Attentats de 2015 : mieux comprendre l’impact des traumatismes

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Rédigé par Julie P. et publié le 27 novembre 2018

Dans son dernier Bulletin Epidémiologique hebdomadaire (BEH), Santé publique France publie les conclusions des premières études du programme de recherche transdisciplinaire « 13 Novembre ». Les victimes directes et indirectes et la population française ont été impliquées dans ces études visant à analyser les conséquences psychologiques des attentats. Retour sur les principales conclusions de ces études.

Attendats, l'impact des traumatismes

Un programme hors du commun

En réaction aux attentats du 7 janvier 2015 et du 13 novembre 2015, un vaste programme de recherche transdiciplinaire nommé « 13 novembre » a été initié. Coordonnées par Francis Eustache (neuropsychologue à l’université de Caen, Observatoire B2V des mémoires) et Denis Peschanski (historien et directeur de recherche au CNRS), ces études couvrent un ensemble important de discipline comme la santé, la psychologie, la neuro-imagerie et la sociologie tout en incluant tous les cercles de personnes ayant un lien direct ou indirect avec les attentats mais aussi, la population française, en général.

Le premier cercle des victimes, c’est à dire les témoins et les victimes et les intervenants (forces de l’ordre, pompiers, personnels associatifs) sur les lieux d’attentats, a développé un état de stress post- traumatique (ESPT).

À savoir ! Un état de stress post-traumatique (ESPT) est un trouble mental consécutif à un événement traumatique (attentat, guerre, agressions, etc.) Il se manifeste par des pensées intrusives, des conduites d’évitement et des perturbations de la fonction cognitive (raisonnement) et de l’humeur.

Dans l’étude IMPACT, les chercheurs ont mis en évidence que suite aux attentats de janvier 2015 :

    • 18% de la population exposée aux attentats et 3 % des intervenants ont développé un ESPT ;
    • 20 % de la population civile exposée aux attentats et 14 % des intervenants ont développé une dépression ;
    • 53 % de ce premier cercle avaient bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique dans un délai de 48 heures après les événements.

Deux conclusions sont à retenir dans cette étude : la totalité des personnes touchées par l’attentat doit bénéficier d’une prise en charge psychologique et les professionnels de santé doivent avoir également conscience du risque traumatique auquel ils s’exposent. Cette étude se poursuit néanmoins pour étudier les facteurs pré-traumatiques (profession, antécédents psychiatriques), péri-traumatiques (niveau d’exposition aux attentats) et post-traumatiques (suivi psychologique, encadrement familial et professionnel) permettant d’anticiper l’évolution de la santé mentale des personnes impliquées.

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13 novembre : un choc post-attentat sans précédent

Une enquête par web questionnaire huit à onze mois après les attentats du 13 novembre 2015 et incluant 575 personnes a mis en évidence que

  • 54 % des menacés directs, 27 % des témoins sur place et 21 % des témoins à proximité avaient un ESPT ;
  • 54 % des endeuillés souffraient d’un ESPT et 66% souffraient d’un deuil compliqué.

À savoir ! Un deuil compliqué est un deuil qui est plus long tout en s’accompagnant aussi d’une souffrance très forte, voire une dépression chronique. Les individus vivant ce type de deuil ont souvent beaucoup de difficultés à accepter la disparition de leur proche et peuvent être dans un déni profond.

Une enquête sur 698 intervenants des attentats du 13 novembre a montré que l’ESPT touchait 3,5 % des pompiers, 9,9 % des forces de l’ordre et 4,5% des professionnels de santé et des membres des associations de protection civile.

Ici, les mêmes conclusions que pour l’attentat de janvier 2015 sont formulées : renforcer et élargir les soins à moyen terme auprès des populations exposées directement ou indirectement.

Dans la population parisienne et française, le système de surveillance SurSaUD® (Surveillance sanitaire des urgences et des décès) a permis de mettre en évidence un pic « net et sans précédent » des passages aux urgences le 14 novembre, suivi d’un second pic le 16 novembre. Ce recours aux systèmes de santé (urgences hospitalières et cliniques, SAMU, SOS médecin) concernait majoritairement des jeunes adultes âgés de 15 à 44 ans. Les deux diagnostics principaux étaient un ESPT et une réaction aigüe au stress. Hors Ile-de-France, SurSaUD®  a mis en évidence une augmentation des consultations aux urgences à partir du 14 novembre, jusqu’à un pic le 17 novembre.

Le programme de recherche « 13 novembre » se poursuit avec un suivi des personnes interrogées jusqu’en 2026. Aussi, l’étude REMEMBER est en cours pour mesurer les capacités de contrôle de la mémoire (grâce à l’imagerie cérébrale) et des émotions des personnes les plus exposées mais aussi, celles n’ayant pas vécu directement les évènements. Trois autres projets sont actuellement en cours : l’un concernant la réception des attentats dans le monde scolaire, un autre concernant la « fabrique des mémoires » et enfin, le dernier, ayant pour objet l’analyse du traitement médiatique des attentats sur les réseaux sociaux.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. Les attentats de 2015 en France : mesurer leur impact en santé publique pour mieux préparer la réponse. Santé Publique France. Le 13 novembre 2018.
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