Le rôle clef des neurones dans la dépendance aux drogues

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Rédigé par Julie P. et publié le 18 mars 2018

Selon le dernier rapport de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT), le nombre de consommateurs de cocaïne en France à presque quadruplé depuis les années 2000 passant de 0,3 % de la population des 18-64 ans à 1,1 %. Pour faire face à cet enjeu de santé public des addictions aux substances, la prévention est indispensable tout comme la Recherche visant à identifier les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans la dépendance aux drogues. Récemment, une étude portant sur des souris montre que cette sensibilité à la cocaïne serait directement liée à la faculté de notre cerveau à produire de nouveaux neurones.

Addictions drogues

Moins de neurogenèse, plus de dépendance

On savait déjà qu’un défaut de neurogenèse (formation de nouveaux neurones) au niveau de l’hippocampe entrainait des troubles neuropsychiatriques et une prédisposition à devenir toxicomane.

Cette même équipe de chercheurs avait également montré que la prise de drogues diminuait la production et la survie des nouveaux neurones de l’hippocampe.

À savoir ! L’hippocampe est une structure présente dans chaque hémisphère cérébral et située en profondeur dans le cerveau. Il joue un rôle important dans la mémoire, l’inhibition du comportement et dans le repérage spatial. Il comprend le gyrus dentelé, qui présente la particularité de produire de nouveaux neurones chez l’adulte. Une neurogenèse anormale est corrélée à l’apparition des troubles de la mémoire ou de l’humeur.

Pour aller plus loin sur cette piste reliant neurogenèse et addiction aux substances, les chercheurs du Neurocentre Magendie de l’Université de Bordeaux, supervisés par Nora Abrous et le Professeur Pier-Vincenzo Piazza, ont comparé le comportement de deux groupes de souris adultes dépendantes à la cocaïne.

À savoir ! La cocaïne est extraite des feuilles de cocaïer, un arbuste cultivé en Amérique du Sud. Elle est d’abord transformée en pâte puis en poudre. Cette drogue illicite, la deuxième consommée en France après le cannabis, a une action fortement psychostimulante sur l’organisme en entraînant une euphorie et une exaltation de l’humeur, ou encore une impression de grande efficience physique et mentale. La cocaïne peut provoquer, seule ou avec d’autres produits, une mort violente par surdose.

Le premier groupe était composé de souris normales tandis que le deuxième rassemblait des souris génétiquement modifiés pour présenter une déficience dans leur neurogenèse hippocampique.

Progressivement, les deux groupes de souris ont été entraînées à s’auto-administrer de la cocaïne.  En introduisant leur nez dans un orifice, elles déclenchaient un système automatique de diffusion de cocaïne par voie intraveineuse.

Cependant, avant d’obtenir une certaine quantité de cocaïne, les souris devaient fournir un ensemble de mouvements de leur museau dans le trou. Au fil de l’expérience, les souris devaient fournir encore plus d’énergie pour pouvoir obtenir une quantité similaire de drogue. Cette « contrainte physique » permet notamment aux chercheurs d’évaluer le niveau de motivation- et de dépendance- des souris pour obtenir leur dose de cocaïne.

A l’issue de l’expérience, les chercheurs se sont rendu compte que les souris dont la neurogenèse hippocampique dysfonctionnait montraient une plus grande motivation pour avoir de la cocaïne comparativement aux souris normales.

Ensuite, en sevrant les souris pendant plusieurs semaines puis en les exposant de nouveau au dispositif d’auto administration de drogue, les chercheurs ont constaté que les souris transgéniques avaient une susceptibilité à la rechute plus grande que les autres souris.

Pour les chercheurs, ces observations, parues notamment dans la revue Molecular Psychiatry, sont très concluantes et montrent que la neurogenèse hippocampique est un facteur clé dans la vulnérabilité à l’addiction.

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Mieux comprendre la pharmacodépendance

Si ces résultats sont confirmés chez l’homme, ces recherches ouvrent de nouvelles voies pour :

  • Déterminer la susceptibilité individuelle à la dépendance aux drogues en la corrélant avec les capacités de neurogenèse de l’hippocampe ;
  • Identifier éventuellement des biomarqueurs relatifs à la neurogenèse de l’hippocampe :
  • Mettre en place de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à stimuler la neurogenèse au niveau de l’hippocampe ;
  • Mieux comprendre les conduites addictives chez les adolescents.

Cette découverte permet, en effet, de porter un autre regard sur les conduites addictives des plus jeunes en mettant en avant leur vulnérabilité accrue compte tenu de leur physiologie cérébrale particulière à ce moment de leur vie.

« L’adolescence, période d’initiation à la consommation de drogues, est une étape de maturation du cerveau importante, caractérisée en particulier par une production de neurones extrêmement intense dans le gyrus dentelé. La prise de drogue, en diminuant la production de ces neurones, rendraient les adolescents plus addicts et plus vulnérables à la rechute lors de tentatives de sevrage » rapporte Nora Abrous dans un communiqué de presse de l’INSERM.

Prochaine étape pour les chercheurs : modifier les nouveaux neurones hippocampiques de souris dépendantes à la drogue afin de diminuer leur dépendance et leur taux de rechute après sevrage.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Vulnérabilité à l’addiction : une mauvaise production des nouveaux neurones en cause. inserm. Consulté le 16 mars 2018.
– Substances psychoactives, usagers et marchés : les tendances récentes (2016-2017). ofdt.fr. Consulté le 16 mars 2018.
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