Il s’agissait d’un essai clinique de Phase 1 qui correspond à la toute première administration à l’être humain dans le but d’évaluer la toxicité du produit et ses premiers effets sur l’organisme. Cet essai n’avait donc pas pour objectif de déterminer l’efficacité thérapeutique de l’Aducanumab avec une puissance statistique adéquate.
      • 165 patients seulement ont participé à l’étude (certains d’entre eux n’ont reçu qu’un placebo) entre octobre 2012 et janvier 2014. D’où la nécessité de poursuivre les recherches avec des effectifs plus importants et sur des périodes plus longues.

      L’essai se poursuit donc dans l’objectif de recruter 2 700 patients à un stade très précoce de la maladie d’Alzheimer pour confirmer l’existence de ces effets thérapeutiques. C’est ainsi que depuis presque 10 mois, le Centre mémoire de ressource et de recherche (CMRR) Paris Nord Lariboisière teste ce traitement anti-amyloïde d’une durée de 24 mois avec une perfusion par mois environ, qui s’adresse aux patients ayant un MMS (Mini Mental State) entre 22 et 30. Et les premiers résultats de cette étude sont plutôt encourageants : bonne tolérance de la molécule, diminution des plaques amyloïdes dans le cerveau des patients après 6 mois de traitement et stabilisation des scores aux tests neuropsychologiques chez les patients ayant reçu la molécule. Mais la prudence reste toujours de mise.

      En espérant avoir répondu à votre demande,
      L’équipe Santé sur le Net vous souhaite une belle journée.

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