Le Syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) est une affection neurologique à composante génétique débutant durant la petite enfance. Le SGT est caractérisé par l’association de tics moteurs et sonores involontaires et intermittents. De plus, cette maladie évolue dans un contexte de multiples troubles du comportement tels que des troubles de l’attention, de l’hyperactivité, des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou des troubles de l’apprentissage.
Par ailleurs, le Syndrome de Gilles de la Tourette n’affecte pas les capacités intellectuelles du patient. Enfin, la coprolalie, tics vocaux consistant à proférer des insultes involontaires, n’est retrouvée que chez 20% des patients.
Fréquence et causes
Le Syndrome de Gilles de la Tourette n’est pas une affection rare, son incidence est estimée à 1 naissance sur 2000. Cette maladie touche 4 garçons pour une fille. Par ailleurs, le SGT semble être moins répandu chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne.
Enfin, si l’on considère les formes mineures comportant seulement des tics transitoires, l’incidence passe à 1 personne sur 200 atteintes.
A l’heure actuelle, l’origine du Syndrome de Gilles de la Tourette n’est pas identifiée. Cependant, il existe de fortes évidences sur sa très grande composante génétique. En outre, certains facteurs environnementaux, comme des infections par streptocoques, des produits toxiques et des réactions immunitaires exagérées semblent avoir un impact sur les manifestations de la maladie. L’interaction entre facteurs génétiques et environnementaux est probablement à l’origine de la diversité des manifestations du SGT.
Mécanismes des tics
La recherche tente de mieux comprendre quels sont les dysfonctionnements à l’origine des tics moteurs et vocaux du SGT ; notamment au niveau moléculaire, afin de cibler les médicaments qui pourraient traiter la maladie.
Il semble que le Syndrome de Gilles de la Tourette ait pour origine une hyperactivité de certaines zones cérébrales produisant un neurotransmetteur : la dopamine. Cette molécule agit principalement dans les circuits neuronaux contrôlant le mouvement et certains comportements. La dopamine est produite au sein de la substance noire qui est une structure cérébrale faisant partie des noyaux gris centraux. C’est donc des anomalies de conduction neuronale impliquant des zones utilisant la dopamine qui semble être à l’origine des nombreux tics involontaires dont souffrent les patients atteints de Syndrome de Gilles de la Tourette.
A savoir ! La maladie de Parkinson est causée par un déficit en dopamine au niveau des noyaux gris centraux. Cet exemple permet d’illustrer le fait que toutes les anomalies des circuits dopaminergiques produisent des troubles moteurs avec ou sans troubles comportementaux.
Symptômes et manifestations
Le Syndrome de Gilles de la Tourette apparaît le plus souvent durant l’enfance et commence souvent dès les premières années d’école primaire. Les instituteurs sont souvent les premiers à être confrontés aux symptômes.
Le SGT se manifeste de manière très différente d’une personne à l’autre, chaque patient est unique. L’expression des tics touche différentes parties de l’organisme et varient tout au long de la vie de l’individu. En général, les premiers tics chez l’enfant affectent la face et le haut du corps et les tics sonores émergent plus tardivement. De plus, l’intensité des tics est variable chez une même personne et en fonction de la sévérité de la maladie. Un même tic peut se complexifier ou disparaître subitement avant de réapparaître des années plus tard.
Les tics sont toujours involontaires. Cet aspect doit être clairement explicité auprès de l’entourage et des personnes en contact avec le patient afin qu’il ne soit pas injustement stigmatisé.
En outre, les tics surviennent le plus souvent « en rafale », c’est-à-dire en épisode plus ou moins long entrecoupés de période asymptomatique. Des facteurs comme le stress, la fatigue ou l’anxiété sont à l’origine d’une augmentation d’intensité et de récurrence des tics. Plus la personne souffrant du Syndrome de Gilles de la Tourette est exposée à des contraintes défavorables, plus les mécanismes produisant les tics sont stimulés.
Les tics moteurs
Ils sont toujours présents dans le Syndrome de Gilles de la Tourette. Les tics moteurs proviennent toujours de contractions musculaires involontaires de nature simple ou complexe.
Les tics moteurs simples concernent un seul groupe musculaire. Ils sont reconnaissables par leur caractère soudain, rapide et leur manque de signification particulière. Quelques exemples de tics moteurs simples :
- Secousse de la tête ;
- Mouvement des épaules ;
- Le clignement des yeux ou le roulement des yeux ;
- Des mouvements de la bouche.
Les tics moteurs complexes touchent plusieurs groupements musculaires. Ils sont de nature plus coordonnée avec une complexité bien plus importante. Les tics complexes sont très souvent perçus par les personnes extérieures comme des mouvements volontaires du fait de la signification qu’ils dégagent. Cependant, ces mouvements involontaires complexes sont inadaptés au contexte. Par exemple :
- L’échopraxie : fait d’imiter quelqu’un ;
- Manie de tout toucher et de tout sentir ;
- Besoin d’allumer et d’éteindre les lumières ;
- Gestes obscènes.
Tics sonores
De même que pour tics moteurs, les tics sonores peuvent être simples ou complexes. Les tics sonores simples sont des bruits involontaires tels que :
- Des raclements de gorge ;
- Des reniflements ;
- Des grognements ;
- Des rires involontaires.
Les tics sonores complexes sont dotés d’un sens et correspondent à des segments de phrases ou à la répétition de mots. Il peut s’agir de :
- D’écholalie : fait de répéter les mots d’une tierce-personne ;
- La coprolalie: insulte ou grossièreté involontaire ;
- La palilalie : répétition rapide de syllabes ou de mots.
Le Syndrome de Gilles de la Tourette est particulièrement connu du grand public à cause la coprolalie. Cependant, elle n’est présente que chez environ 20 % des patients SGT.
L’ensemble des tics moteurs et sonores ont tendance à fortement diminuer avec l’âge notamment à partir de la fin de la puberté et le début de l’âge adulte. Avec le temps, les individus atteints de SGT parviennent à mieux contrôler les facteurs déclenchants et les tics eux-mêmes, leur permettant une vie sociale plus aisée.
Troubles comportementaux associés
Le Syndrome de Gilles de la Tourette est défini par les tics moteurs et sonores, mais sa sévérité dépend le plus souvent des troubles comportementaux associés.
Les plus fréquents sont les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Ils sont définis par le fait que l’individu éprouve une idée fixe (obsession) qui va mobiliser l’esprit jusqu’à sa réalisation (compulsion). Ces TOC peuvent concerner la personne elle-même ou être reliés à autrui. Par exemple, une personne peut passer des heures à repositionner un objet ou attendre des autres qu’il répète une phrase jusqu’à ce qu’elle soit parfaite pour lui.
D’autres troubles comportementaux se retrouvent souvent chez les personnes atteintes par le Syndrome de Gilles de la Tourette :
- L’hyperactivité : très fréquente notamment chez les garçons ;
- L’impulsivité ;
- Le manque d’inhibition : pouvant être très handicapant pour la vie sociale ;
- Les déficits de l’attention : source de difficultés scolaires ;
- Des changements d’humeurs brutaux ;
- Des colères et excès de rage : l’enfant perd le contrôle et détruit de nombreux objets. Il ne se souvient plus de l’épisode une fois celui-ci terminé ;
- Des automutilations : l’enfant va se cogner la tête contre les murs, se frapper ou encore se mettre les doigts dans les yeux.
Diagnostic
Le diagnostic du Syndrome de Gilles de la Tourette est seulement clinique, auprès d’un médecin habitué la détection de cette maladie. Du fait de la transmission génétique de la maladie, un interrogatoire de la famille sur d’éventuels autres cas est réalisé. Le médecin s’attarde ensuite sur l’observation des manifestations à savoir les tics moteurs, sonores et aux troubles comportementaux associés. Des critères précis ont été fixés pour le diagnostic du Syndrome de Gilles de la Tourette.
- Plusieurs tics moteurs;
- Au moins un tic sonore;
- Présence des tics plusieurs fois par jour, presque tous les jours ou par intermittence pendant au moins un an, sans intervalle libre de tics pendant plus de trois mois consécutifs ;
- Apparition des tics avant 18 ans ;
- Absence d’autres causes identifiables.
Cependant, d’autres bilans comme par exemple des scanners ou des IRM peuvent être prescrits afin d’éliminer d’autres causes potentielles des troubles neurologiques.
Traitements
A l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement capable de guérir ou de traiter la cause du Syndrome de Gilles de la Tourette. Cependant, il existe de nombreux médicaments pouvant agir sur les tics, mais aussi sur les troubles comportementaux associés. Néanmoins, ces traitements ne sont indiqués que dans les stades modérés à sévères, c’est-à-dire lorsque les tics ou troubles impactent significativement la vie du patient. Les formes mineures ne nécessitent pas de traitement particulier.
Traitement médicamenteux des tics
En fonction de la sévérité des tics et de leurs retentissements sur la vie personnelle et sociale de la personne, il pourra être prescrit :
- Des agonistes alpha-2 adrénergiques : qui sont des molécules stimulantes ressemblant à la noradrénaline (Clonidine, Guanfacine). Cette famille de médicaments est indiquée pour des tics légers ;
- Des neuroleptiques : qui sont des médicaments capables de bloquer le circuit de la dopamine afin de traiter les tics modérés à sévères. Dans le SGT, on utilise souvent l’Halopéridol et la Rispéridone.
Ces traitements ne sont indiqués que pour des formes importantes de SGT du fait des évènements indésirables qu’ils peuvent engendrer tels qu’une fatigue importante, une forte prise de poids, et des états dépressifs.
A savoir ! La prise en charge thérapeutique se base toujours sur la balance bénéfice/risque de la molécule. Si les effets secondaires du traitement sont moins importants que la gêne causée par les tics, alors le traitement est indiqué. Dans le cas contraire, il n’est pas utile d’entraîner des évènements indésirables plus importants que la maladie elle-même au risque d’aggraver inutilement la situation.
Traitement médicamenteux des troubles associés
Si les troubles comportementaux associés prennent une place trop importante dans la vie des patients atteints de SGT, le médecin pourra prescrite différentes molécules en fonction de l’affection :
- Pour les troubles obsessionnels compulsifs (TOC): les antidépresseurs agissant sur la sérotonine (un autre neurotransmetteur) ont prouvé leur efficacité.
- Dans les troubles de l’attention et l’hyperactivité : il est possible d’avoir accès à un traitement par des stimulants tel que la ritaline ou des médicaments agissant sur le circuit de la noradrénaline (amoxétine).
Les approches psychothérapeutiques
Elles viennent très souvent en association avec le traitement médicamenteux ou lorsque celui-ci n’est pas bien supporté par le patient.
Une des pratiques les plus utilisées dans le Syndrome de Gilles de la Tourette est la technique dite de l’inversion d’habitude (habit reversal training – HRT). Elle consiste à apprendre au patient les mouvements antagonistes (i.e contraires ou inverses) du tic. Cette méthode permet d’inhiber la réalisation du tic qu’il soit moteur ou sonore.
Par ailleurs, d’autres méthodes centrées sur la relaxation sont aussi efficaces pour diminuer l’apparition et l’importance des tics.
Le recours aux associations de patients
Certaines associations comme l’Association Française du Syndrome Gilles de la Tourette (AFSGT) jouent un rôle majeur dans l’éducation sur le SGT et l’orientation des patients vers la meilleure prise en charge possible. L’AFSGT propose une écoute adaptée à toutes les problématiques liées à la pathologie via un numéro de téléphone. L’association s’occupe également de manière très active de l’insertion scolaire et de l’information auprès des professeurs pour l’éducation des enfants souffrant de Syndrome Gilles de la Tourette.
Jean C., Pharmacien
– Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) Syndrome Gilles de la Tourette – Haute Autorité de Santé – Mis à jour en octobre 2016
– Le Guide de l’Educateur – Association Française du Syndrome de Gilles de la Tourette – Consulté le 5 Juillet 2017