Un petit mensonge en entraîne un gros

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Rédigé par Estelle B. et publié le 9 décembre 2016

mensonge : nez de Pinocchio

Qui n’a jamais menti, ne serait-ce qu’une fois ? Oh juste un petit mensonge pour la bonne cause, se rassure-t-on souvent… mais comment être certain qu’un premier mensonge n’est pas le début d’une longue série ? Plongeons-nous dans l’univers obscur du mensonge …

Mensonge ou vérité ?

Dès le plus jeune âge (vers 3 ans), les enfants sont intellectuellement capables de mentir, c’est-à-dire de masquer ou de détourner la vérité. Les adultes qui les entourent sont-ils capables de distinguer quand un enfant ment ? Une récente étude s’est penchée sur cette question fondamentale. En effet, les adultes doivent discerner la vérité du mensonge chez l’enfant dans maintes situations (à l’école, à la maison, en cas de maltraitance, etc.).

Tout d’abord, l’étude s’est intéressée aux parents des enfants. Un groupe de 250 parents d’enfants âgés de 3 à 11 ans a participé à l’étude. Les enfants ont été soumis à la tentation de pratiquer un jeu interdit. Parallèlement, on a demandé aux parents de prédire si leur enfant va ou non succomber à la tentation. Puis l’enfant, dans une vidéo diffusée aux parents, indique s’il a ou non fait le jeu. Près de 60% des parents sont capables d’évaluer si leur enfant va être tenté par l’interdit. Plus l’enfant grandit, plus les parents ont du mal à prédire le comportement de leur enfant. Dans tous les cas, les parents montrent une forte tendance à croire en la sincérité de leur enfant.

Et pour les autres adultes de l’entourage ? Au travers de 45 expériences, 7 893 adultes ont jugé 1 858 enfants. En moyenne, les adultes sont capables de détecter le mensonge dans seulement 54% des cas. A peu près comme s’ils avaient misé statistiquement une chance sur deux sur le mensonge. Les professionnels de la petite enfance s’avèrent être les adultes les plus aptes à déceler le mensonge des enfants. Nous sommes donc des menteurs potentiels dès la petite enfance et déjà tout à fait capables de berner la plupart des adultes. Que devient cette aptitude à l’âge adulte ?

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L’escalade du mensonge

Dans le monde des adultes, le mensonge s’immisce dans tous les domaines, la finance, la politique, mais aussi au quotidien dans les relations personnelles et professionnelles. Interrogés sur le mensonge, la plupart d’entre nous le perçoivent comme un acte négatif et décrivent une sensation de malaise lorsqu’ils mentent. Pourtant, diverses études comportementales ont mis en évidence que plus on ment à des fins personnelles, plus le mensonge est important. Comment expliquer une telle escalade dans le mensonge ?

Une récente étude a entrepris de comprendre les mécanismes cérébraux liés à l’amplification progressive des mensonges. Les chercheurs ont analysé des images cérébrales (obtenues par imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle) et des questionnaires sur le comportement mensonger. L’action de mensonge fait intervenir plusieurs structures cérébrales, et en particulier les amygdales.

À savoir ! Les amygdales cérébrales sont deux petites structures localisées dans le cerveau et étroitement connectées avec d’autres structures cérébrales. Les amygdales sont impliquées dans notre capacité à ressentir nos propres émotions et celles des autres. Il ne faut surtout pas les confondre avec les amygdales de la sphère ORL, qui sont des ganglions lymphatiques impliqués dans les mécanismes de défense de l’organisme.

Plus une personne ment, plus le signal correspondant dans les amygdales diminue. La répétition des mensonges réduirait ainsi la réponse émotionnelle négative liée au mensonge. Se sentant moins mal à l’aise et coupable, le menteur ment de plus en plus. Mais ce mécanisme dépend fortement de l’intérêt et de la motivation à mentir. Mentir pour le bien d’autrui apparaît d’emblée moralement plus acceptable et diminue donc peu la réponse des amygdales. En revanche, mentir pour son propre intérêt réduit fortement le signal des amygdales. L’escalade des mensonges ne s’applique donc qu’aux mensonges liés à un intérêt personnel.

Dans cette étude, le mensonge est analysé uniquement du point de vue du menteur. Dans le monde réel, l’impact de nos mensonges sur notre entourage et sur la société (les réactions des autres, une punition, une réprimande, une contravention, etc.) permet le plus souvent d’enrayer l’escalade du mensonge. Attention cependant aux petits mensonges qui n’ont l’air de rien, ils pourraient très vite se transformer en une réelle malhonnêteté

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Estelle B., Docteur en Pharmacie


Sources
– Talwar, V. et al. Detecting children’s lies: Are parents accurate judges of their own children’s lies? 2015. Journal of Moral Education 44.
– Garrett, N. et al. The brain adapts to dishonesty.