Selon une étude du Forum économique mondial, les médicaments contrefaits génèrent 120 à 160 milliards d’euros chaque année. Ce montant, qui a triplé en l’espace de 5 ans, représente 10 à 15 % du marché pharmaceutique mondial. Où sont fabriqués et distribués ces faux médicaments ? Quelles sont les moyens existants pour lutter contre ce trafic ?
Une fabrication et une distribution à la portée de tous
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un médicament sur 10 est une contrefaçon mais ce ratio peut atteindre 7 sur 10 en Afrique où plus de 100 000 personnes meurent chaque année à cause de ce trafic.
Ces produits falsifiés sont notamment :
- Des vaccins, antirétroviraux et produits de diagnostic in-vitro ;
- Des antipaludéens et des antibiotiques comptant parmi les produits les plus falsifiés ;
- Des médicaments princeps, des médicaments génériques, des produits très coûteux contre le cancer et le traitement de la douleur.
À savoir ! Selon l’OMS, « les produits médicaux falsifiés sont des produits médicaux dont l’identité, la composition ou la source est représentée de façon trompeuse, que ce soit délibérément ou frauduleusement. »
Comme le souligne le Professeur Marc Gentilini, spécialiste français des maladies infectieuses et tropicales dans le Quotidien du Médecin : « Pour vendre des faux médicaments, il faut avoir une clientèle, or les malades pauvres sont plus nombreux sur le continent africain que partout ailleurs dans le monde ».
Ce commerce illégal, qui commence souvent dans des laboratoires clandestins en Inde, en Chine, en Europe de l’Est, est très lucratif et même plus rentable que celui de la drogue. Selon l’OMS, la disponibilité des presses à comprimés, des fours et des matières premières, comme du matériel de conditionnement, facilite la mise en place de structures clandestines de fabrication.
« Un investissement de 1000 dollars peut rapporter jusqu’à 500000 dollars alors que pour le même investissement, le trafic d’héroïne rapporte 20000 dollars » affirme Geoffroy Bessaud, directeur de la coordination anti-contrefaçon de l’entreprise pharmaceutique Sanofi.
Au final, ces produits falsifiés atterrissent sur les marchés, sur des sites Internet non règlementés et même, dans certaines pharmacies ou dispensaires.
En dépit des efforts d’Interpol, des groupes pharmaceutiques ou des autorités locales africaines, le trafic est difficilement ralenti et échappe, dans sa majorité, au contrôle.
Sans oublier qu’Internet facilite grandement la vente des médicaments contrefaits et qu’aujourd’hui, même l’Europe et l’Amérique du Nord, sont touchés par ce trafic.
Néanmoins, les plus vulnérables restent les pays les plus pauvres.
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Prendre davantage en compte la nocivité de ce marché
Selon l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (Iracm) localisé à Paris, le business des faux médicaments reste encore impuni car il est seulement appréhendé comme un délit de violation de propriétés intellectuelles et non pas comme un réseau lucratif qui est à l’origine de centaines de milliers de morts par an.
Un médicament falsifié peut entraîner un décès pour plusieurs raisons :
- Il n’agit aucunement contre la maladie qu’il est sensé combattre ;
- Il contient des principes actifs défectueux et entrainant des effets secondaires ;
- Il renferme des bactéries ou autres microorganismes compte tenu des conditions sanitaires de sa fabrication.
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Les moyens mis en œuvre pour lutter contre les faux médicaments
Dès 2013, l’OMS a lancé le système mondial de surveillance et de suivi des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés permettant :
- D’établir des liens entre les incidents survenus dans différents pays et régions et d’émettre des alertes OMS ;
- D’intervenir localement pour une assistance technique en cas d’urgence ;
- De recueillir des informations pour déterminer les vulnérabilités, les déficiences et les tendances du marché.
Au total, 20 alertes mondiales sur des produits médicaux ont été émises et une centaine d’assistances techniques ont été mises en œuvre.
Récemment, un rapport de la Commission européenne montre que 22 pays ont durci leur réglementation en faisant de la falsification de médicaments une infraction passible de 15 ans de prison.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés – www.who.int. Janvier 2018.