Est-il possible de récupérer nos souvenirs d’enfance (premiers mois ou premières années de vie) ? Pour répondre à cette question, des chercheurs de l’université de Toronto ont réalisé des expériences sur des souris, victimes d’amnésie. Étonnamment, ils ont découvert que les souvenirs pouvaient être réactivés. Lumière sur cette étonnante découverte !
Une mémoire effacée ou une mémoire enfouie ?
Précédemment, l’équipe de chercheurs, encadrée par Paul Frankland de l’Institut Sick kids affilié à l’université de Toronto, avait découvert que des niveaux élevés de neurogenèse (formation de neurones) dans l’hippocampe contribuaient à accélérer l’oubli des souvenirs de la petite enfance.
À savoir ! L’hippocampe est une structure paire du cerveau des mammifères jouant un rôle clef dans la mémoire et la navigation spatiale. C’est une des premières structures atteintes dans la maladie d’Alzheimer entrainant ainsi des problèmes de mémoire et d’orientation. Comme il est le siège de la production de nouveaux neurones tout au long de la vie, il joue un rôle critique dans la mémoire des événements (mémoire explicite). La mémoire implicite (mémoire de savoir-faire ou procédurale) dépend, quant à elle, d’autres structures du cerveau.
Pour compléter cette découverte, les chercheurs ont voulu comprendre si cette mémoire de l’enfance était effacée de manière permanente (on parlera de défaut de stockage) ou si elle devenait progressivement inaccessible avec le temps (on parlera d’échec de récupération).
Pour commencer, ils ont placé des souris jeunes et adultes dans une boite dans laquelle elles recevaient une stimulation électrique au niveau du pied.
En les replaçant dans ces mêmes conditions, de 1 jour à 3 mois plus tard, ils se sont aperçus que les souris adultes n’avaientaucun problème à se souvenir de l’événement douloureux (en exprimant de la peur) tandis que les plus jeunes avaient finalement oublié le stimulus désagréable.
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Raviver les souvenirs d’enfance grâce à la stimulation des neurones
Pour aller plus loin et comprendre les mécanismes neuronaux sous-jacents à cette mémoire, les chercheurs ont utilisé l’optogénétique, une technologie invasive datant d’une dizaine d’années et permettant de stimuler des neurones spécifiques par la lumière. En parallèle, les neurones ciblés sont modifiés génétiquement pour devenir sensibles à la lumière bleue et s’activer quand ils sont éclairés.
Avec cette technique, et toujours sur les mêmes souris, les neuroscientifiques ont activé les neurones impliqués dans la mémoire au niveau de l’hippocampe.
Leurs observations ?
En activant ces neurones, ils se sont aperçus que les jeunes souris se sont finalement rappelées de la stimulation au pied et ont exprimé de la peur une fois placées dans la boîte.
La récupération de leur mémoire a été observée jusqu’à 3 mois après la stimulation.
Pour les chercheurs, le fait de ne pas se souvenir des premiers moments de vie s’explique par les additions successives de nouveaux neurones (neurogenèse) dans les circuits de l’hippocampe pendant la croissance. Cet ajout successif vient finalement enfouir les premiers souvenirs.
Finalement, les souvenirs n’ont pas disparu, comme on le croyait jusqu’ici, mais ils sont juste enfouis.
Comprendre le fonctionnement de ces processus fondamentaux est essentiel pour développer des stratégies de traitement plus efficaces pour les patients âgés, pour ceux souffrant de la maladie d’Alzheimer, ou encore pour ceux ayant subi un traumatisme physique ou psychique.
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Julie P., Journaliste scientifique