Viande artificielle : Bientôt dans nos assiettes ?

Actualités Innovations

Rédigé par Deborah L. et publié le 10 décembre 2020

De la viande artificielle bientôt dans nos assiettes ? C’est l’ambition d’une start-up américaine qui a créé une viande de poulet entièrement fabriquée en laboratoire. Ce projet innovant n’a pas manqué d’intéresser Singapour dont les autorités viennent d’autoriser la vente de morceaux de poulet artificiels dans ses restaurants. Mais quel est l’impact sur la santé et l’écologie ? Assiste-t-on à l’éclosion d’un nouveau marché ?

Viande artificielle étudiée en laboratoire

Viande artificielle : une première mondiale

Ces dernières années, la demande pour des alternatives alimentaires à la viande n’a cessé de croître. Or, les produits actuellement disponibles pour y répondre sont uniquement des produits végétaux. Fortes de ce constat, des dizaines de start-up à travers le Monde ont planché sur des projets de viande artificielle fabriquée en laboratoire. Sa production se limitait jusqu’à présent à des prototypes expérimentaux.

À savoir ! La viande artificielle également appelée viande in vitro ou viande synthétique, désigne un produit carné fabriqué au moyen de techniques d’ingénierie tissulaire permettant de s’affranchir de l’abattage d’animaux.

Dès lors, la viande artificielle verra-t-elle bientôt le jour dans nos assiettes ? C’est l’ambition d’Eat Just, une start-up américaine dont la viande artificielle de poulet vient d’être autorisée à la vente dans les restaurants de Singapour. L’agence de sécurité alimentaire locale a déclaré ce produit « propre à la consommation dans les quantités prévues » et en a autorisé l’utilisation et la vente comme ingrédient de nuggets. Cette nouvelle viande artificielle restera pendant au moins vingt ans sous la surveillance des autorités sanitaires du pays.

Entièrement cultivée en laboratoire à partir de cellules animales, la viande artificielle présente un atout de poids : la possibilité d’être produite en masse. Les fabricants de viande artificielle s’accordent à dire qu’un échantillon de cellules animales pourrait être à l’origine de 20 000 tonnes de viande !

Seul bémol, le processus de fabrication de viande artificielle ne reproduit pas la complexité d’un tissu musculaire. Or, selon Jean-François Hocquette, directeur de recherche à l’Institut de recherche sur l’agriculture et l’alimentation (Inrae), « Dans un vrai muscle, ces fibres musculaires sont entourées de tissus conjonctifs. Il va y avoir des nerfs, des vaisseaux sanguins et des cellules de matières grasses. [] Moi, j’appelle ça, non pas de la viande de culture, mais un amas de fibres musculaires. », conclut-il.

Pour la start-up américaine Eat Just, cette « première mondiale » représente pourtant « une avancée pour l’industrie alimentaire ». L’entreprise annonce avoir utilisé des bioréacteurs de 1 200 litres pour fabriquer plus de 20 lots de viande de poulet artificielle avant de les soumettre à des tests de qualité et de sécurité. Il faut dire que les experts prévoient une augmentation de la consommation de viande mondiale de 70 % d’ici 2050. La viande artificielle pourrait ainsi aider à répondre à une partie de la demande.

Lire aussiRemplacer la viande rouge par des protéines végétales réduit-il le risque de maladie cardiaque ?

Quel impact écologique ?

Autre atout de la viande artificielle mis en avant par ses promoteurs : son impact écologique bénéfique. Car la consommation de viande traditionnelle joue un rôle non négligeable dans le changement climatique à travers l’élevage intensif de bétail source de gaz à effet de serre. Selon Eat Just, de la viande produite en laboratoire permettrait ainsi d’aider à lutter contre le réchauffement climatique.  Pour Nathalie Rolland, directrice de l’association Agriculture cellulaire France, la viande artificielle représente une alternative incontestable à la viande d’élevage traditionnelle : « Je le vois comme un procédé beaucoup plus propre et plus sûr, poursuit-elle. C’est l’avenir, je pense, pour une catégorie de consommateurs. Des gens qui sont sensibles aux questions environnementales, au bien-être animal ou encore intéressés par les innovations ».

Si la viande artificielle a longtemps souffert de son étiquette de viande trop coûteuse à produire pour pouvoir concurrencer la viande d’élevage, les entreprises comme Eat Just poursuivent l’objectif de réduire les coûts dans les prochaines années : « Dès le début nous aurons un prix similaire au poulet haut de gamme d’un restaurant chic », affirme son porte-parole.

Lire aussiNourriture du futur : entre modernité et retour à la simplicité

Quel impact sur la santé ?

Dernière question et pas des moindres : quel sera l’impact de la viande artificielle sur la santé des consommateurs ?  Si les fabricants se targuent de qualités nutritionnelles équivalentes à celles de la véritable viande, rien n’est encore prouvé. Selon le chercheur Jean-François Hocquette, le sujet demande à être étayé au moyen d’études nutritionnelles de grande envergure : « Aujourd’hui on ne sait pas si c’est bon pour notre santé parce qu’il n’y a pas eu d’étude à grande échelle pour vérifier la qualité nutritionnelle de la viande de culture. On en est à un prototype de laboratoire. Donc, il faudrait sortir des laboratoires et faire des études nutritionnelles comme on le fait d’ailleurs pour n’importe quel aliment. »

Encore faudrait-il que la viande artificielle trouve son public. Car à en croire les récents propos du ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, les habitudes alimentaires des Français ne risquent pas de se transformer de sitôt : « Est-ce vraiment cela que nous voulons pour nos enfants ? Non. Je le dis clairement : la viande vient du vivant, pas des laboratoires. Comptez sur moi pour qu’en France la viande reste naturelle. »

Affaire à suivre…

Lire aussiViande et santé, quel lien ?

Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources
– La viande artificielle est-elle l’avenir de l’alimentation ? France tv info. Consulté le 8 décembre 2020.
– Singapour autorise la vente de viande artificielle, une première mondiale. Le Monde. Consulté le 8 décembre 2020.
  • philippe christian sabatie says:

    Ceci est l’avenir, mais le gros problème demeure dans les filières agricoles de la céréale jusqu’à l’étal. C’est tout une mentalité qu’il faut changer et ce ne sera pas simple tant la viande agit comme le sucre (addiction). De plus l’action écologique sera très importante puisque à l’arrivée on supprimera les élevages industriels, les abattoirs, mais pas les boucheries produites, effectivement cette viande produite suivant les codes génétique devra être debite. Ce sera un vrai progrès.

    • L'équipe Santé sur le Net says:

      Bonjour,
      Nous vous remercions de l’intérêt que vous portez à notre site Santé sur le Net. Effectivement, comme mentionné par Nathalie Rolland, directrice de l’association Agriculture cellulaire France, la viande artificielle représente une alternative incontestable à la viande d’élevage traditionnelle. Les questions environnementales, du bien-être animal et écologiques sont au cœur de cette innovation.
      Bonne journée,
      L’équipe Santé sur le Net.

Ou

Les commentaires sont fermés.