Le fait pour une femme enceinte d’appartenir au facteur Rhésus négatif (RH-) et de porter un fœtus Rhésus positif (RH+) peut avoir des conséquences dramatiques pour ce dernier. Heureusement, la prise en charge est bien codifiée pour éviter les accidents liés à cette incompatibilité de Rhésus mère-fœtus encore appelée allo-immunisation sanguine fœto-maternelle.
Rappel sur le système Rhésus
Les groupes sanguins sont classifiés selon les systèmes ABO et Rhésus :
- Le système ABO détermine 4 groupes (A, B, O ou AB) selon la présence ou l’absence de certains antigènes à la surface des globules rouges ;
- Le système Rhésus dépend lui de la présence (RH+) ou l’absence (RH-) de l’antigène D (ou RhD) sur ces mêmes globules rouges.
La combinaison de ces 2 systèmes détermine les 8 groupes sanguins.
A savoir ! Les personnes RH- représentent 15 % de la population générale.
Causes et conséquences de l’incompatibilité Rhésus materno-fœtale
Pour les transfusions sanguines, les systèmes ABO et Rhésus sont tous les 2 pris en compte afin d’éviter les incompatibilités. En ce qui concerne les femmes enceintes, seul le système Rhésus intervient : le problème se pose pour les futures mamans Rh- (elles n’ont pas d’antigène) portant un fœtus Rh+, possédant l’antigène (hérité d’un père Rh+). Dans certains cas, la mère va fabriquer des anticorps dirigés contre l’antigène RhD. Ces anticorps vont « attaquer » les hématies (ou globules rouges) du fœtus porteuses de l’antigène RhD.
Comment la mère s’immunise-t-elle contre l’antigène RhD ?
Lors de la grossesse, les systèmes sanguins de la mère et du futur bébé sont bien séparés. Les échanges se font via un organe temporaire dédié à la grossesse : le placenta. Cependant, parfois, le sang de la mère Rh- et du fœtus Rh+ vont se retrouver en contact, provoquant une immunisation de la femme contre l’antigène RhD.
A savoir ! L’immunisation se définit comme le processus immunitaire déclenché contre un organisme reconnu comme étranger. Elle consiste essentiellement en la fabrication d’anticorps par les globules blancs. Ces anticorps vont ensuite neutraliser l’organisme étranger. Ce phénomène est utilisé dans la vaccination. L’injection de virus ou bactéries tués ou inactivés permet au système immunitaire de « se préparer » contre une éventuelle infection.
Ce passage de globules rouges fœtaux dans la circulation sanguine maternelle responsable de l’immunisation a lieu au cours de différents accidents provoquant une hémorragie materno-fœtale comme des décollements placentaires, des fausse-couches, des grossesses extra-utérine ou un traumatisme abdominal. Des manœuvres médicales telles qu’une IVG ou une amniocentèse peuvent également entrer en ligne de compte. Enfin, l’accouchement est un moment de possible mélange des sangs fœtal et maternel.
S’il n’y a pas de risque pour la première grossesse (les anticorps sont produits en fin de grossesse et ne présentent pas de risque), l’immunisation de la mère va poser problème pour les grossesses ultérieures, en cas de fœtus Rh+ ; les anticorps anti-RhD réactivés de la mère peuvent alors traverser le placenta et détruire les globules rouges du fœtus.
Conséquences sur le fœtus et le nouveau-né
Cette destruction provoque une anémie (diminution du nombre d’hématies) hémolytique qui peut conduire à une anasarque (œdème généralisé) et à la mort.
Après la naissance, la destruction des globules rouges du bébé perdure conduisant à un ictère (jaunisse) avec risque de séquelles neurologiques et/ou de décès.
Le traitement consiste en des transfusions fœtales in utero (via le cordon ombilical). En cas de terme proche, une césarienne peut être décidée.
Le nouveau-né atteint sera traité par transfusion et/ou photothérapie pour l’ictère.
A savoir ! La photothérapie repose sur l’exposition du nouveau-né à une lumière bleue. Cette lumière va permettre de convertir la bilirubine, un déchet toxique de la destruction des hématies, responsable de l’ictère, en composés hydrosolubles éliminés par les reins.
L’exsanguino-transfusion est également une option. Il s’agit du remplacement de la plus grande partie du sang du bébé malade par le sang d’un donneur compatible. Cet échange ne se fait pas brutalement, mais par fractions successives. On y a recours en cas de troubles neurologiques (pour une baisse rapide de la bilirubine) et pour éliminer les anticorps de la mère encore présents.
Prise en charge de la grossesse d’une femme Rhésus négatif
La prise en charge va viser à éviter l’immunisation de la maman lors des grossesses ou à la détecter le plus rapidement possible pour surveiller l’apparition d’une anémie fœtale.
Afin de prévenir l’incompatibilité Rhésus, le groupe sanguin de toute femme enceinte est déterminé au début de la grossesse.
A savoir ! Si les futurs parents sont tous les deux Rh-, le fœtus sera Rh- et ne court donc aucun risque.
Pour les futures mamans Rh-, on va procéder :
- À une recherche du Rhésus du fœtus à 12 semaines (confirmation à 20) de grossesse. Si le bébé est Rh-, il n’y a pas de risque d’incompatibilité. Ce test s’effectue par un simple prélèvement sanguin sur la future mère et est remboursé par l’assurance maladie depuis juillet 2017 ;
- À la recherche d’agglutinines irrégulières (c’est-à-dire les anticorps anti-RhD), à la date de la déclaration de la grossesse, puis, si le fœtus est Rh+ au 6ème, 8ème, 9ème mois et lors de l’accouchement. Le taux d’agglutinines est un reflet de l’immunisation de la mère, et de son intensité ;
- À l’injection systématique d’un sérum anti-rhésus dans les 72 heures après chaque accouchement, fausse couche ou situation à risque. Ce sérum neutralise les éventuels globules rouges du fœtus passés dans le sang maternel et évite ainsi l’immunisation de la maman.
En cas d’augmentation du taux d’agglutinines, la surveillance du fœtus est renforcée avec une échographie toutes les semaines. Grâce au doppler, on recherche alors une augmentation du flux artériel cérébral fœtal traduisant une anémie.
Isabelle V., journaliste scientifique