Un utérus artificiel pour les grands prématurés ?!

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Rédigé par Estelle B. et publié le 15 mai 2017

Innovation Chaque année, entre 50 000 et 60 000 enfants naissent prématurément en France. Leur prise en charge s’est considérablement améliorée, mais la grande prématurité expose toujours à une possible mortalité et à des séquelles importantes. Récemment, des chercheurs ont mis au point un utérus artificiel, capable d’accueillir un fœtus d’agneau. Une innovation spectaculaire, qui pourrait un jour être utilisée pour les très grands prématurés.

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La prématurité

Un enfant est considéré comme prématuré, s’il naît avant 8 mois et demi de grossesse, soit avant 37 semaines d’aménorrhée, le terme de la grossesse étant défini à 41 semaines d’aménorrhée. Les spécialistes distinguent trois niveaux de prématurité :

  • La prématurité moyenne pour les enfants nés entre 32 et 36 semaines d’aménorrhée (soit 7 à 8 mois de grossesse) (85 % des cas) ;
  • La grande prématurité pour les naissances survenant entre 28 et 32 semaines d’aménorrhée (soit 6 à 7 mois de grossesse) (10 % des cas) ;
  • La très grande prématurité pour les enfants nés avant 28 semaines, soit avant 6 mois de grossesse (5 % des cas).

Avant 23 semaines d’aménorrhée, aucun enfant n’a survécu à ce jour.

Deux grands types de contextes peuvent être à l’origine d’une naissance prématurée :

  • Des contractions précoces ou une rupture prématurée des membranes ;
  • Un risque vital pour la mère ou le fœtus imposant une naissance prématurée (retard de croissance du fœtus, hypertension artérielle sévère de la mère, hémorragie maternelle, infections graves, anomalies de l’utérus ou du placenta, …).

La naissance prématurée entraîne une interruption du développement du fœtus dans l’utérus. Ses organes sont constitués, mais ils ne sont pas encore fonctionnels et prêts pour la vie extra-utérine. Quatre organes sont principalement concernés par cette immaturité :

  • Le système nerveux central, surtout avant 32 semaines d’aménorrhée ;
  • Les poumons, notamment l’absence de surfactant (substance qui tapisse les alvéoles pulmonaires et assure leur bon fonctionnement) avant 32 semaines d’aménorrhée ;
  • Le cœur, en particulier le système de contrôle du rythme cardiaque et la persistance du canal artériel (communication entre l’aorte et l’artère pulmonaire qui se referme définitivement à la naissance) ;
  • L’appareil digestif avec une absence du réflexe de succion et une mauvaise coordination de la déglutition et de la respiration, avant 34 semaines d’aménorrhée.

D’autres organes peuvent être touchés, notamment le foie ou les reins. Le système immunitaire est également immature.

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Un utérus artificiel mis au point sur l’agneau

Grâce aux progrès des techniques médicales et de la réanimation, la mortalité des enfants prématurés a considérablement reculé depuis quelques décennies. Mais leur parcours de soins reste souvent long et complexe, en fonction de leur stade de prématurité. Le séjour en couveuse demeure un passage obligé, pour protéger l’enfant du monde extérieur et le maintenir dans un environnement le plus proche possible du milieu utérin.

Au-delà de la couveuse, l’idéal serait de concevoir un utérus artificiel, qui reproduirait à l’identique l’environnement du fœtus dans l’utérus maternel. Des chercheurs américains viennent de publier des travaux surprenants dans ce domaine.

Ces chercheurs ont mis au point un utérus artificiel, constitué d’une poche en plastique remplie d’un fluide comparable au liquide amniotique dans lequel baigne le fœtus et munie d’un système d’alimentation en oxygène directement relié au cordon ombilical du fœtus. Des accès stériles permettent d’alimenter le fœtus, de lui administrer des médicaments, de réaliser des soins ou d’effectuer des prélèvements. Pour tester leur nouveau dispositif, les chercheurs ont placé à l’intérieur un fœtus d’agneau, qui a pu se développer dans cet utérus artificiel durant quatre semaines.

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Une transposition possible chez l’Homme ?

Les agneaux sur lesquels l’utérus artificiel a été testé ont présenté des paramètres médicaux et un développement fœtal normaux :

  • Une bonne circulation sanguine ;
  • Une bonne oxygénation du sang ;
  • Une croissance normale ;
  • Une maturation des poumons ;
  • Une maturation du système nerveux central.

Ces premiers résultats encourageants obtenus sur un modèle animal sont-ils imaginables chez l’Homme ? Les chercheurs ont choisi l’agneau pour tester leur utérus artificiel, car le développement des poumons in utero chez cet animal est très proche de celui des fœtus humains.

Cet utérus artificiel constitue d’ores et déjà un formidable outil pour mieux comprendre les échanges entre la mère et le fœtus. Les auteurs de l’étude ne souhaitent pas grâce à leur utérus artificiel reculer les limites actuelles de la viabilité fœtale. Ils espèrent en revanche pouvoir à la fois améliorer la survie des grands prématurés, nés entre 23 et 25 semaines d’aménorrhée, et diminuer leurs séquelles à court, moyen et long termes.

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Estelle B. / Docteur en Pharmacie

– La prématurité. INSERM.
– An extra-uterine system to physiologically support the extreme premature lamb. Partridge, Emily A. and al. 2017. Nature Communications 8 :15112. DOI: 10.1038/ncomms15112.
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