Ah les soldes ! Entre chasse aux bonnes affaires et frénésie d’achats, nos dressings n’ont pas fini de se remplir ! Et si chaussures et vêtements flambants neufs, en apparence inoffensifs, pouvaient être responsables d’allergies et d’irritations cutanées ? C’est ce que révèle un récent rapport de l’Anses qui émet des recommandations visant à mieux protéger les consommateurs contre l’effet allergisant et irritant de certaines substances contenues dans ces articles.
Une investigation de taille face à un nombre croissant de cas
En France, les autorités sanitaires enregistrent régulièrement des cas d’allergies et d’irritations cutanées en lien avec des vêtements et /ou des chaussures. 1% à 5% des cas d’allergies ou de dermatites de contact seraient en lien avec l’habillement et 3% à 11% avec les chaussures. Devant le nombre toujours plus croissant de remontées de ce type de cas, les Ministères de la santé et de l’économie ont pris l’initiative de saisir l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) pour une mission inédite à l’objectif double :
- Identifier des substances chimiques irritantes ou dermo-sensibilisantes présentes dans ces articles,
- Dresser un état des lieux des connaissances sur la toxicité de ces substances et établir des recommandations adéquates.
Pour mener à bien cette mission, les experts de l’Agence se sont penchés sur la littérature scientifique. L’objectif initial consistait à dresser la très longue liste des substances chimiques pouvant entrer dans la composition des vêtements et des chaussures (cuir, plastique, boutons, lacets…). Les scientifiques se sont ensuite employés à identifier celles qui pouvaient être problématiques (irritantes ou allergisantes) et celles dites CMR parmi :
- une vingtaine de familles de substances chimiques dans les vêtements,
- une cinquantaine de substances dans les chaussures.
À savoir ! Les substances CMR désignent les substances ayant des effets cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.
Les experts de l’Anses ont ensuite recherché la présence de substances irritantes ou allergisantes cutanées dans des échantillons prélevés sur 25 vêtements neufs et 14 paires de chaussures issus de plusieurs boutiques d’où ont émané les plaintes de clients.
C’est ainsi qu’ils ont pu lister les composés douteux et largement retrouvés dans les échantillons de vêtements et de chaussures :
« Des métaux lourds (cobalt, antimoine, plomb, cadmium, mercure) ont été identifiés dans 16% des échantillons textiles » explique l’Anses, tout comme du cuivre et du nickel, mais aussi des stabilisateurs de couleurs et d’autres composés dispersants… Quant aux chaussures, c’est essentiellement le chrome VI (cancérogène et sensibilisant cutané) qui a été « retrouvé dans toutes les parties en cuir testées » et la colophane (sensibilisant cutané retrouvé dans la colle).
Parallèlement à cette analyse chimique, les experts de l’Anses ont mis sur pied une véritable étude biomédicale. Première du genre en France, cette étude avait pour but d’enquêter sur les cas d’allergie ou d’intolérance cutanées et sur leur lien possible avec des substances chimiques retrouvées dans des vêtements ou des chaussures.
C’est donc tout un réseau de médecins, parmi lesquels des dermato-allergologues et des toxicologues, qui a été sollicité pour analyser les articles portés par les patients et suspectés d’être associés aux réactions cutanées.
Entre janvier et septembre 2017, trente patients adultes ont été inclus dans la première phase de l’étude qui a permis d’identifier dans certains cas des substances chimiques présentes dans des articles portés à l’origine de symptômes : benzidine, chrome VI, nickel, colorant azoïque.
Ces premiers résultats intéressants ont convaincu l’Agence de poursuivre l’étude jusqu’en octobre 2018.
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Des recommandations précises et ciblées
A l’issue de cette expertise, l’Anses a émis des recommandations précises et ciblées à l’attention des autorités et des acteurs de la mise sur le marché de ces articles :
AUTORITES | RESPONSABLES DE LA MISE SUR LE MARCHE |
---|---|
Garantir un contrôle rigoureux des vêtements et chaussures mis sur le marché ainsi que leur conformité à la règlementation. | Vérifier auprès des fournisseurs l’absence de substances CMR ou sensibilisantes ou irritantes cutanées dans les vêtements et chaussures |
Réviser le seuil réglementaire du chrome VI dans les articles en cuir. | Mettre en place des études pour obtenir des données toxicologiques relatives aux colorants CI Disperse Orange 37/76 et CI Disperse Yellow 23 non encore documentés à ce jour. |
Fixer un seuil réglementaire pour le nickel dans les textiles. | Mieux informer le consommateur à travers un étiquetage et un emballage clairs, en particulier les populations déjà sensibilisées, permettant de signaler la présence potentielle de telles substances. |
Proposer une classification pour les substances non réglementées et identifiées comme responsables d’allergies cutanées en tant que « sensibilisant et/ou irritant cutané ». |
Enfin, le rapport de l’Anses n’oublie pas d’émettre des recommandations à l’attention des consommateurs en insistant sur l’importance de laver tout vêtement susceptible d’entrer en contact avec la peau, avant de le porter pour la première fois, en respectant les instructions de lavage préconisées par le fabricant. Il faut cependant savoir que le lavage préliminaire ne permet pas d’éliminer toutes les substances nocives, et peut même libérer des substances à risques pour les peaux fragiles (comme la paraphénylènediamine, retrouvée dans 20% des vêtements testés).
Les résultats définitifs de ces travaux d’expertise viendront très certainement soutenir les décisions de restriction de certaines molécules devant être prises prochainement par l’Europe pour limiter les substances à risque dans les vêtements et les chaussures.
D’ici là, on ne saurait que trop conseiller aux fans de shopping de surveiller de près leurs achats !
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Déborah L., Docteur en Pharmacie
– Articles chaussants et textiles d’habillement : mieux protéger les consommateurs du risque d’allergies et d’irritations cutanées. Site Anses. Consulté le 20 juillet 2018.