Octobre Rose : observer sa poitrine, un geste simple qui peut sauver des vies
À l’occasion d’Octobre Rose, le Dr Nicolas Carrabin, chirurgien gynécologique et mammaire à la Clinique Charcot (Sainte-Foy-lès-Lyon), rappelle l’importance de l’autosurveillance. Observation, palpation, dépistage organisé : quels sont les bons gestes, et quelles sont leurs limites ?

Connaître sa poitrine est un moyen simple et accessible pour détecter des anomalies. Dans le cadre d’Octobre Rose, la sensibilisation passe d’abord par l’observation régulière. « L’observation est vraiment primordiale. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut dire aux personnes », souligne le Dr Nicolas Carrabin.
Il s’agit de regarder sa poitrine dans un miroir ou sous la douche, afin de repérer d’éventuelles modifications. Certains signes doivent alerter : « Un mamelon qui se met à rentrer alors qu’il ne le faisait pas, un sein qui change de forme, un œdème qui apparaît, ou encore une bride cutanée, comme si la peau était attirée vers l’intérieur. »
Le spécialiste recommande de comparer l’aspect de la poitrine bras le long du corps puis bras levés : « Le fait de lever les bras peut faire apparaître une zone de peau qui se tire un peu à l’intérieur. Comme si un doigt appuyait sur la poitrine, sauf qu’il n’y a pas de doigt. »
Ces changements justifient une consultation médicale. Ils ne sont pas synonymes de cancer, mais méritent une exploration. « L’observation complète le dépistage organisé. Parfois, malgré le dépistage, certains cancers apparaissent entre deux mammographies. C’est notamment le cas des cancers lobulaires, qui se voient moins bien à l’imagerie mais se révèlent par des déformations du sein. »
Palpation : utile mais pas suffisante
L’autopalpation suscite régulièrement des débats. Si elle peut alerter, elle n’a pas démontré d’efficacité à grande échelle. « Il est difficile de ne pas recommander à quelqu’un de se palper les seins. Pour autant, les études montrent que cela n’a pas amélioré la mortalité par cancer du sein », précise le chirurgien.
Souvent, les femmes sentent naturellement une anomalie. Mais l’idée d’un apprentissage systématique de l’autopalpation a montré ses limites. « Quand on prête attention, on sent souvent des boules. Certaines patientes passent leur vie à consulter parce qu’elles croient sentir une lésion. On leur fait une échographie et on conclut : ce n’est rien. Cela peut devenir anxiogène. »
La densité mammaire accentue ces difficultés. « Chez certaines femmes, les seins sont très difficiles à palper. Il y a toujours des nodules de mastose et il devient difficile de faire la part des choses. »
Le message reste nuancé : « Évidemment, si une boule nouvelle apparaît, il faut consulter. C’est un message qui doit absolument apparaître. » Mais la palpation ne remplace pas la mammographie et ne doit pas être perçue comme une méthode fiable de dépistage.
Mammographie : l’outil indispensable du dépistage
Le point central pour le Dr Carrabin est sans équivoque : « Faites les mammographies. Faites les mammographies, faites les mammographies. » Cet examen reste aujourd’hui le seul à avoir prouvé qu’il réduisait la mortalité par cancer du sein.
Proposé tous les deux ans aux femmes de 50 à 74 ans, il doit être réalisé sans retard. « Ce rythme de deux ans est vraiment un maximum. Il vaut mieux la faire entre 18 et 24 mois plutôt qu’après 24 mois. » Même si la France recommande ce cadre, certaines institutions, notamment européennes, préconisent de commencer plus tôt, dès 45 ans voire 40 ans.
Chez les femmes plus jeunes, l’échographie peut compléter le suivi, en particulier en cas de seins denses ou d’antécédents.
L’enjeu est d’autant plus important que certains cancers échappent encore au dépistage. « On parle des cancers d’intervalle, diagnostiqués entre deux mammographies. » D’où l’importance de rester vigilante aux signes visibles, même entre deux examens.
Pourquoi certaines femmes négligent encore le dépistage ?
Malgré des campagnes répétées, la participation au dépistage reste incomplète. Pour le Dr Carrabin, la première explication est simple : « C’est la négligence. Les patientes savent qu’il faut le faire, mais elles avaient autre chose à penser. »
Une minorité de femmes exprime aussi des craintes. « Certaines redoutent les rayons, alors qu’on sait que ce risque est extrêmement faible. D’autres redoutent les faux positifs, craignant qu’on détecte des cancers qui n’auraient jamais eu de conséquences. Mais les preuves sont très claires : la mammographie diminue la mortalité, et les femmes vivent plus longtemps grâce au dépistage. »
Dans ce contexte, Octobre Rose conserve tout son sens. « Ces actions peuvent provoquer un électrochoc, surtout grâce aux témoignages de patientes qui expliquent que la mammographie leur a sauvé la vie. »
Vers un dépistage plus personnalisé ?
Au-delà du dépistage organisé, la recherche explore des pistes pour mieux cibler les femmes à risque. « On sait que tout le monde n’a pas le même risque de cancer du sein. Des études portent sur des analyses de salive, la densité mammaire ou les antécédents, afin d’identifier les femmes plus exposées », indique le Dr Carrabin.
Ces outils pourraient permettre, dans l’avenir, d’adapter la fréquence des examens selon le profil de chacune. « Ce n’est pas encore prouvé, mais cela pourrait être une avancée intéressante dans les années à venir. »
Messages clés d’Octobre Rose
En conclusion, le Dr Carrabin résume ses priorités : « Il faut insister sur l’observation de la poitrine. La palpation, il ne faut pas trop insister dessus, car ce n’est pas assez clair. Mais surtout, il faut absolument insister sur la mammographie. »
Autrement dit : apprendre à regarder sa poitrine, consulter au moindre doute, et participer sans attendre au dépistage organisé. Car détecter un cancer tôt, c’est la meilleure garantie de guérison et de traitements plus légers.
Cet article vous a-t-il été utile ?