Stress et grossesse ne feraient pas bon ménage à en croire de nombreuses études relatant les conséquences cognitives, comportementales et physiques du stress maternel sur le fœtus. De surcroît, des chercheurs de l’INSERM viennent de publier pour la première fois des résultats indiquant que le stress in utero pourrait impacter la longévité.
Le stress maternel prénatal
La plupart des femmes enceintes savent que le tabac et l’alcool peuvent avoir des conséquences néfastes sur le fœtus. Mais elles ignorent généralement que le stress maternel peut également avoir des séquelles durables sur l’enfant, notamment sur son état de santé et son développement cognitif.
Le stress chronique, par exemple des problèmes familiaux, et le stress aigu, comme un décès de proche, entraînent des conséquences parfois importantes sur la femme enceinte et le fœtus. Mais les effets du stress sont très variables d’une personne à l’autre, en raison de notre perception individuelle d’un événement stressant. Ainsi, les spécialistes considèrent deux types de stress :
- Le stress objectif correspond à une quantité mesurable d’épreuves difficiles, fonction de l’intensité et de la durée de l’évènement stressant ;
- Le stress subjectif quantifie la réaction individuelle au stress, grâce à des questionnaires d’évaluation.
Certaines études ont mis en évidence que le stress objectif nuit davantage au fœtus que le stress subjectif.
Le stress stimule le cerveau, qui s’adapte en déclenchant une réponse physiologique et comportementale. Les glandes surrénales libèrent alors des corticoïdes (essentiellement du cortisol) dans le sang. Ainsi, le stress maternel prénatal est associé à des taux accrus de cortisol maternel. Les chercheurs pensent que cette hormone serait à l’origine des conséquences du stress prénatal sur le fœtus.
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Stress prénatal et conséquences sur le fœtus
Mais quelles sont ces conséquences ? Tout d’abord, elles dépendent du moment de la grossesse où survient le stress prénatal. De récents travaux montrent que les deux premiers trimestres de grossesse sont les périodes les plus sensibles, avec deux moments critiques :
- La 10ème semaine de grossesse, lorsque le cerveau fœtal produit près de 250 000 neurones par minute ;
- Entre les semaines 24 et 30, lorsque les connexions entre les neurones se multiplient.
Concrètement, l’exposition in utero au stress maternel peut influencer le développement cognitif, comportemental et physique des enfants, avec les conséquences potentielles suivantes :
- Un risque accru de troubles de la santé mentale (autisme, schizophrénie, dépression) ;
- Des troubles cognitifs durant l’enfance ;
- Des troubles de l’attention, une réactivité accrue à la peur et des comportements agressifs ;
- Un risque accru de complications obstétricales, de faible poids à la naissance et de retard de développement physique.
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Une longévité impactée
Dans ce contexte, une récente étude française s’est penchée sur l’impact du stress maternel prénatal sur la longévité des enfants. Les chercheurs ont étudié une cohorte de 90 000 enfants, nés entre 1914 et 1916, et tous décédés depuis. Parmi ces enfants, 2 651 étaient pupilles de la Nation, après avoir perdu leur père au combat. Ils ont comparé les longévités respectives de ces orphelins de guerre avec des enfants témoins, nés en même temps, dans la même commune et d’une mère d’âge comparable.
Les résultats montrent que la durée de vie des enfants dont le père est décédé après leur naissance était égale à celle des enfants témoins. En revanche, les enfants ayant perdu leur père avant même leur naissance ont eu une durée de vie écourtée en moyenne de 2,4 ans, voire de 4 ans si ce décès avait eu lieu au dernier trimestre de grossesse.
Pour la première fois, cette étude relie le stress maternel prénatal à une diminution de la longévité. Les auteurs de l’étude impliquent le cortisol, qui contrôle à la fois différentes étapes du développement fœtal, mais aussi qui est impliqué dans la réponse de l’organisme au stress. Même dans le ventre maternel, le stress serait décidément bien nocif…
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Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Prenatal loss of father during World War One is predictive of a reduced lifespan in adulthood. PNAS 114(16). Todd, Nicolas and al. 2017.