Selon une étude de 2015, le suicide serait devenu la première cause de mortalité chez les enfants et les adolescents de 10 à 19 ans. Quels sont les facteurs qui influencent les conduites suicidaires chez les enfants ? Cette réponse est essentielle pour mieux prévenir le suicide des plus jeunes. Selon une étude américaine, les croyances religieuses ou spirituelles des parents pourraient être l’un de ces facteurs.
Risque de suicide et croyances religieuses
La prévention du suicide chez les enfants et les adolescents est un enjeu majeur de santé publique. Quels sont les facteurs qui influencent directement ou indirectement les conduites suicidaires dans cette catégorie de population ? La réponse à cette question est déterminante pour établir des stratégies préventives efficaces et ciblées.
Dans ce contexte, une étude américaine s’est penchée sur l’influence des croyances religieuses ou spirituelles des parents sur le risque de suicide chez les enfants. Jusque-là, les études ayant porté sur le lien entre spiritualité et risque de suicide s’étaient presque uniquement focalisées sur les croyances des enfants eux-mêmes et pas sur celles de leurs parents.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont suivi une cohorte de trois générations pendant 30 ans. La génération 1 (les grands-parents) regroupait des adultes dépressifs. La génération 2 (les parents) présentait un risque plus élevé de dépression majeure, en raison de leurs antécédents familiaux. La génération 3 (les enfants) a inclus 214 enfants et adolescents, âgés de 6 à 18 ans, et d’origine caucasienne. Les deux tiers de ces enfants vivaient dans des familles considérées comme à haut risque de dépression.
Religiosité contre comportement suicidaire
Sur l’ensemble des enfants de la génération 3, environ 85 % ont déclaré appartenir à une famille de confession chrétienne (59 % de catholiques et 26 % de protestants). Environ 25 % des enfants ont indiqué que la religion occupait une place importante dans leur vie, un chiffre qui s’élevait à 45 % chez les parents de la génération 2.
En ajustant les données recueillies sur différents paramètres (âge, sexe, statut dépressif familial), les chercheurs ont observé que le risque suicidaire chez les jeunes filles était significativement moins important chez celles pour lesquelles la religion occupait une place importante. Un tel lien n’a pas été mis en évidence chez les garçons. Cet impact des croyances religieuses sur le risque suicidaire était particulièrement renforcé, lorsque la religion était importante pour les parents. Ainsi, le risque de comportement suicidaire chutait de 80 % chez les enfants dont les parents déclaraient accorder une place importante à la religion.
La religion pourrait-elle alors protéger contre le risque suicidaire ? Pas vraiment selon les auteurs de l’étude. Selon eux, la pratique même d’une religion n’entrerait pas en jeu dans ces résultats, mais la spiritualité apporterait aux parents une force et des convictions, qui structureraient la vie de la famille et pourraient protéger les enfants des conduites suicidaires.
Une question à aborder par le médecin
Les différences observées entre les garçons et les filles restent inexpliquées pour les auteurs de l’étude, mais concordantes avec de précédentes études, qui montraient que les filles sont d’une manière générale plus influencées par les croyances de leurs parents que les garçons.
Au final, plus les croyances religieuses des parents sont fortes, plus le risque suicidaire chez les enfants est réduit, et ce quelles que soient les propres croyances des enfants. Il faut noter que cette étude ne porte que sur les religions chrétiennes et que des études sur d’autres croyances spirituelles pourraient être intéressantes à mener pour évaluer leur influence sur le risque de suicide.
En conclusion, ces résultats pourraient inciter les médecins à aborder les croyances religieuses, lorsqu’ils prennent en charge un enfant avec des conduites suicidaires. Même si ces questions, très personnelles, sont souvent exclues des entretiens médicaux, elles pourraient s’avérer très utiles pour évaluer le risque suicidaire et ainsi mieux prendre en charge ces enfants.
Estelle B. / Docteur en Pharmacie